C’est une mode qui est partie pour durer. Les réalisateurs trentenaires américains, dont l’enfance puis l’adolescence ont été rythmées par la découverte des films de John Carpenter et de ses contemporains des années 80, sont désormais nostalgiques de cette école de cinéma fantastique, pré-synthétique et dénuée de cynisme. On ne compte plus les titres qui se réfèrent à cette période faste du film de genre, non seulement en terme de mise en scène pure et d’ambiance sonore (It Follows est un exemple récent), mais aussi en matière de technique et de direction artistique. Le travail de Rob Bottin sur The Thing constitue, entre autres classiques, une date cruciale dans cette approche de l’horreur à l’écran : viscérale, palpable, soutenue par une ambiance excluant tout second degré.
L’Antre des ténèbres
Il va sans dire que l’influence de ce classique, ainsi que de Prince des ténèbres et L’antre de la folie (ce qu’on appelle dans la carrière de Carpenter la « trilogie de l’Apocalypse »), pèse inévitablement sur The Void, production canadienne réalisée par Jeremy Gillespie et Steven Kostanski. Leur nom ne vous dit sûrement rien, mais les deux amis sont pourtant loin d’être des débutants dans l’industrie. Le premier est un touche-à-tout qui cumule les casquettes mais gagne surtout son pain au département artistique de grosses productions comme Pacific Rim, Suicide Squad, ou The Expanse. Kotanski, lui, est un spécialiste des maquillages, notamment prosthétiques, qui a effectué un travail impressionnant dans la série Hannibal. Le duo fait (a fait ?) partie du collectif Astron-6, connu pour des séries B/Z psychotroniques et gores à souhait comme Manborg, Bio-Cop et surtout l’ultra-grindhouse Father’s Day, parrainé mine de rien par Lloyd Kaufman.
Pas d’humour salace et d’atteintes au bon goût (quoique) dans The Void, projet que Gillespie et Kostanski ont financé avec l’aide du crowdfunding, et conçu pour nous ramener trente ans en arrière, à une époque où Big John nous faisait toucher du doigt le Mal à l’écran en s’inspirant de Lovecraft. Le film se déroule en partie dans un décor unique, un hôpital de campagne, où vont se réfugier une poignée de personnages attaqués de toutes parts par des monstres innomables. The Void ne manque pourtant pas d’ambition, malgré ses limitations et son budget rachitique, et c’est ce qui permet au long-métrage de faire monter, petit à petit, un sacré buzz autour de lui. Il faut dire que le premier teaser, en moins d’une minute, sait faire monter la pression, avec ses visions de mutations tentaculaires, d’énucléations sans préavis, de secte obsédée par des symboles triangulaires et de cauchemars célestes. Il flotte comme un air d’Event Horizon dans cette histoire de dimension infernale répandant l’horreur d’un seul coup sur Terre…
Petit budget, grosse passion
De l’avis des premiers spectateurs ayant découvert le film dans son milieu naturel (les festivals spécialisés, comme Gérardmer), The Void serait un film sans compromis, pas sans défauts certes, mais qui en donnerait pour son argent aux amateurs de films d’horreur lassés des histoires de fantômes et de found footage opportunistes. L’amour manifeste et sincère du duo Kostanski / Gillespie pour les monstres baveux de leur enfance, et leur débrouillardise manifeste pour livrer une œuvre qui transcende ses limites budgétaires, laisse espérer une belle surprise – mais sans doute en VOD, puisque c’est sous ce format que le film est prévu pour sortir en Angleterre.