Avec la rentrée des festivals et l’abondance des sorties en salles, vous auriez presque fini par oublier notre rendez-vous mensuel, hmm ? Eh bien non, le front de l’inédit vidéo est toujours actif, et même de plus en plus médiatisé depuis que les sorties estampillées eCinema, SVOD, VOD et d’autres biais encore plus fumeux se multiplient sur le petit écran. De plus en plus, le format physique passe au second plan, et les DTV « classiques » doivent se battre pour exister… D’où l’utilité d’une sélection en bonne et due forme, réalisée par nos soins pour vous permettre d’y voir plus clair !
Comme d’habitude, la sélection comprend des productions sorties à la vente et/ou à la location, plutôt dématérialisée dans ce dernier cas (à moins d’être parisien ou chanceux, peu de chances pour que vous puissiez les louer en DVD). Tous les films sont disponibles pour quelques euros, en attendant les programmes des chaînes câblées ou les services de SVOD. Trêve de bavardages : bonne lecture… et bonnes soirées vidéo !
MI-5 : Infiltration
Un film de Bahrat Nalluri, avec Kit Harington, Peter Firth, Lara Pulver
Sortie le 18 septembre en e-Cinema (TF1 Vidéo)
Malgré ce que laisse penser son titre français, MI-5 Infiltration n’est pas une tentative opportuniste de surfer sur la franchise Mission Impossible, même s’il s’agit bien d’un film d’espionnage britannique. Spooks, en VO, est la continuation au cinéma de la série du même nom, diffusée pendant dix ans sur BBC One. Chassant plutôt sur les terres de La Taupe que de Kingsman, MI-5 profite de l’inflation de son budget pour organiser une chasse au terroriste au cœur de Londres et de ses sites les plus photogéniques. Kit « Jon Snow » Harington joue les recrues rebelles aux côtés du vétéran du show Peter Firth, dans une intrigue qui comme la série n’épargne rien à ses personnages, surtout pas la mort, et multiplie plus les trahisons et machinations que les scènes d’action. La manière dont les secrets de chacun sont révélés paraît parfois téléphonée, et les emprunts au style de la saga Jason Bourne sont trop visibles pour être ignorés. Plus cérébral qu’original, pâtissant d’un méchant interchangeable et peu charismatique, MI-5 contentera malgré tous ceux qui préfèrent les histoires d’espionnage de John Le Carré, en prise avec le monde actuel, plutôt que les fantaisies exotiques dérivées de Ian Fleming.
À voir… si vous ne jurez que par les espions britanniques, si vous souhaitez vous assurer que Jon Snow respire toujours.
Adaline
Un film de Lee Toland Krieger, avec Blake Lively, Harrison Ford
Sortie le 16 septembre en DVD et Blu-ray (TF1 Vidéo)
Distribué en grandes pompes en « eCinema » au printemps dernier, en même temps que sa sortie en salles outre-Atlantique, Adaline, désormais disponible partout, est un mélodrame temporel moins porté sur le fantastique que sur son étrange histoire d’amour. Adaline, tel un Duncan McLeod en jupons, est une belle blonde (normal, c’est Blake Lively dans son premier grand rôle post-Gossip Girl) qui à cause d’un coup de foudre – littéral et aquatique – a cessé de vieillir et est devenue immortelle. Changeant d’identité régulièrement, elle est obligée de voir sa fille vieillir, et ses proches disparaître. Sa vie change lorsqu’elle rencontre le beau Ellis (Michael Huisman, de Game of Thrones), puis ses beaux-parents, dont l’un n’est pas joué par Harrison Ford pour rien… S’il se veut sentimental et poétique, à la manière d’un Benjamin Button, avec une voix-off particulièrement redondante, Adaline s’appuie malgré tout sur un script plutôt fin, tout en retenue, calqué sur son personnage-titre, doté d’une sagesse, d’un savoir et d’une élégance d’un autre âge, qui contrastent avec sa jeune apparence. Lively se glisse avec aisance et assurance dans la peau de cette Adaline pleine de nostalgie, confrontée à de bien étranges et improbables dilemmes. Face à elle, Huisman est bon, mais sans relief, tandis que Harisson Ford, malgré sa coupe de cheveux hirsute, se montre enfin digne de son talent en jouant le père de famille tourneboulé par les souvenirs de sa jeunesse. Il est d’ailleurs incarné, dans de saisissants flash-backs, par un véritable sosie de lui jeune, Anthony Ingruber.
