Minuit dans l’univers : une apocalypse qui s’éternise
De retour derrière la caméra, George Clooney déçoit avec Minuit dans l’univers, sombre odyssée qui ne passionne jamais assez pour faire oublier son manque d’originalité.
Le cinéma à gros budget, américain en particulier, n’est jamais à court d’imagination en matière d’apocalypse fictionnelle. Les idées ne manquent pas pour prédire, entre deux scènes de destruction massive, la fin prochaine de l’humanité et les moyens pour l’éradiquer en deux temps, trois mouvements. Raz-de-marée, volcans en furie, astéroïde encombrant, virus hardcore, pénurie d’eau ou éruptions solaires : il n’y a qu’à se pencher pour trouver dans le 7e art de nouvelles idées de plaies bibliques. Dans Minuit dans l’univers, adapté d’un roman de Lily Brooks-Dalton publié en 2016, la cause, voire la nature même de ce fléau est conservée entre parenthèses. C’est à peine si une ligne de dialogue mentionne pourquoi la Terre est soudainement inhabitable, pourquoi les survivants rassemblés au milieu de l’Arctique se pressent pour partir sous terre, pourquoi les radiations envahissent les écrans radars d’une station de recherche.
Une chose est sûre : l’Homme a signé, par erreur, sa propre perte. C’est dire si le nouveau film de George Clooney en tant que réalisateur ne s’embarrasse pas de nouveautés ou de circonvolutions. Minuit dans l’univers est un film crépusculaire qui se montre plus intéressé par les états d’âme de ses personnages que par l’accumulation de péripéties spectaculaires, pourtant bien présentes. Une question d’équilibre entre l’intime et l’universel, la réflexion et le réflexif, que le film ne parvient malheureusement jamais à résoudre.
Communication breakdown
Pendant la première partie du film, Clooney, barbu à foison et regard minéral, se retrouve seul en plein milieu de l’étendue polaire, à ruminer l’extinction du monde en se sachant condamné par la maladie et les radiations déjà fatales. Prisonnier volontaire d’une station hi-tech, Augustine, son personnage de scientifique, semble être un cousin éloigné du héros de Moon, en plus déprimé. Alors qu’il tombe sur une petite fille égarée et rompt ainsi l’atmosphère sentencieuse de ces débuts – plutôt fascinants dans leur esthétique glacée – le film bondit à l’autre bout de la galaxie, à bord d’un vaisseau spatial à l’esthétique « boisée », disons, particulière. À son bord, un équipage de héros lisses et interchangeables (dont l’irritant Demian Bichir et un Kyle Chandler un peu perdu), de retour d’une lune de Jupiter qui pourrait accueillir une humanité en exil. Des problèmes de communication les empêchent toutefois d’apprendre la mauvaise nouvelle : la planète natale vers laquelle ils reviennent pousse déjà son dernier soupir. À Augustine de les prévenir avant leur arrivée, en rejoignant une autre station disposant d’une antenne assez puissante…
« En dehors de sa structure binaire et sa dimension funèbre, le film est presque dénué
de toute idée neuve. »
Minuit dans l’univers détonne indubitablement dans le paysage des odyssées spatiales hollywoodiennes, ainsi que des films d’aventure, auxquels il fait immanquablement penser. S’il est impossible de ne pas se souvenir de Gravity (à cause de Clooney et d’une scène de sortie extra-véhiculaire torpillée par une ceinture d’astéroïdes capricieux), de Seul sur Mars et Interstellar d’un côté, et de The Revenant ou plus simplement du récent Arctic de l’autre, George Clooney n’a semble-t-il pas eu la volonté de nous en mettre plein les yeux. C’est plutôt à la cérébralité désespérée du Solaris de son ami Soderbergh, où il promenait déjà sa mine fermée, que l’on pense en découvrant sa nouvelle réalisation.
Spoiler
Le film repose sur un twist élégant, à la Shyamalan, alliant l’infiniment petit (qu’importe notre sort, tâchons de vivre et de mourir sans regret) à l’infiniment grand (il s’agit tout de même de faire repartir l’humanité du couple originel).
Une aventure bancale
Mais avant d’y arriver, Minuit dans l’univers se perd dans un montage alterné qui s’avère pesant, l’absence de tension interne et de personnages intéressants dans la partie spatiale ternissant en retour l’efficacité du périple d’Augustine et la jeune fille sur Terre. Plus ramassée, plus hallucinée, plus limpide dans ses enjeux et son sous-texte écolo, cette partie-là nous convainc même quand elle se voit tronçonnée par des flashbacks insignifiants, où un pseudo-Clooney jeune qui ne lui ressemble en rien anone ses dialogues sans conviction.
Les intentions de Clooney et son refus de céder à des formules faciles confèrent à Minuit dans l’univers un certain panache. Il ne faut toutefois pas jusqu’à prétendre que le film n’est pas ennuyeux au bout de deux heures, la jonction de ses deux intrigues étant aussi inévitable que sans effusion. Surtout, en dehors de sa structure binaire et sa dimension funèbre marquée, le film est presque dénué de toute originalité ou idée neuve. Tout cela a déjà été dit, ou vu, ailleurs, de manière plus palpitante, plus profonde ou avec plus de goût dans le production design (on le répète, les décors de la navette sont réellement gênants en terme de conception visuelle). En dernier guide d’une humanité sur le point de s’éteindre, Clooney n’est pas un mauvais choix, mais il suffit tout juste à faire des 120 minutes de Minuit dans l’univers une expérience digne d’intérêt.