Tandis que le nombre de films sortant en salles se réduisait comme peau de chagrin, Festival de Cannes oblige, le mois de mai a été lui une fois de plus prolifique en matière de nouveautés jamais distribuées sur grand écran. Du polar sorti de nulle part (Desert Gun), des films d’angoisse assez surprenants (Rupture, Pet), de l’aventure dépaysante (The Last King)… Le menu était copieux, et il a fallu une nouvelle fois choisir quels titres privilégier. Face au nombre de titres édités ces dernières semaines ou disponibles directement en VOD, nous nous sommes concentrés comme d’habitude sur une poignée de longs-métrages. Si nous avons oublié une perle en route, n’hésitez pas à réagir dans les commentaires. Bonne lecture… et bonnes projections !
Rupture
Un film de Steven Shainberg, avec Noomi Rapace, Peter Stormare, Kerry Bishé
Sortie le 2 mai en DVD et Blu-Ray (TF1 Vidéo)
Présenté au dernier Festival du film fantastique de Gérardmer, Rupture nous permet d’avoir des nouvelles de Steven Shainberg, cinéaste qui avait suscité d’énormes espoirs avec La Secrétaire en 2002, mais n’avait depuis réalisé qu’un seul long-métrage, le méconnu Fur. Après Maggie Gyllenhaal et Nicole Kidman, c’est cette fois la très physique Noomi Rapace qui devient son héroïne, une maman débordée, mais plutôt cool kidnappée sur le bord d’une route par d’étranges individus (dont Michael « The Shield » Chicklis). Que lui veulent-ils ? Pourquoi est-elle séquestrée ? Prisonnière d’un décor spartiate garni de cloisons colorées qui n’auraient pas juré dans Running Man, l’actrice sue littéralement sang et eau pour résoudre ce mystère et déjouer par là même nos attentes. Car plutôt que de s’orienter vers une sorte de torture porn à la Martyrs dont on redouterait les excès, Rupture s’achemine au contraire vers une ambiance à la Au-delà du réel, prenant même le risque du ridicule. Malgré ce troisième acte casse-gueule, plus clivant que ce qui précède (le scénario fonctionne sans problème sur une montée progressive de la tension, tant que le mystère demeure sur les installations des ravisseurs), Rupture cultive une certaine singularité, jusque dans sa morale finale, où la théorie de l’évolution se voit abordée sous un angle pour le moins ambigu…
À voir… si vous aimez les huis clos sous tension, les femmes fortes en détresse, les twists fous des anthologies de science-fiction.
Desert Gun
Un film de Gonzalo Lopez-Gallego, avec Patrick Wilson, Ian McShane, Jim Belushi
Sortie le 9 mai en DVD et Blu-Ray (Metropolitan)
The Hollow Point, alias Desert Gun, fait partie de ces séries B soignées qui se dégustent sans effort, mais ne peuvent prétendre à une distribution glorieuse en salles. Les histoires de vendetta à la frontière mexicaine, on connaît, et Desert Gun prend en compte ce caractère familier pour filer directement à l’essentiel – parfois même un peu trop. Quelques minutes suffiront pour comprendre la personnalité et la réputation du nouveau shérif de Los Reyes (Patrick Wilson, impeccable et un poil suffisant) confronté dès son arrivée à une affaire de disparition liée aux cartels. Son enquête mouvementée l’oppose successivement à son ancien patron (Ian McShane, génial cabotin), son ex (Lynn Collins), un vendeur de voitures aux abois (Jim Belushi !) et à un tueur à gages impitoyable, incarné par un glacial John Leguizamo. Derrière la caméra, l’espagnol Gonzalo Lopez-Gallego démontre une fois encore son amour des grands espaces, visible dans Open Grave et Les Proies, et emballe un concentré de film noir aussi sombre que brutal, où les personnages tirent la gueule et ne font rien pour nous paraître sympathiques. Si le scénario maintient une coupable confusion sur les motivations de certains d’entre eux, l’atmosphère à couper à couteau de l’ensemble suffira à ravir les fans de Sicario et Comancheria, voire, pourquoi pas, de Breaking Bad.
À voir… si vous aimez les polars secs et nerveux, l’atmosphère poisseuse et désertique du sud américain.
