Pionnière : aventure absurde au Far West
Robert Pattinson et Mia Wasikowska sont les héros d’une imprévisible odyssée dans Pionnière, un western excentrique qui ne peut qu’évoquer les frères Coen.
Quelques mois après La Ballade de Buster Scruggs, retour convaincant des frères Coen au western le plus absurdiste et existentialiste qui soit, on découvre enfin le Damsel des frères Zellner (Kumiko the treasure hunter). Bizarrement retitré Pionnière pour son exploitation en VOD, le film, qui avait fait l’ouverture du Champs-Elysées Film Festival, attire tout de suite l’œil avec la présence en tête d’affiche de Robert Pattinson, qui doit regarder maintenant ses années Twilight comme un lointain accident de parcours. Affublé d’une incisive en or et d’un rictus mi-désarmant, mi-inquiétant, Pattinson incarne dans PionnièreSamuel Alabaster, un étranger débarquant par la mer dans une micro-bourgade frontalière du Far West, accompagné d’un cheval nain surnommé Butterscotch. Samuel est à la recherche du pasteur local (incarné par David Zellner, également acteur comme son frère Nathan), qu’il a engagé pour célébrer son mariage avec l’amour de sa vie, Penelope, incarnée par Mia Wasikowska, qui retrouve ici Pattinson après le Map to the stars de Cronenberg. Seulement, il s’avère que celle-ci a été kidnappée…
Les pionniers sont fatigués
Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre original, Penelope n’est pas vraiment en quête de sauvetage. Comme tous les clichés que Pionnière réinterprète avec une infinie patience, celui de la demoiselle en détresse est détourné non pas sur le ton de la parodie, mais du détournement excentrique. À la manière du méconnu Slow West avec Michael Fassbender, Pionnièrecultive une science du décalage toute « coenienne » qui s’exprime dès son prologue, dans lequel un homme de foi au bout du rouleau (Robert Forster) devise dans le désert avec un compagnon d’infortune, en attendant non pas Godot mais une invisible diligence. Les paysages grandioses de l’Utah, capturés par Adam Stone, le chef op’ attitré de Jeff Nichols, sont splendides et terriblement évocateurs, mais leur pureté virginale tranche inévitablement avec le caractère dérisoire des destins contrariés qui s’y croisent. Le traditionnel héros chantant au cœur pur, l’assistant pleutre, mais fidèle, la femme à poigne et même l’Indien menaçant sont ici les caricatures fatiguées de leurs propres légendes, tournées en ridicule avec une discrète férocité qui n’aurait pas enchanté John Wayne.