Et voilà… c’est fini. En léger différé du Forum des Images, voici venir notre dernière salve de chroniques made in Étrange Festival. Au terme d’une édition 2016 qui a vu Jeeg Robot et Headshot remporter ex-aequo le Grand Prix et Alejandro Jodorowsky le prix du Public, vous pouvez découvrir nos chroniques sur trois autres films présentés également en compétition durant l’événement : un deuxième long enfin intéressant de Richard Bates Jr., une série B bien routinière par l’auteur de The Collector et un film d’exploitation taïwanais aussi obsédé qu’amoral… Bref de quoi clôturer ces étranges brèves avec une bonne dose de film de genre et de politiquement incorrect !


The Neighbor : le plus méchant du quartier

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Ce petit thriller distille un petit air de déjà-vu : John et sa chérie Rosie sont aux prises avec le super-vilain monsieur qui vit dans la ferme d’à côté. L’intrigue se déroule au pays des redneck américains, avec des femmes vénales mais pas trop, et des hommes obsédés, mais pas tant que ça. Ces gros lourdauds fatigués font vrombir leurs énormes pick-ups à la manière d’un 747, parce que « la pollution, on s’en fout ». À part ça ? Des kidnappings, des règlements de compte en famille, et cette bonne vieille loi du Talion en étendard. Derrière la caméra, Marcus Dunstan, qui avec son compère scénariste Patrick Melton a déjà signé The Collector et sa suite ainsi que les Feast et Saw VI et VII, sans oublier (ou pas) Piranha 3DD. Une carrière faite de hauts et surtout de bas, qui confirme tout de même une grande assurance en manière de série B.

Et à part ça ? Le film dérive progressivement mais sûrement vers le torture porn, comme le sous-sol rempli de chaînes, les masques en papier journal et les cages à humains semblent le laisser penser. Mais contre toute attente, Marcus Dunstan construit plutôt un suspense plutôt efficace. Quoi d’autre ? Malgré des personnages caricaturaux au possible, le sympathique Josh Stewart (déjà la star de The Collector) portent les maigres nuances du film sur ses épaules. Au final, si l’originalité ne pointe pas vraiment le bout de son nez dans ce  Neighbor très générique, le film a le mérite de rester cohérent et haletant. Vous avez 1h27 à tuer ?


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Troissurcinq

The Neighbor
De Marcus Dunstan
2016 / États-Unis / 87 minutes
Avec Josh Stewart, Jaqueline Fleming, Alex Essoe
Sortie prochainement (en vidéo)
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The Tenant Downstairs : mes chers locataires…

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Présenté par les organisateurs de l’Étrange comme un magnat de la musique en Chine, un producteur riche à millions, Adam Tsuei effectue un virage d’autant plus surprenant en passant à la réalisation avec The Tenant Downstairs. Sorte de version taïwanaise de l’espagnol Malveillance, ce huis-clos nous propulse dans l’intimité, plus glauque que plaisante, d’une poignée de locataires espionnés sans le savoir par un gérant obsédé et pantouflard (un Simon Yam fabuleux, option cheveux longs et robe de chambre à la The Dude). Il y a un couple d’amants homosexuels, un forcené de la gonflette, un homme divorcé et sa jeune fille, un ado branleur passionné de science, une nymphette ambitieuse… et une tueuse en série, que notre proprio voyeur observe sans intervenir, pendant qu’elle occit ses proies dans sa chambre.

Un bordel choral joyeusement immoral, donc, que le film d’Adam Tsuei va se charger de faire imploser, en observant les conséquences des agissements du gérant, qui s’improvise maître du destin en bousculant (pour le pire !) la vie de ses locataires. Emballé avec soin (joli plan-séquence générique), The Tenant Downstairs doit néanmoins s’approcher comme un film d’exploitation, qui rappellerait les fameux « Catégorie III » qui faisaient le bonheur des amateurs de cinéma hongkongais. C’est-à-dire qu’entre deux blagues, Tsuei caviarde ses scènes de torture porn ou de sexe langoureux, sans prévenir et sans se soucier de moralité. On appréciera donc avec le recul qui s’impose les jugements portés sur l’homosexualité et les filles faciles, tout comme les traits d’humour malvenus sur la pédophilie (si, si). Ah, et pas la peine de se faire du mal en tentant de justifier le facétieux twist final : Tsuei est là pour « divertir la galerie » (c’est lui qui le dit), pas pour pondre un hommage à Shyamalan !


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Troissurcinq

The Tenant Downstairs
D’Adam Tsuei
2016 / Taïwan / 110 minutes
Avec Simon Yam, Yu-Wei Shao, Xing Li
Sortie prochainement
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Trash Fire : sitcom trash et Southern gothic

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Vu qu’il n’est (fort heureusement) pas sorti chez nous, il est difficile pour nos lecteurs de comprendre à quel point nous avions détesté le premier film de Richard Bates Jr., Excision. Puéril, scabreux, incohérent et m’as-tu-vu, ce premier essai qui se voulait une satire trash de la famille américaine tombait régulièrement à plat et se complaisait dans les redondances esthétiques supposément choquantes. Les choses se sont améliorées depuis avec le nouveau méfait de ce wannabe fils spirituel de John Waters, le bien nommé Trash Fire. On retrouve, fatalement, ce sentiment de jubilation juvénile et ce besoin impulsif de taper l’audience là où ça fait mal (et rire), dans la peinture d’un couple de trentenaires imbuvables. Owen (Adrian Grenier, loin d’Entourage) et Isabel (Angela Trimbur, Scream Girl) s’aiment autant qu’ils se détestent : la misanthropie du premier a fait fuir les amies de la seconde, et c’est en pleurant de désespoir qu’ils apprennent qu’ils vont bientôt être parents. Isabel pose comme condition à Owen qu’il lui présente, enfin, ce qui reste de sa famille : une sœur défigurée par un incendie et une grand-mère encore plus revêche que lui…

Bien plus rythmé et riche en surprises qu’Excision, Trash Fire tire une bonne partie de son énergie de sa structure narrative étrange : le film commence comme une caricature de sitcom urbaine à la Showtime, avec des dialogues débordant de cynisme et dézinguant les tabous avec une férocité bientôt contagieuse. Épilepsie, avortement, misère sexuelle : Bates Jr. s’en donne à cœur joie dans le rire subversif, avant d’emmener ses personnages, et son audience, vers un univers radicalement différent. Direction l’Amérique profonde, rurale, ambiance « southern Gothic », avec ses cadavres sous le plancher et ses blessures impossibles à cicatriser. Sans perdre alors de son humour (très) noir, Trash Fire devient un objet plus mélancolique, absurde, sanglant. On échappe pas encore à la sensation de voir un petit film de sale gosse, mais il y a de quoi se réconcilier avec le cinéma de Bates junior.


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Troissurcinq

Trash Fire
De Richard Bates Jr.
2016 / USA / 91 minutes
Avec Adrian Grenier, Angela Trimbur, Fionnula Flanagan
Sortie prochainement
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