Ça faisait longtemps, hein ? Il faut l’admettre, le cinéma français s’est tenu tranquille ces derniers mois. Même si le seul long-métrage francophone vraiment marquant de l’automne s’est avéré être en québécois (Saint-Laurent a été plus diversement apprécié), la période a été chiche en proto-navets incontournables. Bon, a priori, Les Métamorphoses de l’ami Christophe Honoré avait bien l’apparence d’un auto-pompage de dard ridicule. Mais il restait un exemple assez isolé de caricature de production française auteuriste prétentieuse comme nous les aimons dans Qualité France. De fait, des analyses récentes prouvent que le nombre de films en production dans le pays connaît actuellement une baisse vertigineuse. Moins de sous, moins de nanars ?
Une question qu’elle est bonne
Peut-être que non. La bête est sur le point de se réveiller, sous l’influence d’une période rarement propice au déchaînement de passion cinéphile : Noël. La fin d’année semble tellement synonyme de déballage de navets sur grand écran que le dernier numéro du magazine Première, pourtant peu connu pour son aversion du cinéma français, a flairé une piste. « Et si on faisait des bons films ? », se demande benoîtement le mensuel en surfant sur la vague propulsée l’été dernier par Télérama (voir notre précédente sélection). C’est pas une mauvaise idée, ça : faire des bons films. Il y en a, ne soyons pas de mauvaise foi. Mais les mauvais le sont tellement qu’ils laissent des marques, et exigent parfois un nettoyage oculaire à la simple vision de leur bande-annonce. C’est dire notre courage !
Pour Noël, donc, même si les films franco-français ne sont pas légion, une bonne poignée d’entre eux s’annoncent gratinés. Histoire de ne pas tirer encore une fois sur l’ambulance Clavier, nous nous abstiendrons de parler d’Une heure de tranquillité, qui semble confirmer l’enterrement artistique de Patrice Leconte, pour s’attarder sur les navetons les plus spectaculaires du mois de décembre.
Rappelons-le à toutes fins utiles : la sélection ci-dessous opère un choix tout à fait subjectif des pires films français à venir. Nous ne les avons pas vus. Nous ne les verrons probablement jamais. Une bonne surprise se cache-t-elle derrière ces trailers ? À vous de réagir !
Parce que les Schtroumpfs, ça ne suffisait pas
La sortie d’Astérix : le domaine des dieux permettra d’oublier momentanément la torture que représente le marché des adaptations de BD franco-belges. Pour un Spielberg ou un Alexandre Astier investi dans sa mission, combien de Boule & Bill, de Lucky Luke ou d’Iznogoud restent en travers de nos gorges endolories ? La messe n’est pas encore dite : déjà profané avec la franchise des Schtroumpfs, Peyo continue d’être tourmenté. La vision de la bande-annonce de Benoît Brisefer : les taxis rouges permet de mesurer l’ampleur des dégâts. Cette adaptation friquée (mais les sous n’ont manifestement pas été donnés aux responsables des effets spéciaux) des aventures du petit, mais costaud Benoît a été confiée à Manuel Pradal, plus connu pour avoir désapé Emmanuelle Béart (Un Crime) et Vahina Gociante (La blonde aux seins nus). Pourquoi lui ? Pradal lui-même doit se le demander tout en comptant ses billets, vu la paresse avec laquelle a été emballé ce désastre, avec son Brisefer habillé comme un chanteur de la Croix de Bois à la voix stridente. C’est pachydermique, moche à pleurer, accompagné par une chanson psychédélico-robotique qui vous fera saigner des oreilles. Comme souvent, les personnages enfantins sont lourdement épaulés par des poids lourds de l’industrie. En l’occurrence Jugnot et Réno, bien connus ces dernières années pour leur subtilité et leur amour de l’art…
La punchline qui vend du rêve : « On doit à tout prix arrêter Poilaunez ! »
La bande-annonce
Benjamin Biolay dit n’importe quoi : le film
Sans être une fidèle, Sophie Letourneur risque de devenir bientôt l’une des coqueluches de notre rubrique. Déjà auteur des immortelles Coquillettes (et ses affiches qui parodiaient avec tellement de délicatesse Spring Breakers), l’actrice et cinéaste (enfin, c’est ce qu’elle dit) fait son retour avec Gaby Baby Doll, qui nous permet de retrouver, en tête d’affiche et avec un collier de barbe arraché au menton de Robert Hue, un autre habitué de Qualité France : Benjamin Biolay. Là, c’est simple, on est en terrain connu : ça se passe à la campagne, dans de pauvres décors éclairés par un aveugle (mais c’est normal, ça fait « réaliste »), il y a du piano en fond musical et l’héroïne, Gaby, est à la fois dévergondée, pas sortie de l’enfance et un peu cintrée. Ça enfile des perles de dialogues couillons censés être pleins de sens, mais qui nous rappellent plus les sketches des Inconnus, toujours d’actualité. Mais là où Gaby Baby Doll touche au sublime, c’est dans les moments où apparaît Biolay, qui achète des biscuits, marche dans la forêt ou boit de l’eau avec un air impénétrable qui nous fait nous demander s’il n’est pas un peu, intérieurement, en train de prendre tout ça à la rigolade. Enfin, nous l’espèrons.
