Hyena débute comme un mauvais rêve, un bad trip rythmé par des lumières stroboscopiques et des ralentis hallucinogènes. Le deuxième film du Britannique Gerard Johnson nous plonge dès les premières minutes, sans plus de préliminaires dans les bas-fonds londoniens où sévit l’escouade antidrogue de Michael et ses potes. Un gang, plus qu’une brigade, qui a depuis longtemps laissé de côté ses valeurs morales pour régner sur les quartiers louches de la capitale comme des petits parrains modernes, tout en coffrant de temps en temps quelques trafiquants pour justifier le port du badge.

Quatre badges pour un gang

Hyena : la routine du pourri (Étrange Festival)

Le film débute donc dans un night-club miteux, que nos quatre ripoux mettent à sac avant de confisquer argent et dope en prenant soin de se garder quelques billets et sachets pour la route. Hyena, comme l’a indiqué le réalisateur lors de la présentation du film à Paris, n’est pas conçu pour faire rêver les offices de tourisme : les flics sont ici des crapules imbibées tellement au-dessus des lois qu’il est permis de se demander pourquoi ils ne sont pas encore en prison. L’arrestation, c’est ce que veut éviter à tout prix Michael, qui doit bientôt composer avec à un inspecteur de la police des polices coriace, des coéquipiers de moins en moins contrôlables, et un deal foireux qui l’oblige à traiter avec deux frères albanais adeptes de la prostitution et du découpage à la machette…

[quote_center] »Le film captive en nous plongeant dans le quotidien d’une bande de potes sur le déclin, trop gourmande et intouchable pour rester impunie. »[/quote_center]

Un héros perdu dans la drogue et l’alcool en quête d’une impossible rédemption morale, un engrenage fatal à base de mafieux patibulaires, une fille perdue à sauver, une enquête interne déclenchant des mises sur écoute et des traîtrises inattendues… Les ficelles du polar poisseux et urbain, Hyena les utilise deux heures durant sans vergogne, avec une absence d’originalité et un sérieux papal qui rappelle beaucoup les films et séries d’Olivier Marchal – le cinéaste reconnaît d’ailleurs que les polars français l’ont beaucoup inspiré, comme quoi… Le traitement rentre-dans-le-lard, avec caméra à l’épaule et traitement frontal de la violence, qu’inflige Gerard Johnson à son histoire de descente aux enfers d’un ripou, a dans les premières séquences quelque chose de fascinant, c’est certain. L’ouverture dans la boîte de nuit est hypnotique, et le film captive en nous plongeant sans plus de présentation dans le quotidien d’une bande de potes sur le déclin, trop gourmande et intouchable pour rester impunie.

Les routiers du noir

Hyena : la routine du pourri (Étrange Festival)

Mais au fur et à mesure que l’intrigue se resserre sur les problèmes de Michael (méconnaissable Peter Ferdinando, vu récemment dans 300 : la naissance d’un empire et Les poings contre les murs, et déjà à l’affiche du premier long de Johnson, Tony), l’intérêt du film se délite. Hyena se vautre séquence après séquence dans les clichés les plus usés du genre, une faiblesse d’autant moins excusable que la télévision a depuis longtemps repris, avec plus de punch et de nuances, le flambeau du genre. Seule demeure ici une volonté lassante de mettre tous les personnages, flics comme bouchers albanais, dos à dos : à part l’amour qu’ils portent tous à leurs proches, l’unique valeur régnant en maître dans ce monde-là semble être l’égoïsme, et qu’importent les conséquences. Johnson ne recule certes devant rien pour les montrer dans toute leur horreur, mais le fait avec une complaisance qui rend progressivement Hyena foncièrement déplaisant. Qu’apporte à l’histoire la scène montrant un gros lard violant une prostituée évanouie ? Ou le découpage d’un malheureux flic dans une baignoire ? Certes, il faut bien justifier la métaphore animale du titre, mais ces provocations-là sonnent creux, parce qu’elles ne semblent conçues que pour secouer le spectateur frustré par tant de lieux communs.

Heureusement, Hyena peut s’appuyer pour une bonne part sur un casting, dominé par la prestation intense de Ferdinando, rompu à l’exercice du film noir anglais. L’omniprésent Neil Maskell (Kill List, Wasteland), Stephen Graham (Blood, Boardwalk Empire), ou encore Tony Pitts (The Red riding trilogy) : autant de gueules que les amateurs prendront plaisir à revoir une fois encore dans des rôles de durs à cuire. Est-ce suffisant pour faire de ce film brutal et à la fin horriblement frustrante (osée, certes, et presque justifiable… mais vraiment frustrante) un incontournable ? Not really, mate…


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Deuxsurcinq
Hyena
De Gerard Johnson
2014 / Royaume-Uni / 112 minutes
Avec Peter Ferdinando, Neil Maskell, Stephen Graham
Sortie le 1er avril 2015
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