Voilà déjà plus de sept ans que le trublion américain Eli Roth n’a plus fait parler de lui derrière la caméra. Sept ans, depuis la sortie de Hostel – chapitre II, opus bancal, mais convaincant d’une « saga » ayant défini pour de bon dans les années 2000 les contours d’un sous-genre déjà épuisé, le torture porn. Roth, autodidacte un poil égocentrique s’étant forgé en quelques années sa propre légende, n’a jamais vraiment rejeté cette étiquette de nouveau pape du gore qui tache, déclarant comme Tarantino à longueur d’interviews à quel point il adorait ce genre cinématographique. Une chose est sûre, Eli Roth est loin d’être un esthète aussi adroit et complet que son mentor proclamé, même si son côté jovial et ses qualités de bon vendeur lui ont permis de se faire une place durable au soleil en peu de films (trois en tout et pour tout).
Welcome to the jungle !
Après avoir tâté de la production (avec Le dernier exorcisme et bientôt Clown), de la télé (avec sa série Hemlock Grove) et de « l’acting » avec entre autres Inglourious Basterds et l’affreux Aftershock, l’ami Eli a finalement décidé de revenir à ses premières amours en 2013, avec ce projet longtemps annoncé qu’est The Green Inferno. Tout comme la paire QT-Robert Rodriguez, qui remet en avant des sous-genre de films d’exploitation en se servant de leur réputation (parfois en tournant de nouveaux « prototypes » eux-mêmes, avec plus ou moins de réussite), le réalisateur de Cabin Fever a décidé de réactiver le genre du film de cannibales popularisé dans les années 80 par une pelletée de films italiens, dont le plus fameux demeure Cannibal Holocaust.
[quote_center] »Eli Roth s’en est donné à cœur joie au niveau des maquillages sanguinolents pour un maximum de réalisme. »[/quote_center]
La recette est pratiquement la même à chaque fois, et The Green Inferno n’y déroge pas vraiment : le scénario suit l’arrivée dans la jungle impénétrable de l’Amazonie de quelques Blancs inconscients, parmi lesquels Daryl Sebara (le môme de Spy Kids) ou la chanteuse Skye Ferrara, qui vont tomber nez à nez avec des cannibales forcément mal intentionnés. L’astuce étant ici que les personnages principaux sont des étudiants activistes, venus au Pérou pour protéger la forêt tropicale et ses habitants. Des hipsters écolos en puissance, imbus d’eux-mêmes et condescendants donc, qui, suite à l’accident de leur avion, vont devoir survivre à la voracité de ceux-là mêmes qu’ils étaient venus sauver. Ô l’ironie.
Cannibal Digital
Tourné il y a maintenant plus d’un an et demi dans une véritable forêt péruvienne, auprès d’indigènes qui n’avaient jamais vu le bout d’un objectif, The Green Inferno promet donc d’être une bande assez extrême réutilisant les ficelles naguère inventées par Ruggero Deodato et Umberto Lenzi. Avec l’aide, précieuse, des légendaires Gregory Nicotero et Howard Berger, Roth s’en est donné à cœur joie au niveau des maquillages sanguinolents pour un maximum de réalisme, le tout espérons-le sans avoir eu besoin d’écorcher pour de vrai quelques animaux. Histoire d’appuyer sur le côté « expérience interdite » de son projet, le cinéaste en a depuis rajouté à longueur d’interviews sur la « dangerosité » de ce tournage, sur le fait « qu’on a failli se faire tuer plusieurs fois », le plus souvent par des insectes d’ailleurs… Dans un élan de marketing involontaire, la MPAA, équivalent filmique américain du CSA, a classé le film R pour cause d’« aberrant violence and torture, grisly disturbing images, brief graphic nudity, sexual content and some drug use ». Une classification qui se passe de traduction, et qui contribue à donner à The Green Inferno cette aura de film sulfureux que Roth recherche tant.
La sortie effective du film, monté et tourné dans la foulée d’Aftershock avec pratiquement la même équipe technique et artistique, se fait toutefois attendre depuis lors, avec des présentations dans les festivals de Toronto et Sitges qui n’ont pas déclenché d’enthousiasme excessif. Roth, qui a listé dans son générique de fin tous les films de cannibales auxquels il pouvait penser, ne chercherait à aucun moment à révolutionner le genre, donnant qui plus est à son long-métrage une allure étrangement « proprette », due sans doute à un tournage avec des caméras digitales Canon C300 en haute définition. Ce rendu cristallin, paradoxal dans le cadre d’une histoire se voulant « sale », transparaît déjà dans la première véritable bande-annonce du film, qui esquive tout plan frontal de démembrement (ou autres…) au profit d’une promesse de film « insoutenable » et d’une galerie de visages effrayés. « Vous comprenez ce qu’ils vont nous faire ? » s’écrie l’un d’eux. Ah ça oui, nous en tout cas, on a compris. Rendez-vous le 5 septembre aux USA, et sans doute dans la foulée chez nous, pour participer (ou pas !) au festin.
Le trailer