Il n’y a pas que la rentrée littéraire dans la vie : au cinéma aussi, le mois de septembre est synonyme d’agitation, avec une palanquée de manifestations prestigieusement cinéphiles, le retour des masses dans les salles (après la disette estivale, on les comprend, les masses), et, en conséquence, de multiples projets qui révèlent leurs premières images, en prévision des périodes de fin d’année, des Oscars ou peut-être même des moussons (qui sait). Beaucoup de choses excitantes, donc, comme l’attendu Passion, qui marque le retour aux affaires de Brian de Palma, le mirifique Cloud Atlas (encore sans date de sortie en France !) ou le dernier Bond, Skyfall. Vous en avez déjà, j’espère, découvert les premières images.

Cette nouvelle sélection très aventureuse de My trailer is rich porte, comme c’est la coutume, sa diversité en étendard. Rendez-vous compte, aucun film américain au programme, aucune production française à l’horizon ! On navigue à vue entre une exploration des bienfaits des bains chauds, une sauvageonne peroxydée et un Phileas Fogg en radeau. Ça va trop vite ? N’essayez pas de comprendre : regardez !

Cours après moi Ingrid

Voilà un film qui ne sortira jamais sous son nom original. On imagine les jeux de mots fatigués que pourrait inventer la presse pour parler de Flukt, production norvégienne signée par le réalisateur du premier Cold Prey, Roar Uthaug (quel nom !), sorti voilà déjà six ans. Uthaug a du mettre le temps à concevoir son nouveau film, qui évoque visuellement autant Black Death que Valhalla Rising. C’est dire si le métrage s’annonce tendu et barbare, l’histoire se déroulant dans un Moyen-Âge ravagé par la Peste noire. Signe (ben oui c’est un prénom) est la jeune et unique survivante d’un massacre perpétré par une horde de bandits, qui compte la ramener pour des raisons mystérieuses à leur camp. Avec l’aide d’un petit garçon, elle va chercher à s’échapper, d’où le titre anglais Escape (oui, c’est très imaginatif, mais en même temps, en norvégien ça se dit « flukt », donc…). À la tête de la horde, on retrouve, en guerrière albinos adepte de l’arbalète, l’athlétique Ingrid Bolsø Berdal, héroïne charismatique des deux premiers Cold Prey qu’on reverra bientôt aussi dans Hansel et Gretel.


Une histoire de bains dans le temps

BD populaire devenu un gigantesque succès dans son pays, Thermae Romae est comme son nom ne l’indique pas l’adaptation japonaise d’un manga à l’idée de base suffisamment cintrée pour faire se tendre n’importe quelle paire d’oreilles. L’histoire débute pendant l’Antiquité romaine, où l’on parle nippon (pourquoi pas, les Américains ont bien joué des Russes parlant anglais, après tout), et où un architecte nommé Lucius doit inventer les plus grand thermes de l’Empire. À la faveur d’une visite aux bains, il tombe sur une faille temporelle qui l’amène… dans le Japon contemporain, dans les bains publics plus précisément. « Ils ont le visage plat ! » s’exclame-t-il, avant d’admirer la modernité de ces établissements étrangers, et de retourner dans le passé pour en faire profiter ses amis en toges. Oui, effectivement, c’est complètement délirant, et potentiellement très drôle, d’autant plus que le ton est moins absurde que délicieusement pragmatique. À voir très bientôt, on l’espère, dans tous les bons saunas.


Do U feel the need ?

Vous voulez de la frime, de l’action bêta qui s’assume et en met aussi plein la vue ? Il y a des films coréens pour ça. Les producteurs de Far Away et de Sector 7 (qui sort bientôt en Blu-Ray), déjà de grands moments de finesse pelliculée, ont aussi dans leurs cartons ce Return to Base, R2B si vous voulez vous la jouer, qui rend sans le vouloir un bel hommage à Tony Scott, en pillant au grand jour les personnages, l’attitude et les clichés de l’illustre Top Gun. Pas besoin d’en dire sur l’histoire, les péripéties à réaction du trailer promettant avant tout des combats aériens qui tiennent plus du Ace Combat que de la simulation de pilotage, avec moults plans au ralenti détaillant dans toute leur gloire la carlingue d’avions de chasse nord et sud-coréens se tirant la bourre au-dessus de Séoul. Comme on dit dans ces cas-là : où est la manette ?

Le radeau qui méduse

Il fallait bien s’appeler Thor pour se lancer un tel défi : en 1947, l’explorateur norvégien Thor Heyerdahl s’est embarqué avec des amis sans doute aussi suicidaires que lui sur un rafiot en bois pour traverser l’Océan pacifique d’est en ouest. Juste pour prouver sa théorie selon laquelle les tribus sud-américaines avaient colonisé la Polynésie voilà plus de deux siècles. Un tel exploit valait bien un film, ce qui est chose faite avec cette production anglo-dano-norvégienne à gros budget, réalisée par les duettistes auteurs de Max Manus, film d’espionnage consacré à une autre gloire nationale. Sorti sur les écrans scandinaves en août dernier, Kon Tiki comme une aventure épique au souffle digne d’un Peter Weir, riche de péripéties maritimes reconstituées de manière stupéfiante. Grosse, grosse attente.

Amazing Amazone

Retour dans les années 40, cette fois en plein cœur du Brésil, pour le film Xingu, qui tire son nom du peuple vivant le long du Rio Xingu, l’un des affluents du fleuve Amazone, dont le pouvoir de fascination ne s’est jamais démenti depuis les classiques de Herzog et Boorman. À travers l’histoire de l’expédition des frères Villas Boas, chargés d’explorer (et d’ouvrir la voie à son exploitation) l’Ouest du pays, c’est la rencontre de deux civilisations, au parfum d’universalité, qui est retracée avec sa part d’émerveillement et de conflits d’intérêts, les frangins devenant progressivement les porte-paroles de tribus menacées par le progrès. Cao Hamburger – ça ne s’invente pas -, qui a notamment travaillé sur La cité des hommes, a collaboré pour réaliser ce film avec l’anthropologue Alison Buhler. Signe que cette production, plus que jamais d’actualité (le parc national de Xingu, créé plusieurs années après l’expédition pour protéger ces peuples indigènes, est menacé par la construction d’un barrage et l’avidité d’exploitants de ranchs) mérite le détour, elle compte parmi ses producteurs le cinéaste Fernando Meirelles (The Constant Gardener).