À voir… si vous avez toujours voulu voir une version féminine de Highlander, avec l’histoire d’amour, mais sans les décapitations.
The Terror Live
Un film de Kim Byeong-Woo, avec Ha Jung-Woo, Lee Da-Wit
Sortie le 30 septembre en DVD et Blu-ray (Elephant Films)
Découvert l’an passé au Festival du film coréen à Paris, The Terror Live fait partie de ces petites perles de suspense que le cinéma sud-coréen dégoupille régulièrement, pleines d’audace, mais pas de compromis. À la fois satire des médias très rentre-dedans, huis clos conceptuel que n’aurait pas renié Larry Cohen, et film d’action (sa dimension la moins réussie, faute de budget à la hauteur), le thriller de Kim Byeong-Woo prend pour un héros une vedette de la télé reléguée à la présentation d’un show radiophonique (la star Ha Jung-Woo, vu dans The Agent, Murderer et Kundo), qui voit une chance de revenir sur le devant de la scène après un attentat terroriste. Ayant le coupable au bout du fil, il manœuvre ses patrons pour passer à la télé, et faire durer le suspense, sans penser aux conséquences. Bientôt, le cirque médiatique s’emballe, les politiciens, visés par le terroriste, s’en mêlent, et tout dérape… En dire plus saboterait la tension qui parcourt ce film nerveux qui renvoie sans ménagement la sphère médiatico-politique dos à dos : tous les personnages de The Terror Live agissent dans leur intérêt propre plutôt que dans celui de la communauté. Ha Jung-Woo, qui joue un cadre ivre de revanches proprement imbuvable, parvient malgré tout à créer l’empathie au fur et à mesure que son personnage se retrouve victime de ses propres instincts d’entertainer. Vu le côté universel de la charge de Byeong-Woo, il ne serait pas étonnant qu’un tel scénario fasse bientôt l’objet d’un remake. En attendant, découvrez plutôt l’original !
À voir… si vous adorez les huis clos politiquement incorrects, si vous prenez au premier degré l’expression « info spectacle ».
Kill your darlings
Un film de John Krokidas, avec Dane DeHaan, Daniel Radcliffe
Sortie le 28 septembre en DVD et Blu-ray (Metropolitan)
Ce n’est pas la première fois que le cinéma américain tente de rendre hommage à l’écran aux grands auteurs de la Beat Generation. Après Howl, où James Franco incarnait le poète gay Allen Ginsberg, et l’adaptation de Sur la route par Walter Salles, Kill your darlings saisit un moment dans la jeunesse turbulente des Jack Kerouac, Ginsberg et William Burroughs, au milieu des années 40. Une période personnifiée par Lucien Carr, dont la liberté morale et sexuelle fascine chacun d’entre eux. Ils seront impliqués en 1944, dans l’affaire du meurtre de l’amant de Lucien, David Kammerer. Autour de ce fait divers, le réalisateur John Krokidas tisse un curieux biopic centré sur le timide Ginsberg (Daniel Radcliffe, on ne peut plus loin des Potter), qui se perd dans sa relation avec Lucien (Dane DeHaan, plus « dicapriesque » que jamais), et se cherche encore comme auteur. Au-delà de ses choix musicaux un poil trop décalés, Kill your darlings est curieux parce que ces bouillonnants esprits sont plus décrits comme des garnements pédants et oisifs, que comme des poètes avant-gardistes. La soif de création rime bien sûr avec une jeunesse insouciante, mais il est plus question ici d’aborder (maladroitement) l’homosexualité comme une découverte de soi un peu honteuse, voire criminelle – alors que Burroughs et Ginsberg seront plus tard de fervents militants de la cause – ou de démontrer l’attitude rebelle des garçons contre leur université, que d’ouvrir une porte sur les racines de leur génie. Kill your darlings aura plus de valeur s’il est abordé comme une introduction au mouvement Beat, une invitation à découvrir la vie de ses auteurs et leur œuvre, plutôt que comme un film définitif sur le sujet.
