C’est maintenant une habitude : avec 15 à 18 nouveaux films en salles chaque semaine, beaucoup de distributeurs ne tentent plus la coûteuse sortie salles et privilégient le dvd et le blu-ray. Les moyens de diffusion à domicile (disque physique, VOD, location, téléchargement légal) rendent l’investissement plus facile, et rentable à court terme. Ce sont les films de genre, soit inclassables, soit moins identifiables pour le grand public (de par leur pays d’origine, leur casting, etc.), qui « souffrent » désormais le plus de cette frilosité regrettable mais compréhensible. Le cinéphile en quête d’œuvres inédites, un peu à la marge (ou pas d’ailleurs, puisque même Bruce Willis n’est désormais plus à l’abri d’une sortie DTV), a tout intérêt à surveiller les calendriers des éditeurs pour dénicher quelques perles passées sous le radar – et qui ont en plus changé de titre pour l’occasion, sans que cela soit forcément synonyme de traduction française.

Le but de cette sélection est donc de vous guider vers des titres dont vous avez peu entendu parler, et qui sont pourtant tous disponibles depuis le mois d’octobre en Blu-ray et DVD. Bonne chasse !

The Last Winter

Un film de Larry Fessenden, avec Ron Perlman, Connie Britton, James Legros

Sortie le 26 octobre – Pathé

Genre : fantastique

Enfin, pourrait-on dire. Réalisé en 2006, le dernier film en date de Larry Fessenden, réalisateur-acteur-producteur new-yorkais prolifique, paraît bien plus intéressant que le remake récent de The Thing. Comme le chef d’œuvre de John Carpenter, Fessenden situe son intrigue dans le froid polaire de l’Arctique. Les membres d’une entreprise de forage pétrolier cherchent à établir une base opérationnelle dans une région préservée. Après la mort de l’un d’entre eux, leur santé mentale commencent lentement à se dégrader, et une mystérieuse force semble les entourer. Écologiste, à contre-courant des films d’horreur traditionnels, The Last Winter est un trip old-school et angoissant à découvrir, dans la veine de House of the devil (produit par Fessenden).


Bad Cop

Un film de William Kaufman, avec Johnny Strong, Kevin Phillips, Tom Berenger

Sortie le 13 octobre – Seven Sept

Genre : action

Les thrillers à l’ancienne sont eux aussi privés de grand écran. Peut-être parce qu’il sont associés à la vague télévisuelle des « procedurals » de NBC ? Peut-être plus parce qu’une série B policière sans grandes stars est assimilée à un téléfilm de luxe comme il s’en produit tant chaque année. Bad Cop (traduction unilatérale de Sinners & Saints) vaut pourtant mieux que cela : c’est un buddy-movie à l’ancienne, avec un casting de gueules imparable (Tom Berenger, Costas Mandylor, Jurgen Prochnow, Kim Coates, Method Man : excusez du peu !), des fusillades dans tous les sens, et un cadre original : la Nouvelle-Orléans post-Katrina. Il ne s’agit pas ici de réinventer la poudre… juste de la faire parler !


The Human Centipede

Un film de Tom Six, avec Dieter Laser, Ashley Williams, Ashlynn Yennie

Sortie le 18 octobre – Condor Entertainment

Genre : horreur

Il est difficile de garder son sérieux face au concept complètement autre qui a fait buzzer ce titre depuis son passage dans les festivals. Sans rentrer dans les détails, c’est une histoire d’anus non consentants et de percée fondamentale dans le domaine de la greffe faciale (les esprits chagrins sont prévenus). Mais c’est aussi et surtout un one-man show comme on en voit rarement, par un acteur, Dieter Laser, qui mélange la folie de Klaus Kinski et le cabotinage éhonté d’un Tchéky Karyo. Fauché, outrancier, et presque conscient de sa propre stupidité, The Human Centipede et son savant fou doivent obligatoirement se regarder au second degré. On ne peut pas en dire autant de la séquelle que le provocateur Tom Six est en train de finaliser.


