Rendre hommage à la tradition du Grand-Guignol. C’était le but des producteurs (dont Jean-Pierre Putters, fondateur de Mad Movies) de ce Theatre Bizarre, qui se sont risqués à rassembler, à la manière des Masters of Horror mais pour le cinéma, une anthologie de courts-métrages horrifiques signés par des pointures du genre. Enfin, des pointures… Au final, le casting de cinéastes qui compose le film a certes de l’allure, mais il ne produit pas toujours l’effet escompté. C’est la malédiction de tous les films à sketches : des Monstres à Dino Risi à Terror Tract en passant par Creepshow, il y a toujours un segment pour faire retomber l’enthousiasme, une histoire moins passionnante que l’autre. Le mariage de différents tons et ambiances est quasi-impossible à tenir, surtout quand les réalisateurs ont des sensibilités opposées.

À vrai dire, The Theatre Bizarre a surtout un problème au niveau de son fil rouge : ces séquences prétexte qui servent d’entracte à chaque histoire sont ici dirigées par Jeremy Kasten (The wizard of gore). Visiblement tournées à l’arrache, complètement plates et menées par un Udo Kier manifestement non dirigé, ces scènes sont autant de moments embarrassants qui justifient pauvrement le titre du film (Kier joue le monsieur loyal d’un théâtre forcément bizarre, devant une seule spectatrice apeurée pour on ne sait quelle raison).

Le vilain petit crapaud

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Autre souci, le théâtre débute son anthologie avec l’un de ses segments les plus faibles, pourtant dirigés par le culte Richard Stanley (Hardware, Le souffle du démon). Éloigné des plateaux de cinéma depuis son éviction du catastrophique L’île du docteur Moreau, Stanley a la main lourde dans son évocation lovecraftienne d’une femme-crapaud, la Mother of Toads. Éclairé façon « Red is Dead », joué au premier degré malgré le côté ridicule de l’histoire (qui se déroule dans les Pyrénées !), ce sketch poussif et nanardeux engage bien mal les choses.

L’ambiance s’améliore si l’on peut dire un peu avec le I love you de Buddy Giovinazzo (Combat Shock), lui aussi revenant sur le devant de la scène. Son ménage à trois bergmanien en plein Berlin dérape bien vite à cause de la schizophrénie évidente du cocu de service. Rien d’original, mais les acteurs sont très convaincants, et l’ambiance tendue.

On décroche enfin de francs sourires devant le très eighties Wet Dreams de la star du maquillage Tom Savini. Des filles nues, de l’humour salace, des dialogues vulgos et du gore au second degré : Savini touche au but en quelques minutes, répondant au cahier des charges tout en prenant visiblement son pied derrière et devant la caméra (il joue un chirurgien jaloux).

Un instant de méditation

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Changement de braquet encore avec le sketch de Douglas Buck (Family Portraits), omniprésent sur le projet puisqu’il est aussi le monteur de quatre segments. Mélancolique et clinique à la fois, son style est immédiatement reconnaissable. Cette évocation de la découverte de la mort par une petite fille au détour d’un Accident joue sur les regards, une musique lyrique qui transperce le calme apparent d’une Nature impassible. Rien à voir avec l’ambiance du Theatre Bizarre, donc, mais son sketch est sans aucun doute le meilleur du lot.

Pas difficile, en fait, vu que les deux derniers segments sont autant de raisons de se prendre la tête à deux mains : l’interminable Vision Stains du directeur photo Karim Hussain (un proto-film d’étudiant pompeux et insupportable plein de gros plans sur des aiguilles dans des yeux) et le très inégal Sweets (encore une histoire de couple qui se déchire, sur fond de grande bouffe sucrée et de cannibalisme) de David Gregory (Plague Town) terminent péniblement cette anthologie effectivement bizarre, mais trop inégale pour prendre sa place au panthéon d’un sous-genre décidément très casse-gueule.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Unsurcinq
The Theatre Bizarre
De Richard Stanley, Tom Savini, Douglas Buck…
2011 / USA-France-Canada / 108 minutes
Avec Udo Kier, Debbie Rochon, Catriona McColl
Sortie le 9 mai 2012 en DVD
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