Bienvenue à Los Angeles. Non pas la cité californienne telle qu’on la connaît aujourd’hui, mais sa version étouffante, polluée jusqu’au dernier degré, secouée par des orages électriques et peuplée de hautes cheminées et de pyramides en béton massives et inquiétantes. Bienvenue à nouveau dans le monde de Blade Runner, chef d’œuvre de la science-fiction qui a pratiquement influencé tout un courant (en l’occurrence le cyberpunk) et durablement traumatisé toute une génération de spectateurs. Le paradoxe du film de Ridley Scott, qui sortait alors du succès d’Alien, est que son importance manifeste dans le genre et la décennie qui l’ont vu naître s’est affirmée sur le tard, après une réception en salles assez glaciale.

Une séquelle pure et dure

Le temps a fait son œuvre, et il y a peu de chances pour sa séquelle, Blade Runner 2049, passe aussi inaperçue en octobre prochain. Maintes fois annoncé, longtemps fantasmé par une frange de cinéphiles qui a passé des heures à décortiquer les différents montages et making of de cette œuvre mythique adaptée de Philip K. Dick, cette suite est logiquement aussi redoutée qu’attendue. Contrairement à l’univers d’Alien, que Scott revisite encore cette année avec Covenant et dont il semble vouloir reprendre durablement le contrôle, Blade Runner reste un film unique, sans descendance officielle sur grand comme sur petit écran (pour mémoire, trois romans et une série de comics sont parus dans les années suivantes). À l’heure où les studios ne jurent que par les reboots, y compris de films à peine vieux d’une décennie, Scott, Warner Bros et la Columbia ont pris le risque de situer l’intrigue de cette production trente ans après les événements de l’original. Le scénariste original, Hampton Fancher, a été rappelé pour travailler avec Michael Green (Logan), sur un script qui met en avant un nouveau héros, mais permet aussi de faire revenir à l’écran nul autre que Rick Deckard… et donc ce bon vieux Harrison Ford !

[quote_center] »Pour Denis Villeneuve, Blade Runner 2049 a constitué un boulot exténuant, rendu encore plus stressant par le fait qu’il doit livrer un film au moins aussi soigné que son prédécesseur. »[/quote_center]

Dans ce futur alternatif, qui reprend vie comme si de rien n’était après plus de trois décennies, il pleut toujours beaucoup, tout est éclairé au néon et par des pubs en réalité augmentée (notamment pour Atari !), et les « blade runners » font toujours la gueule. Gosling, en mode impassible, est l’épicentre tourmenté d’un scénario qui va l’emmener dans un Las Vegas poussiéreux (et sous influence asiatique, a priori) sur les traces de Deckard. Annoncé en grandes pompes dans un premier teaser ésotérique, le retour du chasseur de répliquants (qui en est peut-être un lui-même –cela dépend de la version du film que vous regardez), prend une autre importance dans le nouveau trailer, dévoilé lundi après une séance de Q&A de l’équipe sur Internet. Même s’il semble avoir moyennement apprécié le tournage de cette suite à un film qu’il portait peu dans son cœur, Harrison Ford n’aura pas le temps de se tourner les pouces ici. Le duo croisera notamment la route d’une jeune femme en détresse (Ana de Armas, Knock Knock), d’un « créateur » génétiquement modifié (Jared Leto) qui a peut-être pris le contrôle de l’entreprise Tyrell – celle-là même qui crée les répliquants -, d’une supérieure inquiète (Robin Wright), d’un colosse à lunettes dangereux joué par Dave Bautista (Les gardiens de la galaxie), et enfin d’Edward James Olmos, déjà de service en 1982 !

Roger Deakins, dans ses œuvres !

Blade Runner 2049 : un pari impossible ?

Uniquement producteur, Ridley Scott a eu le nez creux en confiant les rênes de ce projet à Denis Villeneuve, qui a dû entamer la préproduction du film en même temps qu’il bouclait son Premier Contact. De l’avis même du réalisateur canadien, Blade Runner 2049 a constitué un boulot exténuant, rendu encore plus stressant par le fait qu’il doit livrer un film au moins aussi soigné que son prédécesseur. Pas une mince affaire, même si les technologies numériques permettent de faciliter la tâche d’un cinéaste dans la création d’un monde à la fois très singulier et immédiatement reconnaissable. Villeneuve peut aussi compter sur l’un de ses fidèles collaborateurs, le directeur de la photo Roger Deakins, qui s’est visiblement surpassé pour signer des images épurées et évidentes à la fois, avec de multiples sources de lumière, une gestion des contre-jours et un jeu d’échelles assez impressionnant. Et encore, on ne parle que de deux minutes de plans savamment choisis pour entretenir le mystère… À la musique, on retrouve aussi Jóhann Jóhannsson, qui devra lui succéder à la BO là aussi très culte de Vangelis. Pas de risque de ce côté-là : la bande-annonce ne perd pas de temps avant de ressortir les nappes synthétiques angoissantes qui enveloppaient le Blade Runner original.

Blade Runner 2049 sera sans doute un film de son temps, plus commercial et moins existentialiste que son modèle, même si l’on espère un propos moins prédigéré que dans le récent Ghost in the shell (autre univers qui tirait une partie de ses influences du film de Scott). Villeneuve, adepte des vertiges narratifs et des ambiances cotonneuses, s’est voulu rassurant sur ce qui constitue son premier véritable blockbuster (il va enchaîner avec un autre mastodonte nommé Dune) : les thèmes « de la mémoire et de l’empathie » seront au cœur du récit, tout comme les réflexions sur l’intelligence artificielle, le libre arbitre… et, espérons-le, les poursuites en spinner – on a toujours voulu voir ça !

Bande-annonce

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