Autant 2015 aura ressemblé à une forme d’accalmie, ce qui nous amené à réduire drastiquement le rythme de croisière de notre chère rubrique « Qualité France », autant 2016 semble annoncer une explosion de navets cataclysmique, sur tous les fronts. Rendez-vous compte, on est à peine en février, et Les Tuche 2 est déjà traité de « phénomène », Kev Adams est déjà à l’affiche d’un nouveau film « trobien yolo LOL », et les multiplexes menacent d’être engloutis sous les suites de comédies dont on ne sait pas trop bien si elles étaient attendues et requises – coucou Joséphine s’arrondit, coucou Pattaya, coucou aussi La tour 2 contrôle infernale. On a aussi eu droit à un pastic…pardon, un plagiat de Little miss Sunshine bien hideux (Paris Willouby) et à une « comédie populaire qui fait du bien à ma France » © avec La Vache, dont l’affiche est par contre bien plus photoshoppée que celle du Salon de l’Agriculture.

Qualité France : le pire n’est pas encore passé

Bref, on a pris du retard dans le recensement des films qui nous consternent, et les mois qui viennent n’annoncent pas une éclaircie à ce niveau, ma chère Catherine Laborde ! Alors que toujours plus d’articles sont consacrés à cette France qui va mal, à ces Français qui dépriment, à ces clivages qui hérissent les poils et ces dérapages politiciens qui nous énervent, il semble que les comédies soient, encore plus qu’avant (si si, c’est possible), la valeur refuge de notre industrie hexagonale, producteurs et exploitants confondus. À tel point que tout ce qui pourrait ressembler à du risque, à ce qui pourrait exciter la polémique, soit biffé et repoussé du bout des doigts (voir ce changement de titre tardif pour Les visiteurs 3, qui devait être sous-titré La terreur et s’appelle désormais… La révolution). Demandez donc à Nicolas Bouhkrief ce qu’il en pense.

Rappelons-le malgré tout : la sélection qui se trouve ci-dessous n’est pas uniquement constituée de comédies. Il arrive aussi, souvent, très souvent, que les réalisateurs nous donnent des envies de facepalms à répétition en torchant des drames abscons, dont l’existence même continue de nous fasciner – même après 13 épisodes de « Qualité France » ! Ce choix demeure tout à fait subjectif. Tout ici n’est que mauvaise foi bien informée, puisque nous n’avons pas vu ces films. Nous ne sommes pas parfaits : une bonne surprise se cache peut-être derrière ces (très) navrants extraits. À vous de nous dire si nous avons fait fausse route ! On ne demande qu’à vous croire…


Humour en rase-mottes

Une avocate blonde et célibataire, qui pourrait tellement être Virginie Efira qu’elle est justement jouée par Virginie Efira, se fait draguer au téléphone par un gentleman qui a retrouvé son smartphone. La discussion mène à une blind date et devinez quoi… ? Le dragueur est un mini-Jean Dujardin ! Ah ah ! Oui, mais si, il est mini, quoi, comme quand ils réduisent numériques Eddie Murphy dans ses comédies, vous vous rappelez ? Quoi ? C’est pas drôle ? Ah bah, ça je ne sais pas, hein. Le teaser d’Un homme à la hauteur (appréciez le double sens ravageur du titre) a été pudiquement traité d’« étonnant » par la plupart des sites qui s’en sont fait l’écho. Comme si l’idée de moquer les hommes qui dépassent à peine le 1m55 était en soi une idée follement originale, un concept de comédie jamais vu qui valait la peine qu’on réduise numériquement un acteur de grande taille. Bon, après, vous me direz, il y a bien eu des comédies avec un héros qui sortait avec une fille grosse et moche. Et c’était censé être drôle. Mais à la vue de l’image atrocement ratée et honteuse d’un Dujardin rapetissé, ce qui nous saute aux yeux, c’est surtout le mauvais goût sans limites d’un projet visiblement pensé un soir de cuite par des exécutifs atteints d’un complexe de supériorité. Ça fait de la peine pour Laurent Tirard, désormais si loin de ses bons débuts avec Mensonges et trahisons

La punchline qui vend du rêve : « J’peux connaître votre prénom, ou j’continue à vous appeler maison ? ».

La bande-annonce  :


Facepalm ectoplasmique

On ne compte plus les versions ciné et télévisuelles du célèbre récit d’Oscar Wilde, Le fantôme de Canterville. Bien sûr, chaque production, au fil des décennies, a pris des libertés avec le texte d’origine, aux contours intemporels, et la version française qu’en tire Yann Samuell (qui semble n’être devenu réalisateur que pour agresser continuellement notre cerveau fatigué) n’est pas la première à être destinée aux enfants. Mais quiconque aura vu l’affiche de ce Fantôme de Canterville francisé pour les djeuns aura compris à quel type d’atrocité nous avons affaire. C’est un peu triste pour les techniciens des effets spéciaux, qui ont fait du bon boulot sur les ectoplasmes hantant le château breton (oui, breton). C’est encore plus triste pour Audrey Fleurot, omniprésente sur les écrans, mais rarement regardante sur la qualité de ses projets ciné, et qui se ridiculise façon Glenn Close dans les 101 Dalmatiens, en esprit frappeur martyrisé par une bande de gamins pas réalistes et très énervants. Si l’on ajoute Michael Youn et Michèle Laroque à l’addition, des dialogues qui tombent souvent à plat, et un scénario qui semble confondre aventures enfantines et crétineries de maternelle, Le Fantôme de Canterville s’annonce comme un naufrage de première catégorie. Étrangement, la presse n’a même pas été conviée à voir le film lors de sa sélection à Gérardmer

La punchline qui vend du rêve : « Non, mais quelle aberration… ».

