Voilà déjà 50 ans que le film de zombies, ou de morts-vivants si vous voulez être précis, est entré dans le subconscient du cinéma fantastique, grâce au classique séminal de George Romero (soyons tatillons : le premier mort ramené à la vie était le personnage-titre de La momie, popularisé en 1932 par le film Universal). Des chefs-d’œuvre du genre, il y en a eu. Des succès populaires, aussi, dans tous les domaines, à tel point que, comme le vampire, le décharné sanguinolent a envahi notre sphère culturelle jusqu’au point de non-retour. The Walking Dead est un phénomène d’édition et de télévision, et a engendré nombre d’avatars plus (In the flesh) ou moins (Death Valley) légitimes côté séries. Les jeux vidéo en ont fait une cible de choix pour d’innombrables Resident Evil et Dead Rising, les festivals spécialisés une attraction populaire… Même Brad Pitt a rencontré un succès inespéré (et peu mérité) grâce à eux avec World War Z. Les zombies ont littéralement envahi les plateaux de production du monde entier. Pas un pays qui n’ait pas succombé à la mode de la série B pleine de « walkers », avec plus ou moins de moyens, plus ou moins d’idées.
Alors, le film de zombies, et sa variante chimique, le film d’enragés post-28 jours plus tard, est-il arrivé à un point de saturation ? Tout dépend où vous regardez. Au milieu des zéderies opportunistes, des films fauchés et des comédies ringardes se cachent quelques valeurs sûres, dignes de peupler votre soirée vidéo sans qu’un roulement d’yeux n’accompagne chaque apparition de mort-vivant.
À l’occasion de la sortie en salles de Maggie, drame zombiesque avec rien moins qu’Arnold Schwarzenegger, Born to Watch a sélectionné dix longs-métrages, qui comme dans notre dossier sur les films de fantômes, sont tous inédits en salles et pour une bonne part disponibles en France. Barricadez-vous, prenez la machette la plus proche… et suivez le guide !
Goal of the dead
Conçu au départ comme une mini-série (et cela se sent), Goal of the Dead est le résultat d’un réjouissant pari que se sont lancés plusieurs scénaristes, puis les deux réalisateurs Benjamin Rocher (La Horde) et Thierry Poiraud (Atomik Circus), à savoir réussir un film de zombies en France avec un argument… sportif ! Direction donc le village fictif de Capelongue, pour une rencontre de Coupe de France qui tourne très mal lorsqu’il s’avère qu’un des joueurs, dopé par son père, a été transformé en enragé/zombie, et se met à contaminer joueurs et spectateur.
À mi-chemin entre Shaun of the Dead, Assaut et Coup de tête, la suite est un festival de scènes comiques et gentiment gore animé par une troupe d’acteurs sympathique et reposant sur une description plutôt bien vue du petit monde pourri du football pro et amateur. Avec une durée totale de 2 h 20, le film étant séparé en deux parties, Goal of the Dead tire en longueur, mais son énergie potache et son caractère complètement unique donne au final envie de pousser une bonne petite Marseillaise, bière à la main bien sûr.
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Disponible en DVD et Blu-ray
The Dead
Avant qu’ils ne partent crapahuter en Inde pour les besoins de l’inévitable The Dead 2, les frères Ford investissaient l’Afrique avec un surprenant premier opus, qui avait fait sensation dans les festivals spécialisés. Il règne une palpable atmosphère de fin du monde dans The Dead, qui imagine une épidémie de morts-vivants en plein continent noir. Dans un style languissant et mortifère qui rappelle beaucoup le cinéma de Lucio Fulci, The Dead se révèle être une proposition fascinante, où les zombies deviennent dans l’immensité des paysages d’Afrique des silhouettes clopinantes, souvent amputées dans leur « précédente vie ».
Plutôt qu’une ville, c’est un pays tout entier que doit fuir notre héros, un ingénieur blanc (Rob Freeman) qui espère trouver un moyen d’échapper à cette horreur qui, associée aux images bien réelles d’exactions et de maladies qui nous parviennent régulièrement d’Afrique, prend une tournure presque trop réaliste. Réalisé avec des moyens ridicules, dans des conditions que le duo de réalisateurs se plaît à décrire comme « dangereuses », The Dead se distingue nettement de la masse des films apocalyptiques du même style.
Disponible en DVD et Blu-ray
Juan of the dead
La principale originalité, et la véritable force, de Juan of the Dead, c’est qu’il s’agit d’un film de zombies venu de Cuba. Cet argument marketing sert pour ses détracteurs de cache-misère, mais si l’on adhère à son postulat délirant et décalé, le film d’Alejandro Brugues fait office d’efficace divertissement. Dans Juan of the Dead, le héros (qui ressemble à s’y méprendre à Smaïn avec pas mal de kilos en moins), est un prolétaire débrouillard, qui lorsqu’une invasion de morts-vivants se déclare à La Havane, décide d’en tirer profit en créant un service d’élimination de zombies.
