Obvious Child, écrit, dirigé et produit par Gillian Robespierre, après un premier court-métrage éponyme et financé via Kickstarter, est une histoire simple et en apparence très éloignée des clichés sur l’avortement. Si l’option réaliste choisie s’avère plus crédible que la tentative ratée de Lena Dunham de traiter de ce sujet dans la série HBO Girls, le personnage central, par contre, pourra très sincèrement ne pas faire l’unanimité.
Et la lourdeur fut…
Donna, incarnée par Jenny Slate (virée du Saturday Night Live pour avoir laissé échapper un « fuck » en direct et vu ensuite dans Parks and Recreation), est une jeune actrice qui se produit toujours dans le même bar miteux, mais plutôt cosy. Immature et dorlotée par ses parents, elle vit fauchée, en collocation avec une amie dévouée jouée par Gaby Hoffmann (Girls et Veronica Mars). Dès le départ, le spectateur découvre l’étendue de sa « prose », prétendument humoristique, qui se partage aux influences éclatées entre Louis C. K. pour l’ambiance « je me livre à cœur ouvert sans tabous » et, disons, …Guy Montagné.
[quote_center] »Accrochez-vous, la deuxième partie du film vous récompensera. »[/quote_center]
La comparaison avec le Maître de l’humour new-yorkais s’arrête là, car Jenny Slate et Gillian Robespierre s’attachent surtout à dépeindre une jeune trentenaire hésitante, en quasi improvisation permanente, qui perd ses blagues en fil des phrases et surtout qui s’exprime de manière particulièrement vulgaire. Certes, les rues pullulent de jeunes femmes au parler « vrai » (comme dans le pire des cas le sélectionné de Qualité France, Les Coquillettes), dont la diarrhée verbale et les vannes à base de pets s’avèrent, dans de très rares cas, drôles.
Mais à force de se vouloir se montrer réalistes, les tribulations de Donna, ancrées dans la moquerie et l’auto-dérision permanentes, paraissent tellement caricaturales qu’elles provoquent un malaise persistant. S’il semble parfaitement crédible qu’une jeune femme trompée et esseulée se mette minable en draguant le premier venu, cette clairvoyance s’estompe sans détour lorsque celle-ci se soulage en pleine rue face à l’intéressé.
Changement de peau
Si la première partie de cette comédie romantique remarquée au festival de Sundance pour son sujet franc du collier reste marquée par cette atmosphère gênante et agaçante – Donna se fait larguer par son « BF » qui la trompe et qui en a marre qu’elle dévoile sa vie sexuelle sur scène, déprime, sort, rencontre un inconnu qui n’est pas du tout son genre, mais couche avec quand même façon Very Bad Trip -, la suite devient de plus en plus épurée et inspirée. En effet, après cette nuit de débauche, après laquelle elle ne comptait pas revoir ce bel inconnu, Donna se retrouve avec un polichinelle imprévu dans le tiroir.
Accrochez-vous, la deuxième partie du film vous récompensera. À travers le prisme de l’avortement, Gillian Robespierre aborde ensuite des sujets tels que l’accession à la l’âge adulte, la relation mère-fille ou bien encore la magie d’un amour naissant. Jenny Slate métamorphose petit à petit Donna, qui devient de plus en plus posée et mature tout en laissant sa grossièreté au placard.
Le climax du film la montre sur scène affirmant son statut de femme forte, face à une épreuve douloureuse de sa vie. Aux antipodes de sa peu glorieuse prestation introductive, cette diatribe, faute là encore de savoir faire rire, interroge sur la relation d’un artiste à la scène et sur la propension à balancer des choses en public qui n’arrivent pas à sortir en privé. Cet accouchement verbal, qui fait écho au thème de l’avortement, tout à coup rafraîchit l’atmosphère, qui n’avait rien perdu de la lourdeur du début. Comme le dit poétiquement Paul Simon dans sa chanson : « Peut-être que je suis un chien qui a perdu son mordant », mais quel soulagement de lâcher prise !
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Obvious Child
De Gillian Robespierre
2014 / USA / 83 minutes
Avec Jenny Slate, Jake Lacy, Gaby Hoffmann
Sortie le 3 septembre 2014
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© Chris Teague