Stratton
Un film de Simon West, avec Dominic Cooper, Gemma Chan, Connie Nielsen
Sortie le 3 mai en DVD et Blu-Ray (Marco Polo)
Après un passable MI-5 Infiltration l’an passé, et en attendant le nouveau James Bond, l’espionnage britannique fait encore parler de lui avec ce Stratton signé par l’immortel réalisateur de Tomb Raider, Expendables 2 ou de 12 heures, j’ai nommé Simon West. Modeste tâcheron à qui le succès des Ailes de l’enfer a permis d’accéder à d’énormes productions gâchées par ses mains pataudes, West emballe une adaptation de la série de romans Stratton, écrits par un ancien membre des Forces Spéciales britanniques. Un gage de crédibilité qui ne s’appliquera pourtant pas au produit fini. Louchant sur la formule et le succès des Mission : Impossible, le film nous fait voyager du Moyen-Orient à Londres, alors que l’agent John Stratton (Dominic Cooper, charismatique, mais mal conseillé par son agent) traque un bioterroriste russe et revanchard. Ce dernier est interchangeable, tout comme les clichés que le scénario enfile avec un flagrant manque de motivation. De la taupe reconnaissable dès sa première réplique aux supérieurs un peu louches, en passant par les coéquipiers transparents et le mentor alcoolisé, le casting compétent qui entoure Cooper meuble les temps morts comme il peut entre deux scènes d’action. Et dans un cas comme dans l’autre, la réalisation de Simon West oscille entre le difficilement lisible et le parfaitement dégueulasse : pas foutu de découper correctement une simple scène de dialogue, West fait passer à coups de cuts surexcités et de raccords incohérents cette production plutôt luxueuse pour un DTV tourné en Roumanie. À oublier, donc.
À voir… si vous aimez les films d’action montés par un parkinsonien, les histoires d’espionnage tellement surannées que Jason Bourne n’était pas né, le swag maladroit de Dominic Cooper.
The Last King
Un film de Nils Gaup, avec Jakob Oftebro, Kristofer Hivju, Nikolaj Lie Kaas
Sortie le 9 mai en DVD et Blu-Ray (Metropolitan)
Nous n’en voudrons pas trop pour une fois au distributeur français d’avoir changé trouvé un titre alternatif à The Last King, cette aventure norvégienne répondant en VO au doux nom de Birkebeinerne. Qui dit Norvège, dit souvent vikings, mais c’est plutôt d’aventure médiévale qu’il est question ici, avec une histoire de guerre civile au XIIIe siècle et de complot royal pour prendre le contrôle du trône. Skjervald et Torstein, deux soldats particulièrement courageux, doivent protéger un bébé qui est en fait l’héritier caché et légitime, et pour échapper à de vils Danois, parcourent l’immensité enneigée du royaume… à skis. Et oui, vu que la Norvège est un pays bien blanc, les scènes d’action de The Last King se déroulent pratiquement toutes comme dans un James Bond, avec des poursuites spectaculaires à flanc de montagne, du tir à l’arc en pleine course… Une sorte de biathlon à l’ancienne, plutôt dépaysant et filmé avec métier par Nils Gaup (Pathfinder). Le réalisateur lutte un peu plus avec son scénario, qui condense tellement d’intrigues et de personnages en 90 minutes que chacune d’entre elles semble expédiée. L’idéal aurait sans doute été de concentrer le récit sur le duo de héros joué par Jakob Oftebro (Kon-Tiki) et Kristofer Hivju (Game of Thrones) et leur encombrant marmot. Du bon spectacle scandinave, malgré tout.
À voir… si vous aimez les paysages enneigés de Scandinavie, le biathlon et les complots médiévaux.
