La critique occidentale est souvent prompte à vanter les mérites du studio Ghibli. À raison, tant les films de Miyazaki et consorts ont contribué à sortir l’animation nippone de son carcan ado-geek auquel on veut souvent la confiner. Mais il serait criminel ces temps-ci de ne pas évoquer le studio Madhouse, fondé par d’anciens collaborateurs du vénérable Osamu Tezuka.

Parmi ceux-ci Rintaro, et Yoshiaki Kawajiri. Fondé à la même époque que Ghibli, Madhouse est devenu avec le temps un pilier tout aussi important du paysage de l’anime, produisant nombre de séries TV connues chez nous, comme Olive et Tom. Mais c’est surtout son palmarès cinéma qui impressionne rétrospectivement : La cité interdite, Manie-Manie, Kamui, Ninja Scroll, X, Vampire Hunter D, Metropolis, Summer Wars, ainsi que tous les films du regretté Satoshi Kon… La liste est longue, et s’allonge avec fracas à l’occasion de la sortie de ce Redline, réalisé par un Takeshi Koike connu pour sa participation à Animatrix et Kill Bill (le segment animé, c’était lui).

Vraiment rapide. Vraiment furieux

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Hommage non dissimulé aux séries animées américaines type Satanas et Diabolo, ainsi qu’à tout un pan de la BD occidentale des années 80, type Metal Hurlant, Redline possède néanmoins une vraie identité, et un univers instantanément reconnaissable. On y organise des courses illégales (les Redline, donc) à travers la galaxie, où comme dans un bon vieux jeu vidéo à la F-Zéro, les voitures volent et tous les coups sont permis. Vidéo-ludique à 200 %, le film appuie au maximum sur cette ambiguité formelle, au point de nous montrer de simili écrans de menus où un curseur invisible va choisir son coureur préféré (stats et perfs du véhicule à l’appui !).

Dans ce contexte, il est normal que l’histoire importe peu, et pourtant, Koike et son équipe prennent le temps de nous conter une intrigue courue d’avance (sic) : JP, héros « gentil » et nonchalant, tente de draguer sa concurrente directe, sans se méfier des manigances de son fidèle mécano. Sur cette trame se rajoutent une société robotique appréciant peu l’arrivée de cette course sur sa planète, des monstres géants, des Étoiles de la mort triangulaires, et bien sûr, la course en titre, qui occupe le dernier tiers du film.

Nippon dans ses excès graphiques comme dans son humour absurde, pince-sans-rire et très réussi, Redline est tout le contraire d’un Speed Racer boursouflé et ayant mal digéré ses modèles asiatiques. Même si les Wachowski ont su retransmettre l’idée de « vitesse ahurissante », mixage sonore de pointe à l’appui, Redline trouve lui la bonne conduite en jouant sur les effets de montage et l’exagération permise par l’animation elle-même. La réalisation, impressionnante (le film a mis près d’une décennie à être confectionné) fonçe tête baissée à n’importe quelle occasion au son d’une techno omniprésente, qu’il s’agisse de déclencher la proverbiale « nitro », ou de réduire à néant une vallée entière à coup de bombes atomiques.

Alors certes, on sent que le scénario tire largement à la ligne (l’histoire est excessivement simple malgré tout, et ne contient finalement que deux courses) et le délire aurait pu être plus court. Mais l’attention portée aux détails, le côté véritablement attachant de cette cantina intergalactique (mention spéciale au vendeur de cigarettes dépressif), la coolitude  désarmante et le second degré décomplexé de l’ensemble donnent inévitablement la banane lorsque la partie se finit.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Quatre sur cinq
Redline
De Takeshi Koike
2009/ Japon / 100 minutes
Avec les voix de Takuya Kimura, Yû Aoi, Kenyu Horiuchi
Sortie le 19 octobre 2011 en DVD
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