Jusqu’à présent, le nom de Grégory Levasseur n’était connu que des aficionados d’Alexandre Aja, réalisateur devenu spécialiste des remakes horrifiques, et auteur d’un très sympathique – et très boudé – Horns en 2014. Levasseur est son fidèle partenaire en écriture depuis leurs débuts, et a occupé le poste de réalisateur de seconde équipe sur de nombreux films d’Aja. Il était donc logique que celui-ci finisse par passer derrière la caméra, si possible à l’occasion d’un projet chapeauté par Aja : le résultat est Pyramide, un film d’horreur qui, aussi étrange que cela puisse paraître en 2015, tente de surfer encore sur la vague bientôt épuisée du found footage. Un « genre » cinématographique le plus souvent synonyme d’abominations visuelles, qui a tellement périclité que même sa source, en l’occurrence Paranormal Activity, a fini par se tarir.

Pas grave, a du se dire le duo, l’important est que ça rapporte au box-office : un contexte attirant (la mythologie de l’Ancienne Égypte), un titre catchy, un peu de gore et des frissons ? Ok, vendu. Problème, le film, malgré son très faible budget (un peu plus de 6 millions) s’est lamentablement vautré à sa sortie US, peinant à rentrer dans ses frais au contraire des exemples récents du genre, comme Black Storm, Projet Almanac et le parisien Catacombes, auquel Pyramide fait immanquablement penser. Et en découvrant le film, il est aisé de comprendre pourquoi cette première tentative de Levasseur a mauvaise presse : excepté son pitch, Pyramide n’a absolument rien de novateur, ni de terrifiant.

L’expédition interdite

Pyramide : les tréfonds du found footage

L’action du film prend place dans un cadre très précis de l’actualité récente, à savoir les événements de l’été 2013 en Égypte qui ont amené au renversement du président Morsi. Les manifestations et émeutes qui ont entouré le coup d’État forment une toile de fond réaliste pour l’aventure de Holden (Denis O’Hare, Dallas Buyers Club, True Blood) et sa fille Nora (True Blood aussi !), archéologues à l’aube d’une grande découverte en plein désert : grâce à un scan satellite – là aussi, les scénaristes se sont inspirés d’un fait réel -, ils ont pu découvrir l’existence d’une pyramide ensevelie depuis plus de 2500 ans, qui n’attend plus qu’eux pour être explorée. Après avoir envoyé à l’intérieur un cousin du robot Rover de Mars, le duo, accompagné d’une équipe de tournage, décide de tenter une expédition express dans la pyramide. Ils se rendent bien vite compte que celle-ci n’est pas exactement préparée pour recevoir des visiteurs…

[quote_center] »Pyramide n’a absolument rien de novateur, ni de terrifiant. »[/quote_center]

Ce qui étonne dans les premières minutes de Pyramide, c’est la distance manifeste que l’apprenti réalisateur prend avec le style que le studio a voulu lui imposer (selon les dires d’Aja). Le film est ainsi constellé, surtout lors des premières séquences tournées au Maroc, de plans totalement « objectifs » ne provenant d’aucun appareil manipulé par les personnages, et se permet l’inclusion d’une musique originale qui souligne bien la dimension cinéma que Levasseur a voulu donner à son bébé. Problème, cette coexistence des formats ne fait que rappeler, tout au long des 90 minutes réglementaires du métrage, la pauvreté extrême de sa mise en scène, qui semble se rabattre sur la béquille du found footage pour mieux masquer son manque d’inspiration. L’ambition de la chose est d’ailleurs soulignée dès le premier quart d’heure via une séquence nudité horriblement gratuite (Aja admet là aussi en interview que la demande venait des producteurs, ce qui en dit long sur leur vision du genre) qui plutôt que d’aider la jeune Hinshaw à construire son personnage d’ambitieuse archéologue, la renvoie illico à son statut primitif de bimbo blonde en mini-short.

La malédiction des CGI foireux

Pyramide : les tréfonds du found footage

Mais pourtant, Pyramide n’est pas le premier film d’horreur à être handicapé par des contingences de studio et l’obligation de se soumettre à une mode passagère. Le talent d’un cinéaste se manifeste aussi dans sa capacité à transcender les limites du projet ou d’un script crétin, qui multiplie les raccourcis culturels (les connaisseurs de la mythologie égyptienne vont avoir de quoi hurler) et offre à des acteurs livrés à lui-même une pelletée de dialogues et de réactions passablement ridicules. « Comment sort-on de là ? » doit être la phrase la plus répétée dans un seul long-métrage cette année, et la question que doivent finir par se poser les spectateurs les moins patients. Dès lors que les cinq protagonistes rentrent dans la fameuse pyramide (en fait une suite de couloirs et de salles couvertes de dalles plutôt bien hiéroglyphées) et que l’obscurité – relative pour un monument enterré sous le sable – tombe sur eux, les règles sont pourtant claires : peu vont en sortir, et nous devons frissonner pour eux ou avec eux.

Pas de ça dans Pyramide : comme Catacombes, le film oublie de caractériser assez ces derniers pour nous intéresser à leur sort, et dès lors, il importe peu de savoir dans quel ordre chacun trépasse, voire même de quelle manière. Entre les archéologues dénués du moindre sens de l’orientation, le caméraman bégayant uniquement là pour resituer les enjeux de la scène (qui se résument, vous l’aurez deviné, à : « Comment sort-on de là ? »), et la reporter mal lunée que tout le monde veut voir mourir, il n’y a pas un personnage pour sauver l’autre. Mais il y a pire encore : la promesse entrevue dans la bande-annonce d’une pyramide remplie de chausse-trappes et de pièges à la Indiana Jones est à peine exploitée, et de toute manière filmée dans chaque cas de traviole. Levasseur (et les producteurs, sans doute) préfère matérialiser la menace qui pèse dans cette pyramide sous la forme d’un monstre de synthèse tout simplement hideux, qui fait plonger la dernière partie du film dans des abîmes de médiocrité numérique. Pour tout dire, on se croirait revenu à l’époque d’un Retour de la momie de sinistre mémoire, filmé comme un REC du pauvre. Ni étrange (comme peut l’être Catacombes, qui vaut lui un peu mieux que sa réputation), ni palpitant, ni intrigant (un comble, vu le décor), Pyramide mériterait de rester enfoui sous le sable pendant encore un bon siècle.


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Unsurcinq
Pyramide (The Pyramid)
De Grégory Levasseur
2014 / USA / 88 minutes
Avec Ashley Hinshaw, Denis O’Hare, James Buckley
Sortie le 6 mai 2015
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