La bande-annonce :


Sois belle et désape-toi

Sur le papier, Éperdument c’est le rêve de tout producteur : un drame sérieux, mais sulfureux qui rassemble des deux côtés des barreaux d’une prison deux stars césarisées, et pas les moins médiatiques. Guillaume Gallienne d’un côté, qui veut nous rappeler qu’il n’est pas que bon à se jouer lui-même (ou sa maman)  ; Adèle « j’fais des moues » Exarchopoulos de l’autre, qui est loin d’en avoir fini avec l’héritage de La Vie d’Adèle. Combo gagnant ! Jackpot ! Oui, sauf que le drame en question est signé Pierre Godeau, coupable d’un Juliette ayant hérité de notre label en 2013, et que la bande-annonce, qui nous révèle avec application tous les rebondissements de l’histoire – sauf la fin, s’ils sont pas trop cons -, donne plutôt envie de se remater fissa Un prophète ou n’importe quel épisode de Oz. Parce que bon, Gallienne en directeur de prison, c’est quelque part aussi crédible que Joey Starr en électricien (attendez une seconde…). Et qu’à force de voir Adèle en plein orgasme et/ou à poil au cinéma, on va finir par se demander si elle n’est pas victime d’un chantage au désapage sur les plateaux… « Allez tu enlèves tout, Adèle. Alleeez… C’est pas la première fois, non plus, hein ? » Ouh, c’est glauque, ça. Mais ça ferait un scénario plus intéressant, tient !

La punchline qui vend du rêve : « J’me suis jamais sentie aussi bien depuis qu’j’suis enfermée ».

La bande-annonce :


Bref. Je fais enfin du cinéma.

La bande-annonce de Rosalie Blum est très drôle. Ça commence par un micro-trottoir enthousiaste des spectateurs l’ayant découvert en avant-première. On nous vend un film incroyable, chaleureux, un phénomène, quoi. Et puis vient le temps des images, du niveau d’un téléfilm de France 3 Régions (et encore, on en a pas vu depuis longtemps, si ça se trouve c’est beau), des dialogues et de l’histoire elle-même… Alors, on remet pas en cause la bonne foi des spectateurs, hein. Peut-être qu’ils parlent bien du film de Julien Rappeneau (tiens je me demande comment il est arrivé au cinéma, lui), peut-être que c’est sans trucages… Le doute persiste quand même. Entre Kyan Khojandi qui dans la peau d’un personnage normal a le charisme d’un demi-Vincent Macaigne, Anémone coincée dans le même rôle de mamie décalée depuis deux décennies, et Noémie Lvovsky qui nous donne toujours autant envie de faire taire ses demi-sourires avec une grande paire de claques, Rosalie Blum cumule plus de tares que de raisons de taper du pied d’impatience. Apparemment, c’est adapté d’une trilogie de BD primées à Angoulême, qui serait très bien. Vu le passif des adaptations de bande-dessinées en France, on va dire que ça n’incite pas à la clémence…

La punchline qui vend du rêve : « Ça m’a rappelé un peu le film d’Amélie Poulain, là… ».

La bande-annonce :


Lâche ta caméra, écoute les zoizos !

À force de se plaindre de voir 75 % (à peu près) des films français tournés dans Paris intra-muros, on devrait être réjoui de voir des films comme Le chant du merle délaisser la capitale pour des régions plus champêtres, comme la Corrèze en l’occurrence. L’arrière-pays, c’est beau, c’est propice à l’évasion, mais bon, certains réalisateurs, ça ne les intéresse pas qu’on s’évade. Eux, ils veulent surtout que tu souffres intérieurement en même temps que le personnage. Surtout quand elle s’appelle Aurélie, qu’elle s’emmerde dans son boulot de serveuse, qu’elle vit avec sa mère et ses disques de chants d’oiseaux, et qu’elle rougit quand un mec ose la draguer. Le réalisateur, qui s’est basé sur un script écrit par sa femme (pourquoi pas), se vante d’avoir fait un film qui « avance calmement, au rythme caractéristique et particulier de la vie à la campagne ». Bon, en gros, ça veut dire qu’il s’est pas trop foulé sur le montage et les péripéties, ni sur sa direction photo, d’ailleurs. Le chant du merle rejoint donc cette catégorie adorée des bandes-annonces qu’on se félicite d’avoir vu jusqu’au bout. Bonne chance pour voir la version longue, sauf si vous êtes ornithologue. « Une attention particulière a été portée au chant des oiseaux », précise notre cinéaste à l’ambition démesurée !

La punchline qui vend du rêve : « On voudrait parfois faire marche arrière… mais on y arrive pas ».

La bande-annonce :