Forcément, en imaginant un classique récit de survie teinté de second degré au pays de Castro, Brugues ne peut s’empêcher de se moquer du régime en place, sans finesse, mais avec assez de bagout pour emporter l’adhésion. Niveau gore, Juan of the Dead assure aussi le spectacle, avec un côté « plagiste de l’apocalypse » qui rappelle beaucoup, et sans doute sans le vouloir, les jeux vidéo Dead Rising.
Disponible en DVD anglais (VOSTA)
Berlin Undead (Rammbock)
Si Goal of the Dead explose un peu les compteurs niveau durée, Berlin Undead, aussi connu sous son titre original Rammbock, se situe lui à l’extrême opposé, puisqu’il atteint à peine les 70 minutes de métrage. Il n’en faut pourtant pas plus à ce zombie flick allemand sorti en 2010 pour marquer les esprits, grâce à une poignée d’idées originales qui font mouche : l’action est confinée dans un complexe d’appartements berlinois dont tous les résidents se trouvent prisonniers, et ils doivent donc communiquer par la fenêtre, voire casser des cloisons pour se sauver ! Les zombies, eux, sont à la fois attirés par le bruit et photosensibles, une faiblesse que nos deux héros principaux vont tenter d’exploiter pour survivre.
Vu sa durée, inutile de dire que Berlin Undead est sans fioritures, et démontre sans peine le talent émergent de Marvin Kren, qui a enchaîné depuis sur un The Station malheureusement moins convaincante. À signaler, le DVD du film propose de raviver la flamme franco-allemande via un court-métrage bonus bien connu nommé… Paris by night of the living Dead !
Disponible en DVD
The Revenants
Resté inexplicablement inédit en France pendant des années (sa sortie vidéo, annoncée en 2014, a même été repoussée jusqu’à cette année), The Revenants propulsera tous les amateurs de cinéma fantastique en arrière, vers les années 80 plus précisément, dans lesquelles il puise une bonne partie de son esthétique. Kerry Prior, spécialiste des effets spéciaux, surprend et réjouit avec cette histoire de soldat mort en Irak (joué par David Anders, vu entre autres dans Alias) qui revient à la vie pour jouer les justiciers de la nuit à Los Angeles. Adepte des virages à 180°, le film parvient à trouver un équilibre délicieux entre comédie potache, satire féroce du bellicisme américain et festival d’effets prosthétiques old school.
À la fois anachronique et hors du temps, visuellement soigné et unique en son genre, The Revenants fait partie de ces découvertes inespérées sur lesquelles chaque fan de genre espère généralement tomber. Vous savez ce qu’il vous reste à faire…
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Disponible en DVD et Blu-Ray
Dead Snow
Il fallait bien un sale garnement comme Tommy Wirkola, réalisateur norvégien s’étant fait connaître en parodiant le Kill Bill de Tarantino, pour remettre au goût du jour la figure très particulière du « zombie nazi ». Oubliez la moribonde saga des Outpost : ici, c’est de la neige scandinave qu’un bataillon de vilains soldats allemands, conservés au frais pendant des décennies, surgit pour s’attaquer à une bande de jeunes touristes ayant imprudemment déterré leur or.
Fan déclaré des films de Peter Jackson, adepte du mauvais goût rougeâtre, Wirkola emballe avec ce Dead Snow un avatar honorable du séminal Braindead. On y joue à la varappe avec des intestins, et les tronçonneuses de poche s’avèrent aussi utiles que chez Tobe Hooper. Surtout, le film ne se prend jamais au sérieux, tout en créant des figures maléfiques paradoxalement dénuées de tout humour et distanciation (normal pour des zombies en même temps). Si vous avez l’estomac accroché et une envie pressante de gore rigolo, n’hésitez plus : il est même possible de poursuivre la soirée norvégienne avec le tout aussi dégénéré, mais plus poussif Dead Snow 2.
Disponible en DVD et Blu-ray
Dance of the Dead
S’ils ne sont pas aussi efficaces que Carrie pour foutre en l’air le bal de promo de fin d’année, les zombies de Dance of the Dead sont toutefois assez hargneux pour transformer ce passage obligé en climax sanglant d’une « zom’ com’ » qui sort efficacement du lot. Pas par son budget, qui devait être plus que serré vu la finition parfois limite du résultat final, mais par la profusion de ses idées sympathiques.
Il y a déjà cette volonté de contourner les clichés les plus galvaudés de deux genres complémentaires, le film de zombies pour ados et la comédie teenage, en faisant des traditionnels geeks rejetés et impopulaires (incarnés il faut le souligner par de vrais ados, et pas des quasi-trentenaires imberbes) les plus efficaces chasseurs de zombies du bahut. Armée de battes cloutées ou de guitares (sic), l’attachante petite bande de Dance of the Dead tient le beau rôle d’un film qui rend souvent hommage, et de belle manière, au mythique Retour des morts-vivants, et se permet quelques beaux moments d’anthologie, comme cette course-poursuite en plan-séquence dans un cimetière entre nos héros et des zombies bondissant littéralement hors de leurs tombes !