À voir… si vous voulez découvrir les auteurs Beat et voir Daniel Radcliffe retourner sur les bancs de l’école, avec ses lunettes d’Harry Potter.
Firestorm
Un film de Alan Yuen, avec Andy Lau, Michael Wong, Jun Hu
Sortie le 8 septembre en DVD et Blu-ray (HK Vidéo)
Même s’ils ne provoquent plus la même euphorie chez les spectateurs occidentaux, les polars hongkongais continuent d’éclore régulièrement en Chine, grâce à des artisans compétents comme Benny Chan ou Dante Lam. Certes, il est rare que le genre se hisse au niveau de la vague des années 90 portée par John Woo. Mais il est permis de prendre un plaisir nostalgique à voir des séries B comme ce Firestorm, réalisé par le scénariste de New Police Story et mettant en vedette un Andy Lau ici aussi impassible qu’indestructible. L’histoire, vous la connaissez sans le savoir : des braqueurs surarmés sèment la pagaille dans la ville, un flic borné risque tout pour les arrêter. Il y a une taupe, un méchant complètement fou, des guets-apens dans des HLM miteux… Firestorm est tellement blindé de clichés et de passages obligés qu’il risque à tout moment de tomber dans l’anonymat. Ce qui le sauve, c’est la volonté d’Alan Yuen de faire péter tous les coins du décor. Il y a de la tôle froissée en pagaille, une baston invraisemblable sur un fil à linge, une fusillade brutale dans un escalier, et surtout un final apocalyptique, où même le bitume explose sous les pieds des héros. C’est insensé, assez moche vu la profusion d’effets numériques pas très réalistes, et ça se regarde d’un air détaché puisque aucun personnage n’est attachant. La tornade annoncée par le titre, elle, ne fait que passer hors champ !
À voir… si vous êtes nostalgiques de la grande époque du polar HK, si vous adorez Andy Lau et les films inspirés par Heat.
Le Virtuose
Un film de François Girard, avec Dustin Hoffman, Garrett Waering
Sortie le 16 septembre en DVD et Blu-ray (TF1 Vidéo)
Réalisateur, entre autres, du Violon Rouge, le Québécois François Girard tâte à nouveau de la grande musique à l’occasion du Virtuose (ou Boychoir en VO), qui pourrait être présenté comme une version américaine des Choristes, sans la tendance douteuse à la nostalgie du « bon vieux temps », et le côté Guerre des boutons au pensionnat. Dans Le Virtuose, les petits chanteurs de l’American Boychoir School sont certes la crème de la crème des chorales classiques, mais le film ne les idéalise pas pour autant. Derrière le parcours prévisible de Stet, quasi-orphelin bagarreur, mais doté d’une voix d’ange, pris sous son aile par le sévère chef de chœur Dustin Hoffman, le réalisateur dessine en creux le portrait d’une communauté constamment au bord de la désillusion : l’angoisse de ne pas atteindre les bonnes notes, le caractère éphémère d’une voix qui disparaîtra avec la puberté… Le film vend certes une morale bien puante (avec un peu de talent et du succès, vous aurez droit à une vraie famille – so american !), et ne cherche jamais à surprendre son auditoire, mais Girard a la présence d’esprit d’ajouter une pointe de mélancolie à l’affaire. Il peut s’appuyer aussi sur un trio d’acteurs – Hoffman, Eddie Izzard et Kathy Bates – aussi bigarré que complémentaire, et qui confère sans se forcer un certain capital sympathie à ce très sage Virtuose.
À voir… si vous avez toujours secrètement voulu être enfant de chœur, si vous aimez les chorales, mais pas les Choristes.