Les films d’AppleTV vont-ils être tous privés de cinéma ?

par | 26 août 2024 | Actu, Cinéphagie, Dossiers

Les films d’AppleTV ne vont-ils plus sortir au cinéma ?

Échecs coûteux répétés, abonnements en berne… AppleTV+ change de stratégie pour ses films, comme Wolfs et Blitz, qui n’auront plus droit à une sortie en salles.

L’information n’est passée inaperçue, en tout cas pour les fans de Brad Pitt et George Clooney. Le duo de sex-symbols américain, dont l’alchimie était évidente tout au long de la trilogie des Ocean’s, se reforme cet automne pour la comédie d’action Wolfs, où ils incarnent deux assassins rivaux obligés de faire équipe. Le film est réalisé par Jon Watts, rendu célèbre par la trilogie de Spider-Man avec Tom Holland. Bref, un package luxueux pour le grand public, le genre de projet que la maison de production, le géant Apple, est capable de rassembler en un claquement de doigts. Wolfs devait initialement sortir en salles le 27 septembre en France, mais tout a été annulé du jour au lendemain : à la place, ce sont les abonnés à AppleTV+ qui à la même date pourront découvrir le film depuis leur canapé. Aux USA, Wolfs aura droit à une sortie limitée (lire : technique) à la place de la diffusion large envisagée.

Ce revirement soudain n’est pas anodin, car il n’est pas isolé : le 22 novembre, c’est un film historique de prestige, Blitz, du réalisateur anglais oscarisé Steve McQueen (12 years a slave, Small Axe), qui sortira également sur la plateforme de streaming, après avoir été annoncé au cinéma – un écrin logique pour ce film attendu autour des bombardements nazis sur la capitale britannique. Tout semble indiquer qu’Apple, après avoir longtemps cultivé sa différence en matière de distribution en salles, a changé son fusil d’épaule et s’apprête à suivre la même voie que son grand concurrent Netflix – des films maison en salles, oui, mais pas trop, voire pas du tout en dehors des USA.

Gros budgets et petits écrans

Les films d’AppleTV ne vont-ils plus sortir au cinéma ?

Deux raisons majeures peuvent expliquer cette nouvelle politique adoptée par la firme de Tim Cook : d’une part, les pertes économiques réelles, sans conséquence pour un tel mastodonte, mais tout de même substantielles, du studio, se sont multipliées en un an. Avec des budgets qui avoisinent pour chacun d’entre eux les 200 millions de dollars, le Napoléon de Ridley Scott, Killers of the flower moon de Martin Scorsese et Argylle de Matthew Vaughn ont été des échecs douloureux lors de leurs sorties à grande échelle. On parle de plusieurs centaines de millions de dollars de pertes, même pas atténuées par les Oscars – d’où les films de Scorsese et Scott sont repartis bredouilles – ou de bonnes critiques – Argylle a été purement et simplement assassiné par la critique anglo-saxonne. Peu d’entrées, pas de statuettes, une mauvaise presse… N’en jetez plus, l’exercice 2023-2024 a été un enfer pour la maison à la pomme, en tout cas au cinéma – sur AppleTV+, la comédie d’action (décidément) Family Plan avec Mark Wahlberg réalisait les meilleurs scores de visionnage pour un film maison dans l’histoire de la plateforme.

Le deuxième argument en faveur d’un retour à l’exclusivité direct-to-SVOD, c’est justement le faible nombre d’abonnés au portail de streaming d’Apple : environ 25 millions dans le monde, soit moins de 10 % de celui de Netflix. Avec son catalogue tourné à 100 % vers les productions originales (un choix audacieux, mais lui aussi reconsidéré), AppleTV+ n’a pas la puissance de feu de ses rivaux en matière de contenu – il y a peu de films et séries, même si beaucoup d’entre eux sont de grande qualité, au point que les connaisseurs comparent la firme à un « nouvel HBO ». Lancée en 2019 à grands frais, la plateforme peine à rentrer dans ses frais et commence à annuler de plus en plus de séries dès la première saison. Transformer ses films en produits d’appel ambitieux, inédits en salles et donc accessibles seulement à ses abonnés, peut sembler être une bonne option pour l’avenir.

Dans cette histoire, les moins heureux seront sans aucun doute les réalisateurs. Pour l’heure, le film de Joseph Kosinski, F1, tourné en Imax avec Brad Pitt lors de véritables courses automobiles, conserve sa sortie au cinéma en 2025. Mais rien ne dit que les autres projets Apple, parmi lesquels on retrouve tout de même les nouveaux Spike Lee, Paul Greengrass, Guy Ritchie, Scott Derrickson et Johah Hill, ainsi que Keanu Reeves, Ryan Reynolds, Jessica Chastain, Denzel Washington, Matthew McConaughey, Natalie Portman ou Sydney Sweeney devant la caméra, auront droit à la même faveur. Ce qui risque de ne pas plaire au tout-Hollywood, vu qu’Apple ne peut se vanter d’être le leader du secteur pour imposer ses conditions…