BIFFF 2019 : bilan d’un festival toujours aussi fantastique

par | 23 avril 2019

Retour sur la 37e édition du BIFFF de Bruxelles, la Mecque du cinéma de genre, qui a réservé une fois encore de belles surprises, venues des quatre coins du globe ! 

Dimanche 21 avril s’est achevée en Belgique la 37e édition du BIFFF, le Festival international du film fantastique de Bruxelles. Une véritable institution qui, comme Sitges en Espagne, permet de prendre le pouls du cinéma de genre pendant quinze jours remplis de films d’horreur, de SF, de thriller et de séries Z : plus de 80 longs-métrages, des masterclass (dont celles des invités d’honneur, le réalisateur Na Hong-jin et le spécialiste des effets spéciaux Steve Johnson), des courts, des rencontres, qui ont attiré 55 000 spectateurs.

Aux côtés de titres déjà connus sous nos latitudes, comme American Animals, The Quake ou The Unthinkable, le BIFFF 2019 a proposé un menu varié, en ambiance comme en qualité. On pouvait y voir une comédie horrifique british bien poussive (Killer Weekend), une parodie espagnole de super-héros qui sent bon la paella (Superlopez), et des supers-productions coréennes qui nous explosaient les mirettes avec plus (Rampant) ou moins (le peu digeste Along with the gods 2) de talent.

Les comédies ont le beau rôle

Les comédies ont étonnamment dominé le programme (ainsi que le palmarès, voir plus bas) entre deux lâchers de canots pneumatiques dans la salle du Bozar – oui, le BIFFF est aussi connu pour son atmosphère potache incomparable et unique en son genre. Le dessus du panier était réservé à Little Monsters, Grand Prix de cette édition, avec Lupita Nyong’o (Us). Une comédie zombiesque, une de plus, oui, mais scénarisée et dialoguée de manière imparable. Le grand éclat de rire du festival bourrés de clins d’œil « starwarsiens ». Plus faible mais surtout plus british, le film de fantômes Extra Ordinary, primé lui aussi, valait surtout pour la prestation du trop rare Will Forte. Quand au très attendu The Beach Bum avec Matthew McConaughey, il permet de reprendre des nouvelles d’Harmony Korine, qui jongle avec les codes du stoner movie pour livre une réflexion sur la création et le free spirit assez fun et moins putassière que Spring Breakers. Moins de réussite par contre avec les productions chinoises, qui ne manient certes pas le même humour : d’un côté, Golden Monk fait regretter le temps où le mogul Wong Jing faisait de la Catégorie III. De l’autre, Kung Fu Monster est une pantalonnade tagada-pouet-pouet qui aura peu de chances de traverser les frontières chinoises. À moins que Netflix… Les pays de l’Est ont également peu brillé. Que ce soient les thrillers fantastiques russes Quiet comes the Dawn et The Soul Conductor, ou le hongrois Dédale meurtrier, les spectateurs ont eu droit à des films plutôt balourds et ressassant du déjà-vu, quand ils ne copiaient pas le modèle américain. Le soleil ne se lève pas encore à l’Est pour le genre. La coproduction européenne The Room (rien à voir avec le fameux nanar de Tommy Wiseau) avait beau posséder un ton très Twilight Zone et un pitch excitant à base de pièce secrète, le résultat aurait été plus convaincant comme segment d’un film à sketch que sur un récit étiré sur 90 minutes. Certes, Olga Kurylenko s’y fait doucher de diamants en tenue affriolante, mais cela ne suffit pas à sauver l’ensemble. Plus marquant et beaucoup plus inattendu, le film indien Tumbbad, disponible depuis quelque temps sur Prime Vidéo, réussit à atteindre l’équilibre entre conte moral et récit horrifique, avec des images qui hantent longtemps l’esprit, et ne tombent pas dans le piège de l’exotisme toc.

Pièges en huis-clos

Le BIFFF, et il faut le rappeler, c’est aussi une sélection tous azimuts de thrillers. Et pour cette 37e cuvée, nous avons été plutôt biens servi. Pays devenu la référence dans le genre, la Corée du Sud était bien présente avec Take Point, mix assez saisissant entre huis-clos à suspens géopolitique et actioner tendance Mission: Impossible dans son dernier tiers, et Believer, remakeintéressant et clinquant du Drug War de Johnnie To, déjà croisé au Festival du film coréen à Paris. La Thaïlande a fait aussi sensation avec The Pool et son crocodile surgissant dans une piscine vide. Chouchou de la critique, le film, malgré quelques scories narratives, traite avec malice des dangers de ne pas respecter les consignes de sécurité au bord de la piscine. Un détour à Hong-Kong a permis de retrouver le nouvel immigré Renny Harlin, qui après le bide de La légende d’Hercule, est parti se ressourcer en Chine en prenant les commandes de gros budgets locaux. Il nous propose avec Bodies at Rest non pas un remakede son 58 minutes pour vivre mais plutôt de Piège de Cristal, avec comme cadre principal la morgue d’un hôpital. Plutôt bien troussé, le film se laisse voir avec plaisir et augure d’un rebond de carrière salvateur pour le Finlandais, qui devrait bientôt faire son retour aux USA avec The Misfits.

À ranger dans la catégorie polymorphe du « survival en huis-clos », avec une pointe de thriller psychologique, citons enfin l’anglais Feedback, et son décor de radio en otage, porté par le talent d’Eddie Marsan, ainsi que le Danois Cutterhead qui nous enferme dans un suffocant sas pressurisé. Les deux longs-métrages réussissent à tenir en haleine dans des décors étriqués, en assaisonnant l’affaire d’une petite pointe de sarcasme bienvenue. Grosse déception en fin de parcours avec Cut Off du prolifique réalisateur allemand Christian Alvart (Antibodies, Pandorum), un film de serial-killer insulaire qui se révèlera être une baudruche assez indigeste et au final bien grotesque. Pas de quoi ternir toutefois le bilan d’un festival qui sait chaque année se rendre indispensable et festif, par sa profusion de découvertes et de moments cultes, du genre qu’on ne peut vivre qu’en salles…

Palmarès 2019

Grand Prix : Little Monsters

Corbeau d’argent : Freaks et Extra Ordinary

Méliès d’argent (compétition européenne) : I’m back

Prix du meilleur thriller : Door Lock

Mention spéciale : Brother’s Nest

Grand Prix compétition 7e Orbit : Werewolf

Mention spéciale : Cities of last things

Prix du Public : Ne coupez pas !

Prix de la critique : The Pool