Menace sur la Maison Blanche
Un film d’Erik Van Looy avec Koen De Bouw, Tine Reymer, Dirk Roofthooft
Sortie le 9 mai en DVD (Rimini)
Contrairement à ce que laisse penser son trompeur titre français, ni Gerard Butler, ni Channing Tatum ne sont au générique de Menace sur la Maison Blanche, dont l’action se déroule en fait… à Bruxelles. Dans ce thriller flamand que l’on doit au réalisateur de Loft, le premier ministre belge est soumis à un violent chantage, organisé en haut lieu, qui vise à l’obliger à assassiner la Présidente des États-Unis, en pleine visite officielle au conseil européen. Une idée improbable, mais que le script s’emploie à crédibiliser étape par étape, du moins jusqu’à ce que les auteurs du complot n’exposent leurs motivations, dignes d’un méchant des années 90. Avant d’en arriver là, Menace sur la Maison Blanche prendra un peu trop son temps, en introduisant notamment des sous-intrigues superficielles – notre héros trompe sa femme, ok, mais les vrais enjeux sont quand même ailleurs – et des scènes d’action molles du genou. Dans le rôle de l’innocent manipulé et seul contre tous, Koen De Bouw (déjà dans Loft) est plutôt convaincant et domine sans peine un casting de seconde zone pas aidé par des dialogues inutilement pontifiants. L’aventure garde toutefois une certaine originalité, ne serait-ce que parce que Bruxelles est filmé avec une bonne dose de glamour et d’atmosphère, ce qui n’est pas si fréquent.
À voir… si vous aimez les paysages bruxellois et les complots à dormir debout.
Pet
Un film de Carles Torrens, avec Dominic Monaghan, Ksenia Solo, Nathan Parsons
Sortie le 2 mai en DVD (Factoris Films)
Un gardien d’animalerie un peu chelou (en gros Dominic Monaghan quand il ne sourit pas) kidnappe une fille sur laquelle il a flashé et l’enferme dans une cage à animaux… Le pitch de Pet est glauque dans l’esprit, c’est clair, et c’est assez drôle quand on y réfléchit, puisque c’est le deuxième Hobbit d’affilée, après Elijah Wood dans Maniac, que l’on voit devenir sacrément inquiétant à l’écran. Malgré les craintes de voir Pet se transformer, comme Rupture d’ailleurs, en torture porn complaisant et déplaisant, le scénario du film de Carles Torrens (Imago) ménage à mi-parcours un twist assez osé autour de la captive en question. Une girl next door qui semble prendre assez vite l’ascendant sur son geôlier, un gars solitaire, mais fondamentalement pas mauvais. Impossible d’en dire plus sans gâcher les quelques surprises que réserve cette production à petit budget, qui pâtit d’un rythme un peu trop relâché, et se prend stylistiquement les pieds dans le tapis quand elle tente de « durcir » le ton dans son dernier acte, bien moins convaincant que ce qui précède.
À voir… si vous voulez découvrir le côté obscur des gentils Hobbits, si vous aimez les twists périlleux et les duels psychologiques.
Dragon Inside Me
Un film d’Indar Dzhendubaev avec Matvey Lykov, Mariya Poezzhaeva
Sortie le 9 mai en DVD et Blu-Ray (Condor Entertainment)
Grosse production venue de Russie, Dragon Inside Me n’a pas rencontré le succès dans son pays natal. Chose étonnante quand on sait que le roman dont il s’inspire était culte, mais après tout, peut-être que les Russes aussi en ont marre des romances fantastiques un peu mièvres. Il y a bien un dragon dans ce film, du genre à exiger des sacrifices de jeunes filles vierges aux villageois alentour. Comme dans Le dragon du lac de feu, oui ! Mais ici, la bête est devenue un mythe, qui prend vie lorsqu’une jeune fille est kidnappée par ses soins et relâchée sur une île déserte. Seul habitant : un jeune homme inexpressif aux allures de top model (ça tombe bien, c’en est un) qui cache un lourd secret… Que l’on aura aucun mal à deviner en lisant le titre. Le temps paraît donc un peu long dans cette aventure jolie, mais statique, où fleurissent les clichés immortels sur cette part monstrueuse que l’être aimé doit accepter chez l’autre. Oui, je suis tombée amoureuse d’un dragon-garou, mais l’humanité hostile nous permettra-t-elle de vivre heureux et de nous repaître de moutons rôtis ? Dragon Inside Me, vous l’avez compris, attisera votre intérêt si vous êtes fan hardcore de toutes les séquences de Kalheesi dans Game of Thrones, de pop slave mielleuse et, hum, de montures aux yeux de braise à chevaucher dans le soleil couchant…
À voir… si vous êtes en manque de dragons avant la saison 7 de GOT, si la fantasy slave, ça vous parle.