Disponible en DVD
The Returned
Marre des étalages de viande rouge ? L’abondance de killshots dans Walking Dead vous provoque des haut-le-cœur ? Il est temps de découvrir The Returned, production hispano-canadienne qui pourrait être décrite comme un « suspense zombiesque ». Précisons : dans la réalité alternative du film, qui se déroule à Toronto, une première épidémie a fait 100 millions de victimes, puis un remède a été trouvé pour contrer la nouvelle vague d’infectés/enragés/zombies. Les guéris, à la manière de la série In the flesh, sont des « revenants », qui doivent se soigner tous les jours sous peine de voir la maladie ressurgir. The Returned s’attache à l’un d’entre eux, obligé avec sa courageuse copine infirmière de fuir la ville lorsqu’il s’avère que les stocks de remèdes sont vides…
Le suspense de The Returned tourne moins autour d’une possible apocalypse, que de l’avenir de nos héros, qui doivent contrer les extrémistes et mettre la main sur les dernières doses pour survivre. Réalisé sans trop de génie par Manuel Carballo (L’exorcisme), The Returned se distingue néanmoins par son parti-pris anti-spectaculaire, son héroïne à la forte présence (Emily Hampshire, vue dans Cosmopolis), et un dénouement émouvant rattrapant un twist prévisible, qui donnerait presque l’impression d’avoir regardé le pilote d’une série télé.
Disponible en DVD zone 1 et VOD
Pontypool
Les routiers du fantastique ont depuis longtemps entendu parler de ce petit classique qu’est Pontypool, sorti à la va-vite après une longue tournée de festivals européens, et célébré à chaque fois comme l’un des films de contamination les plus originaux de récente mémoire. Huis-clos sublimement carpenterien, Pontypool se déroule dans une station de radio de l’Ontario claquemurée pour cause de tempête de neige. Et toute la tension, l’horreur, l’angoisse de l’histoire découlent des mots, que l’animateur sur le retour Grant Mazzy (Stephen McHattie dans le rôle de sa vie) entend dans son casque. Dehors, une épidémie se propage et rend tout le monde fou. Tony Burgess adapte son propre livre, qui imagine un mode de contamination particulièrement cintré, qu’il vaut mieux découvrir en cours de route.
Décalé, parfois un peu trop, mais aussi stressant et tirant le meilleur parti de son décor unique, Pontypool fait partie de ces graines de films cultes qui se transmettent de connaisseur en connaisseur avec des sourires entendus. La bonne nouvelle, c’est que le réalisateur Bruce McDonald a annoncé que la suite longtemps attendue, Pontypool Lives, était en cours d’écriture.
Disponible en DVD
Deadgirl
Avec Deadgirl, nous atteignons ici un peu les limites du genre, dans le sens où le zombie est unique, et sert moins de menace persistante que de catalyseur des basses pulsions de ses « héros ». Marcel Sarmiento et Gadi Harel, qui avaient réalisé l’un des plus impressionnants sketches d’ABC of Death, « D is for Dog », font ici leurs débuts sur la base d’un script bien glauque de Trent Haaga (qui signera plus tard celui de Cheap Thrills, autre film parfait pour retourner vos estomacs). Atmosphérique, lancinant et tout sauf réaliste, Deadgirl confronte deux teenagers à la dérive, Rickie et JT, à une découverte étrange : une femme morte-vivante enchaînée dans le sous-sol d’un hôpital désaffecté. Problème : JT décide de faire de celle-ci son objet sexuel. Aussi repoussante soit l’idée, le film exploite sans œillères son potentiel, renvoyant Rickie (Shiloh Fernandez, Evil Dead) passif et contrarié, comme JT (Noah Segan, Starry Eyes), psychopathe en puissance, dos à dos.
Tout comme Cheap Thrills, Deadgirl s’avère aussi écœurant que ravageur dans son parti-pris, qui est de présenter le mâle moderne américain comme une boule de ressentiments sans éducation ni repères moraux, prête à éclater à la moindre occasion. Loin d’être plaisante, ce qui n’empêche pas le film d’être réussi plastiquement, l’expérience a pour elle d’être sans compromis, y compris et surtout dans son dénouement – assez prévisible malgré tout.
Disponible en DVD zone 2 UK
À débusquer également ! Encore moins connus, et pour certains toujours inédits, voici de quoi combler un peu plus votre soif de morts-vivants. Citons parmi les récentes sorties vidéo le très Z Zombeavers et ses castors voraces, le très bis War of the Dead qui nous vient de Lituanie, la comédie romantique contrariée Life After Beth, dont nous reparlerons en juillet, deux fiers, mais génériques représentants british (Doghouse et Cockneys vs Zombies), Last Days on Mars qui nous parle de zombies dans l’espace, ainsi que Harold’s going stiff, qui flirte lui de loin avec le genre en assimilant la zombification… à la perte d’autonomie des personnes âgées. Bonnes séances…!