Malgré son approche novatrice du road movie indé, consistant en une histoire intimiste d’un gars compliqué tombant amoureux d’une femme compliquée, projetée dans le contexte d’un film d’invasion extraterrestre mâtiné de Werner Herzog, Monsters (2010) n’appelait pas vraiment une suite. Œuvre ingénieuse, débrouillarde, gorgée d’images fortes, Monsters a offert à son réalisateur Gareth Edwards une carrière sur un plateau. Après Godzilla, l’ancien spécialiste des effets visuels est annoncé sur l’un des spin-offs de Star Wars, Rogue One. Autant dire qu’il a participé de très loin seulement à la production de ce Monsters : Dark Continent, fausse suite qui n’a finalement rien à voir avec son prédécesseur, si ce n’est que les personnages sont confrontés à une menace extraterrestre personnifiée par des monstres tentaculaires à taille variable, plus imposants que véritablement menaçants.

Full Mutant Monsters

Monsters Dark Continent : troufions et déceptions

Après la jungle mexicaine, direction cette fois le Moyen-Orient, dans un pays non identifié. Dix ans après Monsters, la « menace » tombée du ciel s’est globalisée, et l’armée américaine bombarde désormais régulièrement les monstres depuis les airs, sans faire de quartier. Des quartiers et des villes entières sont rasées par les missiles et les carcasses des monstres. Paradoxalement, la vraie menace dans Dark Continent n’est donc pas l’alien, mais l’insurgé, la population locale qui se rebelle contre ce « sauveur » qui fait plus de dégâts qu’il n’en évite en tirant ainsi dans le tas. Tout comme dans le film de Gareth Edwards, les monstres forment un arrière-plan fantastique à ce qui est avant tout un drame humain. La différence, cette fois, c’est que le réalisateur Tom Green (la série Misfits) a plaqué sur ce fond SF un pur film de troufions post-Irak à la Démineurs, en moins pertinent.

D’emblée, après un générique apte à déclencher des crises d’épilepsie, Monsters : Dark Continent nous projette via la voix off du soldat Parkes (Sam Keeley) dans le quotidien d’une bande de potes de Détroit. Ses futurs frères d’armes, au machisme et à l’étroitesse d’esprit idéale pour en faire des troufions de base au cœur de la « zone infectée ». Long, complaisant et sans intérêt malgré cette scène originale où un combat illégal est organisé entre un chien et un mini-monstre plein de ressources, ce prologue n’aide pas vraiment à créer une empathie avec cette escouade interchangeable, plus douée pour les blagues vaseuses que pour l’introspection en territoire ennemi. Le seul personnage digne d’intérêt est le sergent Frater (Johnny Harris, Last days on Mars), un vétéran au bord du point de rupture, un dur de chez dur qui cache mal sa douleur de ne pas voir sa fille grandir au pays. Toute la troupe est bientôt projetée au-delà des lignes de sécurité, dans une mission de sauvetage qui va bien évidemment se transformer en guêpier intenable. Des monstres ou des insurgés, qui aura le premier leur peau ?

Kaiju style

Monsters Dark Continent : troufions et déceptions

À ce stade, vous l’aurez compris, Dark Continent a autant à voir question ambiance avec le premier Monsters qu’Aliens avec Alien. Les paysages désertiques, desquels s’extirpent les immenses créatures qui menacent l’humanité, servent de vaste écrin à une poignée de plans réellement spectaculaires, qui rappellent les « kaijus » de Pacific Rim. Qu’ils tentent d’accrocher des hélicos imprudents, détruisent une bâtisse ou fassent trembler les montagnes, les monstres sont, forcément, l’attraction principale du film, mais, et c’est le plus frustrant dans cette séquelle inégale, leur utilité réelle au sein du scénario reste encore à prouver.

[quote_center] »Monsters : Dark Continent, fausse suite qui n’a finalement rien à voir avec son prédécesseur. »[/quote_center]

Green filme ses troufions, inconscients du danger qui les entoure, avec trop peu de flair pour nous donner envie de pleurer lorsque les emmerdes commencent à pleuvoir. L’intérêt qui leur est porté paraît disproportionné par rapport à la situation extraordinaire dans laquelle ils sont projetés. Les dilemmes de Parkes et Frater, en particulier, ne trouvent aucun écho dans leur présence (à part le fait de se demander ce qui sépare leur humanité de celle des monstres… oui ça n’est pas très original), contrairement au film d’Edwards, qui se terminait sur un accouplement extraterrestre bousculant définitivement les conceptions de l’univers de son couple de héros.

Une bataille comme tant d’autres

Monsters Dark Continent : troufions et déceptions

En ce qui concerne la comparaison avec Démineurs, malgré un tournage en Jordanie qui garantit au film de Green de belles images (tirant inexplicablement vers le blanc brûlé la plupart du temps, toutefois), un seul mot vient à l’esprit : générique. À vrai dire, même le déprimant Jarhead dépeignait des personnages plus attachants que le casting de Dark Continent, dont l’odyssée au cœur d’un désert sans but ni repère tourne parfois désespérément en rond. Les monstres, de toute tailles, de toutes formes, ont beau peupler le décor régulièrement, rien ne distingue le film des dizaines de fictions type Battle for Haditha qui ont fleuri dans la foulée des guerres menées par les USA en Irak et en Afghanistan.

Certains plans furtifs montrent les conséquences des bombardements et des « chutes » de monstres sur les centres-ville, et font un instant penser que de cette imagerie décalée, bizarre, va naître un film unique, pourquoi pas dystopique. Et pourtant, Tom Green va rester pendant pratiquement deux heures les deux pieds férocement enchaînés sur Terre, s’accrochant à des parcours qui n’ont rien d’allégorique, des péripéties qui n’ont rien de transcendant. Monsters : Dark Continent ne dépasse jamais les limites de son curieux pitch de départ, et ne peut s’aborder autrement que comme une série B vaguement originale, loin du sentiment de découverte qui nous saisissait à l’époque de la sortie de Monsters.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Deux sur cinq
Monsters : Dark Continent
De Tom Green
2014 / Angleterre / 114 minutes
Avec Johnny Harris, Sam Keeley, Joe Dempsie
Sortie le 1er juillet 2015 en DVD et Blu-ray (TF1 Vidéo)
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