Color out of space : du Lovecraft halluciné mais en demi-teinte
Longtemps absent des écrans, Richard Stanley se refait une santé une signant une adaptation inégale de Lovecraft, portée par un Nicolas Cage en roue libre.
La famille Gardner a choisi de démarrer une nouvelle vie en emménageant dans une ferme à des kilomètres de toute civilisation, dans le Massachusetts. Une vieille propriété dans laquelle Nathan (Nicolas Cage), le patriarche, veut élever des alpagas (pourquoi pas ?). Sa femme Theresa (Joely Richardson, revue récemment dans Red Sparrow et La part obscure) veut profiter du calme de la campagne pour se soigner au mieux, et veiller sur ses trois enfants. Leur vie est bouleversée le jour où une météorite luminescente s’écrase sur leur pelouse. Petit à petit, l’objet extraterrestre affecte tout l’environnement et chacun des membres de la famille, causant des hallucinations et des mutations de plus en plus imprévisibles…
Avec Color out of Space, Richard Stanley revient sur le devant de la scène du cinéma d’horreur avec son premier vrai long-métrage depuis 1995, date de son renvoi du tournage pour le moins rocambolesque de L’île du Docteur Moreau (voir à ce sujet notre preview du film) ! Au vu du résultat, découvert en ouverture de l’édition 2019 du Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF), on en déduit que Richard Stanley n’a pas perdu la main. Il nous offre un film voulu fun et bariolé, dans lequel on retrouve ses thématiques personnelles, déjà abordées dans Hardware et Le Souffle du Diable, comme la corruption des corps et des esprits et la mutation. S’inspirant d‘une des nouvelles les plus réputées, et des plus atmosphériques, de H.P. Lovecraft, Richard Stanley a choisi la voie de l’exagération et de l’outrance après un début qui semblait prometteur.
Plus d’humour que de grands frissons
Aidé en cela par un Nicolas Cage en complète roue libre (comme d’habitude, serions-nous tenté de dire), le réalisateur abandonne assez vite l’exploration du malaise et la menace sous-jacente, propre à tout récit lovecraftien digne de ce nom, pour se lancer dans une succession de séquences certes spectaculaires, mais qui basculent presque systématiquement dans le grotesque, où l’humour est utilisé au détriment du frisson attendu. Si ce genre de trahison du matériau originel avait pu accoucher de chefs d’œuvre par le passé (nous pensons évidemment à Re-Animator de Stuart Gordon), il s’agit ici clairement d’une volonté de créer un train-fantôme qui oublie au fur et à mesure toute cohérence scénaristique. Pire, Color out of space oublie de fouiller des personnages secondaires qui auraient pu donner plus de consistances au récit, de la fille adepte de la sorcellerie au le voisin hippie incarné par le revenant Tommy Chong (du fameux duo comique enfumé Cheech & Chong).
« Ce train-fantôme oublie au fur et à mesure toute cohérence scénaristique. »
Bien sûr, le spectateur peut s’accrocher de temps à autre à une scène horrifique bien viscérale, où l’on apprécie le recours aux effets de maquillages classiques « à l’ancienne », à base de latex et d’animatronique. Ou se satisfaire d’une direction artistique plutôt clean, assurée grâce à un budget relativement confortable de moins de 6 millions de dollars. Mais cela devient plus pénible quand Richard Stanley a recours à des effets d’éclairages plus qu’outranciers ou cède étonnamment à l’utilisation du full-CGI, donnant l’impression de se retrouver dans une prolongation du Blueberry de Jan Kounen. S’il est dommage que Richard Stanley ait opté pour le trip hallucinogène, là où plus de subtilité aurait de mise pour traiter ce conte de contagion extraterrestre (mais est-ce vraiment étonnant vu le CV de l’intéressé ?), le réalisateur réussit à prouver avec Color of out Space qu’il a en encore techniquement sous le capot. Le réalisateur, présent à Paris, s’avère en tout cas ragaillardi par l’expérience : il a profité de la séance de Q&A suivant la projection pour annoncer son intention d’enchaîner avec une nouvelle adaptation de H.P. Lovecraft, L’horreur de Dunwich !