La punchline qui vend du rêve : « Mais je t’aime ! Enlève ton t-shirt et j’te fais une omelette ! »
La bande-annonce
Vaudeville navrant. Avé l’accent !
Très honnêtement, dans le grand monde des comiques troupiers français, les Chevaliers du Fiel ne sont pas les pires. Vieux routiers de la scène, Éric Carrière et Francis Ginibre ont fait en partie carrière sur leur accent chantant la région toulousaine, et une beauferie bon enfant assez inoffensive. Est-ce une raison suffisante pour passer, 25 ans après leurs débuts, par la case cinéma ? Ils ne sont pas les premiers à franchir le pas, certes, mais d’une part, transposer une mécanique de théâtre au cinéma n’est pas si facile, et d’autre part, leurs prédécesseurs n’ont, c’est un euphémisme, pas vraiment transformé l’essai (voir Ma femme s’appelle Maurice et mourir). Mais voilà, vous l’avez voulu, vous l’avez eu : l’adaptation de la pièce Repas de famille arrive au cinéma, avec son cortège de quiproquos salaces, de lieux communs du vaudeville moderne (la grand-mère boulet, la maîtresse bimbo encombrante, les barbecues règlement de comptes, le gauchiste naïf contre le grand patron… n’en jetez plus !), mis en scène avec l’énergie d’un comptable octogénaire et la finesse d’une fin de soirée arrosée au Beaujolais. Quelque chose nous dit que Cyril Hanouna va a-do-rer.
La punchline qui vend du rêve : « Vous avez le parmesan qui sort de la vitrine ! »
La bande-annonce
Alerte mièvrerie !
Il y a des acteurs qui nous impressionnent en France, et dont la crédibilité est rarement remise en question. Prophète chez Audiard, maître de l’Or noir chez Jean-Jacques Annaud, esclave du nucléaire dans Grand Central ou flic dépassé dans Gibraltar, Tahar Rahim est un comédien à l’arsenal dramatique impressionnant, qui s’est essayé à la comédie avec un certain succès pour les besoins de Samba. Carton rouge à toi, donc, Tahar, pour te compromettre dans le genre de meringue condescendante et moraliste réservée habituellement à des pompiers de l’émotion comme Mathilde Seigner. L’objet du délit s’appelle Le Père Noël, qui n’est pas une ordure ni un saint, juste… le, faute de titre inspiré. Avec un titre aussi simple, le film réussit l’exploit de ne même pas parler du vrai tonton au traîneau, mais d’un cambrioleur déguisé (Rahim) tombant sur le balcon d’un petit morveux qui y croit encore. Comme c’est une comédie familiale et que ce n’est pas réalisé par les frères Farrelly, l’ami Tahar ne l’emmène pas à Pigalle mais va l’aider à réaliser ses rêves – tous particulièrement cucu la praline. La bande-annonce dégouline tellement de bons sentiments qu’on en chialerait presque de honte. Une gêne qui augmente encore lorsqu’on sait que le réalisateur Alexandre Coffre est aussi l’auteur et metteur en scène d’Eyjafjallajökull, l’avant-dernier Dany Boon. Tahar. Mec. Ressaisis-toi !
La punchline qui vend du rêve : « J’pourrais faire un tour de traîneau ? C’est pour aller voir mon papa sur son étoile » (mewwwaaaahhh)
La bande-annonce