Comme nous le rappelions il y a peu de temps dans ces pages (plus précisément dans notre preview), Wolf Creek fait partie de ces films venus d’Australie qui ont pris tout le monde par surprise lors de leur sortie. Révélant un talent brut, Greg McLean, en même temps qu’un personnage terriblement réaliste de serial-killer aux antipodes (sic) de Crocodile Dundee, ce suspense horrifique au tempo déroutant avait alors été associé à la vague naissante des torture porn type Hostel, alors que McLean avait d’autres ambitions, comme son film de crocodiles Solitaire le prouva par la suite.

Ayant jusqu’à présent repoussé les appels du pied des producteurs pour tourner aux États-Unis (contrairement à son poulain Patrick Hugues, parti tourner le troisième Expendables juste après avoir bouclé Red Hill), McLean a donc souhaité revenir sur les lieux de ses premiers méfaits, donnant vie au longtemps annoncé Wolf Creek 2 cette année. Si le film ne sortira qu’en 2014 dans son pays natal, le Pifff a permis avant cela de découvrir au cinéma cette séquelle aussi attendue que tardive. Et force est de reconnaître que c’est sur un écran le plus large possible que la puissance de ses images prend tout son sens, même si cette explosion stylistique en scope se fait au détriment de l’originalité. Wolf Creek 2, c’est avant tout l’entrée d’un personnage de fait divers, Mick Taylor, dans l’univers bien codé du croquemitaine increvable, popularisé par Jason et consorts. Un genre qui tient du plaisir roboratif, mais qui apporte généralement peu de surprises au spectateur averti.

La vraie star, c’est lui

Wolf Creek 2 : le tueur des hautes plaines (Pifff 2013)

Wolf Creek 2 s’ouvre sur un carton noir spécifiant que cet opus, comme le précédent, « s’inspire de faits réels ». Après vision, cette mention tient du cynisme pur et dur, McLean s’étant en fait inspiré d’un fait divers n’ayant rien à voir avec les précédents, pour en reprendre l’idée générale et l’appliquer à sa franchise. Dès sa séquence d’ouverture, le film montre d’ailleurs qu’une approche « vériste » des faits n’est pas exactement l’obsession première du réalisateur. Décidé à arpenter de long en large les paysages incroyablement cinégéniques de l’Australie méridionale, McLean fait de son Mick Taylor, tueur de cochons et équarrisseur de touriste professionnel, une terreur de la route et un as du tir au fusil, qui n’hésite pas à dégommer deux flics condescendants avec une absence de scrupules qui ferait pâlir Mad Max. Suite à ce premier coup d’éclat, l’action démarre avec un nouveau couple de randonneurs, allemand cette fois, dont il ne fait aucun doute qu’ils vont devenir les proies de Taylor après avoir visité le fameux cratère de Wolf Creek.

[quote_right] »On songe à Hitcher et à la trilogie de George Miller, mais aussi à Duel, pillé lors d’une estomaquante séquence de poursuite. »[/quote_right]Et c’est bien évidemment ce qui se passe. Sauf que, histoire de redistribuer les cartes et de faire oublier qu’il raconte exactement la même histoire qu’il y a sept ans, McLean se débarrasse rapidement de son attachant couple germanique (le pauvre Rutger, dénommé ainsi sans doute en souvenir de Hitcher, avec Rutger Hauer, trépasse dans l’une des scènes gore les plus insoutenables de l’année), pour s’intéresser à un autre pauvre innocent, un Anglais nommé Paul, croisant littéralement la route et le pare-chocs du tueur. De ce dernier, nous devrions apprendre à connaître l’identité, les motivations, et l’histoire qui l’ont amené ici. Mais non. Jusqu’à son dénouement, Paul restera une figure transparente, un prototype de gars lambda devant instinctivement fuir l’increvable Mick Taylor, vraie star de cet épisode auquel l’acteur John Jarratt confère un rictus et une dégaine incroyable, mais qui dérape régulièrement dans le cabotinage hystérique, comme si Taylor devait une bonne fois pour toutes apparaître comme bigger than life, comme une légende locale (ce n’est pas un hasard si le personnage se définit lui-même comme tel au moment des présentations) au tableau de chasse invraisemblable.

Magnifiques et inquiétantes Antipodes…

Wolf Creek 2 : le tueur des hautes plaines (Pifff 2013)

Ce problème d’identification, qui procure un sentiment de vide terrible chez le spectateur réduit à observer un jeu de chat et de souris avec une certaine distance, handicape pourtant que partiellement les meilleures séquences du film, celles consacrées à cette traque à travers le bush australien, que McLean sait filmer comme personne. S’il fallait encore une preuve que le cinéaste était l’un des meilleurs techniciens australiens en activité et un amoureux de son pays, Wolf Creek 2 se poserait là : shooté avec un sens du cadrage horizontal incroyable, dans un déluge de couleurs ocres et de panoramiques soulignant l’écrasante beauté des lieux tout comme l’angoisse inexplicable qu’ils peuvent générer, le film est dans ces moments-là une merveille de cinéma qui transcende sans problème les limites du genre. On songe alors bien sûr à Hitcher et à la trilogie de George Miller, mais aussi à Duel, religieusement pillé lors d’une estomaquante séquence de poursuite où Taylor écrase des dizaines de kangourous (mais pourquoi est-il aussi méchant ?), ainsi qu’à Massacre à la tronçonneuse, à partir du moment où l’action se recentre sur le repaire de Taylor.

C’est dans ce dernier acte d’un film commençant alors à pédaler un peu dans la boue, que se nichent les principaux défauts de Wolf Creek 2 : l’histoire retombe dans une dynamique de torture porn (on y revient) qui se teinte certes d’un sanglant iconoclasme (Taylor et Paul se lancent dans un quizz de culture générale sur l’Australie qui a de douloureuses conséquences, et dont les subtilités seront inaccessibles à tout spectateur occidental), mais qui n’a rien d’innovant. La logique de franchise naissante empêche également de croire que l’ogre Taylor pourrait être inquiété par son frêle et interchangeable adversaire, ce qui réduit d’autant plus l’intérêt de leur face-à-face. En voulant donner des motivations terre-à-terre à son croquemitaine (en gros, Taylor se révèle être un xénophobe bien bouseux qui entend purifier son pays de tous ses envahisseurs, spécialement les Anglais, ce qui explique son « amour » pour les touristes de passage), McLean commet l’erreur de vouloir donner aussi une justification à son surréaliste carnage, qui donnera pour la deuxième fois des sueurs froides à l’office de tourisme australienne.

Comme le montre bien l’ultime plan « héroïque » du film, qui suit un dénouement formidablement frustrant, Mick Taylor n’est jamais aussi magnétiquement malsain que lorsqu’il est laissé à l’état de silhouette menaçante, se découpant sur un paysage de désert semblant d’un coup receler mille pièges mortels. C’est lorsque Wolf Creek 2 met en scène ces moments de pure terreur dans des espaces ouverts, à la beauté à couper le souffle, qu’il est à son meilleur. Le film arrivant avec quelques années de retard sur la vague horrifique « dure » qui a marqué le genre, peu de chances malgré tout pour le public de pouvoir apprécier le talent d’esthète de McLean sur grand écran. Sans être entièrement convaincant, c’est pourtant là que devrait être découvert cet étonnant survival sanglant en terre aride.


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troissurcinq
Wolf Creek 2, de Greg McLean
De Greg McLean
Australie / 2013 / 107 minutes
Avec John Jarratt, Ryan Corr, Shannon Ashlyn
Sortie le 7 avril 2015 en DVD et Blu-Ray (Factoris Films)
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