Dans la mythologie grecque, les cornes symbolisent l’abondance inépuisable de bienfaits. Une autre croyance religieuse, cette fois, associe ces défenses aux cerbères des enfers, aux corps rouges et armés d’une fourche. Ils sont chargés de pousser les pêcheurs vers un terrifiant enfer de feu et de monstres. Ces derniers appendices sont au cœur du deuxième roman et best-seller éponyme paru en 2010 (prix Bram Stoker du meilleur roman) de la main de Joe Hill. Le jeune romancier, qui n’est autre que le fils de – excusez-du-peu – Stephen King, s’est rendu célèbre avec ce roman de fantaisie noire, qui exploite des symboles bibliques forts, mais pas de façon prosélyte, avec de la satire sociale, de la romance, du polar et du rock plus diabolique que jamais.

La défense LincHorns

Horns : La défense LincHorns

Ignatius Perrish, dit Ig, survit vaille que vaille après la mort de sa fiancée, assassinée brutalement dans une forêt, un an plus tôt. La justice, et les habitants de la ville, le soupçonnent du meurtre, et sa vie bascule : son entourage se détourne de lui et une horde de journalistes le poursuit dans l’espoir de lui soutirer des aveux. Après une nuit de débauche et de désespoir, il se réveille avec deux cornes sur le sommet du crâne. D’abord effrayé, le jeune homme réalise que ces drôles d’attributs lui octroient un étrange et profitable pouvoir, qui va lui permettre de résoudre le mystère de la mort de sa bien-aimée.

[quote_center] »Comme imprégné de ce personnage gothique, Daniel Radcliffe alterne, sans fausses notes, entre registre comique, romantique et horrifique. »[/quote_center]

Pour mettre en images cet univers foisonnant, mais à fort potentiel grotesque et donc casse-gueule, le réalisateur de film de genre Alexandre Aja a su distiller ses propres références. Le metteur en scène de Haute Tension ou encore de Mirrors a choisi un style visuel végétal, sombre et mystérieux, qui sied parfaitement à l’histoire imaginée par le fiston King. Les choix de couleurs « forestiers » de son directeur photo Frederick Elmes (Blue Velvet, Eraseread) rappellent à juste titre certains décors de Twin Peaks.

Promis à Shia LaBeouf, le rôle de Ig est finalement revenu à Daniel Radcliffe, qui poursuit avec un talent incontestable sa reconversion post-Poudlard dans un genre fantastique plus adulte après La Dame En Noir. Comme imprégné de ce personnage gothique, l’acteur alterne, sans fausses notes, entre registre comique, romantique et horrifique. À seulement 25 ans, l’acteur démontre une présence et un charisme déjà bien assuré.

De quel bois je me chauffe

Horns : La défense LincHorns

Le passage à l’âge adulte, les relations parentales et fraternelles fragiles, la fuite des espérances sont les thèmes au cœur du film. Alexandre Aja se lance dans une exploration noire, mais sincère des sentiments familiaux. L’intrigue dans l’intrigue, racontée sous la forme de flashbacks, ponctue le récit de souvenirs d’enfance d’un groupe d’amis, aux multiples personnalités, un peu comme la petite bande à vélo de Stand by Me. Malheureusement, ce recours aux flashbacks est peut-être un peu trop souvent exploité et finit par alourdir l’histoire. Au final, il convient de retenir le traitement judicieux de la dualité des personnages, l’ambiguïté de cette camaraderie qui représente, là encore, des thèmes religieux forts : la trahison, l’humiliation, la punition, le pardon et le mensonge.

Le rock est également un personnage à part entière de l’histoire : il exprime en filigrane les sentiments de cette famille de musiciens. Des morceaux de Kurt Cobain, de David Bowie, ou encore de Marilyn Manson valent plus qu’un long discours, illustrant, dans cet univers onirique et brutal, l’amour, le désespoir ou bien encore les trips acides. Dommage toutefois que le film s’arrête sur de grands classiques du genre, sans avoir tenté d’explorer des registres grunge, pop ou hard plus confidentiels et surtout moins attendus.

Horns, c’est également une belle histoire d’amour tragique et mélancolique entre Radcliffe et Merrin (Juno Temple, révélée dans Killer Joe), qui emporte le spectateur à la frontière du surnaturel. Les liens forts qui unissent les deux personnages se traduisent par un univers punk, végétalisé et gothique à la fois. Un superbe mélange en parfaite harmonie, qui laisse un goût doux-amer sur son passage, et rend le film plus attachant que la moyenne du genre fantastique. Contre toute attente, Horns emprunte au polar un grand nombre de références. Le suspens est alimenté à la manière de « Qui à tué Laura… heu, Merrin », réussit à intriguer et à tenir en haleine, même si les spectateurs les plus attentifs n’auront aucun mal à dénicher le coupable.

Foncez, tête baissée !

La défense LincHorns

L’autre point fort du film réside dans son comique de situation particulièrement décapant et judicieusement amené. Cet humour étonnant dans un contexte aussi sombre, délicieusement sardonique, renforce la crédibilité de l’histoire et de ses rebondissements, Alexandre Aja misant, à raison, sur le jeu à double tranchant des acteurs.

Dans ce bouillonnant mélange créatif, la voix off alourdit par contre considérablement l’action. À force de vouloir se faire clairement comprendre par le plus grand nombre, Horns finit par perdre en intensité. Pourtant classé « R », le film affiche clairement sa préférence pour un public adulte, capable de supporter ses scènes gore qui sont aussi la marque de fabrique de son réalisateur. Mais pourtant, il a voulu ratisser aussi plus large, quitte à désorienter (voire énerver) en route le spectateur déjà acquis à sa cause. Cependant, ces concessions et quelques anicroches de mise en scène redondantes ne parviennent pas à écorner la réussite, l’originalité et l’intensité de ce pur film fantastique.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Quatresurcinq
Horns
D’Alexandre Aja
2014 / États-Unis / 123 minutes
Avec Daniel Radcliffe, Max Minghella, Joe Anderson
Sortie le 1er octobre 2014
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Crédit photos : © Metropolitan FilmExport