Frozen

Un film d’Adam Green, avec Shawn Ashmore, Emma Bell, Kevin Zegers

Sorti le 13 octobre – Metropolitan

Genre : suspense

Plutôt connu pour ses films gore exubérants (Hatchet et ses suites), le cinéaste autodidacte Adam Green s’est lancé à lui-même un pari en shootant ce Frozen en haute altitude, avec trois personnages et un maigre décor qu’il exploite pendant 90 minutes. Deux amis et la copine de l’un d’eux tentent de faire une descente en ski gratuite avant la fermeture de la station. Manque de pot incroyable, ils vont rester bloqués sur le télésiège en pleine nuit, à la veille d’un week-end hivernal prolongé… Green ménage habilement la tension qui s’empare de ces jeunes inconscients défigurés par le froid, la peur, et coincés à quinze mètres du sol. Assez invraisemblable (il y a autant de loups dans ces montagnes que dans toutes les Alpes), Frozen est pourtant assez saisissant, et courageux : qui eut crû qu’on puisse faire un film sur un télésiège ?


Aftershock

Un film de Feng Xiaogang, avec Fan Xu, Chen Li, Zhang Jingchu

Sorti le 13 octobre – Metropolitan

Genre : drame

Que la jaquette ne vous induise pas en erreur : Aftershock est bien un film chinois, et les efforts de l’éditeur pour masquer toute « indication » sur la provenance de l’œuvre n’y changeront rien. Grosse production, Aftershock est à la fois un film catastrophe et un drame historique. Feng Xiaogang (A world without thieves) y décrit le tremblement de terre qui frappa la ville de Tangshan en 1976, mettant en parallèle le destin de plusieurs personnages revivant cette tragédie 32 ans plus tard, lors d’une nouvelle catastrophe du même type. Spectaculaire, lacrymal, baigné dans une photographie terreuse, c’est une épopée mêlant désastres à grande échelle et traumatismes intimes, (presque) dépourvue des relents de nationalisme propres au cinéma chinois actuel.


Stake Land

Un film de Jim Mickle, avec Nick Damici, Danielle Harris, Connor Paolo

Sorti le 4 octobre – Entertainment One

Genre : fantastique

Dommage pour Stake Land, film post-apocalyptique peut-être arrivé un peu tard. Mix assumé entre La Route, Le livre d’Eli et Zombieland (moins pour l’humour que pour l’interaction entre les personnages), le film de Jim Mickle (Mulberry Street) se réfère également à tout un pan de cinéma américain naturaliste, de Malick à Winter’s Bone. Bref, pas mal de références écrasantes, qui font sans doute du tort à ce Stake Land (« le pays du pieu ») bâti comme une épopée initiatique, au cœur d’un pays de vampires et d’extrémistes chrétiens. Le voyage vaut malgré tout le détour. Avec son petit budget et ses grandes ambitions, c’est une série B plus intelligente et ambitieuse que la moyenne.


Agnosia

Un film d’Eugenio Mira, avec Martina Gedeck, Eduardo Noriega, Felix Gomez

Sorti le 4 octobre – Wild Side

Genre : fantastique

Sélectionné notamment au festival de Sitges, Agnosia n’a, comme l’intéressant Hierro, pas profité de l’excellente réputation du cinéma fantastique espagnol, qui bénéficie souvent de bonnes sorties salles, et incidemment, de bons résultats au box-office. Dommage, on aurait aimé découvrir sur grand écran ce mélange curieux de romance, de mystère et de reconstitution historique (le film se déroule à Barcelone en 1899). Le titre désigne la maladie dont souffre l’héroïne, qui altère la perception de son environnement. Un handicap dont vont profiter les concurrents de son père, un marchand d’armes à l’origine d’une invention dont il a emporté le secret dans sa tombe… Avec ses visuels splendides et baroques, ainsi que son intrigue originale, Agnosia a tout du petit bijou à découvrir séance tenante.


You don’t know Jack

Un film de Barry Levinson, avec Al Pacino, Brenda Vaccaro, John Goodman

Sorti le 5 octobre – HBO Studios

Genre : drame

Avec son casting de luxe, son réalisateur de prestige et son sujet fort, on a du mal à croire que You don’t know Jack est en fait une fiction télévisuelle diffusée en 2010 sur HBO. Mais la chaine est coutumière du fait : nombre de ses productions se révèlent si soignées qu’elle pourraient sans problème sortir en salles. Al Pacino a en tout cas gagné l’Emmy Award et le Golden Globe du meilleur acteur pour son interprétation du docteur Jack Kevorkian, partisan forcené de l’euthanasie, qui accompagna plus d’une centaine de patients avant d’être arrêté par la police, et de défendre sa cause lors de son procès. Surnommé « Docteur Mort », le véritable Kevorkian s’est éteint en 2011, mais sa cause lui a survécu, notamment grâce à ce téléfilm fleuve, qui offre son meilleur rôle au grand Al depuis bien longtemps.