Cela se confirme à chaque mois de décembre : la fin d’année est paradoxalement une période plus propice aux éditeurs pour multiplier les sorties de films inédits en salles. La preuve en est, cette sélection qui rime avec Noël (dans la période surtout, pas trop dans les thèmes !), s’avère un brin famélique, si on la compare avec la pléthore de titres parus à l’automne. Cela ne nous empêche pas d’y retrouver plusieurs genres variés, de la science-fiction à petit budget au film d’animation gothique, en passant par le post-apo intimiste. Un cocktail déroutant, auquel vient bien sûr s’ajouter le décapant Tokyo Tribe, la petite perle déjantée du mois.
Comme chaque mois, nous recensons les films sortis à la vente ou en location dématérialisée, dans les méandres de portails proposés sans distinction par votre box préférée. Tous les titres sont disponibles pour une poignée d’euros, ou même généreusement offerts si vous compulsez les programmes de vos chaînes câblées (c’est l’occasion de signaler que les chaînes dédiées, type Canal+ ou Ciné+, sont de plus en plus friandes de films totalement invisibles par ailleurs en France, comme l’a prouvé récemment la diffusion en catimini du western Slow West, avec Michael Fassbender). Trêves de discussions : bonne lecture… et bonnes fêtes !
Les Survivants
Un film de Craig Zobel, avec Margot Robbie, Chiwetel Ejiofor, Chris Pine
Sortie le 2 décembre en DVD et Blu-Ray (Seven 7)
Film précurseur récemment ressorti des limbes grâce à une première édition DVD, Le monde, la chair et le diable confrontait en 1959 deux hommes (dont un Afro-américain) et une femme dans un New-York désert et post-apocalyptique. C’est une oeuvre chargée de symboles, en phase avec son époque, et à laquelle on ne peut s’empêcher de penser en découvrant Les Survivants (préférons le titre original, moins anonyme, de Z for Zachariah), qui rejoue ce scénario en le transférant cette fois dans un Eden campagnard. Dans une vallée coupée du monde, et des radiations qui ont tué l’essentiel de la population mondiale, Ann Burden (Margot Robbie, bientôt dans Suicide Squad), une fille de pasteur, survit en solitaire avec son chien pour seule compagnie. Tout du moins jusqu’à ce débarque dans sa vie John Loomis (Chiwetel Ejiofor, 12 years a slave), un ingénieur débrouillard et renfermé, un homme de science qui ne partage pas la foi d’Ann. Un ménage amoureux se crée bientôt, bouleversé par une autre arrivée, celle du mystérieux Caleb (Chris « capitaine Kirk » Pine). Un homme rugueux, séduisant, qui transforme ce semblant de communauté en étrange triangle amoureux… A rebours de la majorité des films du genre, Les Survivants ne s’appesantit pas sur le monde en ruines qui entoure ce trio. Lent, austère, le film délaisse le sensationnalisme attendu pour lui préférer le drame psychologique. Les trois personnages représentent moins des identités que des concepts (la Foi, la Science, la nature humaine) que le réalisateur Craig Zobel, remarqué pour son Compliance flirtant avec la psychosociologie, manipule avec soin, non sans éviter les lourdeurs. Intéressant, donc, à défaut de vraiment passionnant.
À voir… si vous préférez la psychologie au survival, si la question de la primauté de la Science sur la Foi vous taraude
Extraordinary Tales
Un film de Raul Garcia, avec Christopher Lee, Bela Lugosi, Guillermo del Toro
Sortie le 1er décembre en DVD (BAC Films)
Présenté en avant-première au dernier Étrange Festival, Extraordinary Tales est un projet de longue date, conçu sur plusieurs années, chapeauté par l’espagnol Raul Garcia. Celui-ci s’est mis en tête de réaliser une anthologie d’adaptations des plus célèbres Histoires Extraordinaires d’Edgar Allan Poe, de La chute de la maison Usher au Masque de la Mort rouge en passant par Le puits et le pendule, reliées entre elles par un segment original où l’écrivain devient un corbeau (évidemment) confronté à la Mort. Le format choisi est l’animation, et l’une des principales forces du métrage est de varier à chaque histoire son style graphique : noir et blanc tranchant, ambiance gothique anguleuse, peintures animées proches de l’abstraction… Comme souvent dans ce type d’anthologies, et malgré la qualité des œuvres ici revisitée (de manière très simplifiée, ça va sans dire), la réussite varie grandement d’un segment à l’autre. Certaines expérimentations de Garcia, comme les intermèdes lourdingues avec le corbeau, laissent une impression d’inachevé, et l’ensemble a quelque chose de désincarné, qui doit beaucoup au principe de voix off privilégié par le réalisateur. Le narrateur change en effet à chaque fois, et la liste des invités ressemble à un best-of du genre : l’acteur Julian Sands (Warlock), les réalisateurs Roger Corman et Guillermo del Toro, la voix de stentor du regretté Christopher Lee, et même Bela Lugosi, extirpé du passé via un enregistrement d’époque. Leurs voix sont nos seuls guides dans ces funèbres récits, qui conservent toutefois leur force d’évocation morbide et fantastique, en grande partie grâce à la somptueuse musique originale de Sergio de la Puente.
À voir… si vous voulez réviser vos classiques de la littérature fantastique, si vous êtes amateurs de courts-métrages d’animation et si vous frissonnez en entendant des voix de barytons.
Tokyo Tribe
Un film de Sono Sion avec Ryohei Suzuki, Young Dais, Hiroko Yashiki
Sortie le 2 décembre en DVD et Blu-Ray (Wild Side)
Sorti au Japon en 2014, Tokyo Tribe ressemble maintenant presque à un souvenir lointain pour les fans du trublion surdoué Sono Sion. Le cinéaste a enquillé depuis 5 nouveaux films, qui à ce rythme ne resteront pas inédits longtemps. Ce Tokyo Tribe, son plus gros budget à ce jour avec Shinjuku Swan, est bien entendu une adaptation du fameux manga à succès, que le réalisateur s’approprie pour en faire une comédie musicale hip-hop pétaradante et gavée d’excès. Le film se déroule dans un Tokyo dystopique et délabré, alors que plusieurs gangs se disputent des territoires à coup de sulfateuses et de battles. Déroulant ses plans-séquences dans des décors grotesques baignés de néons criards, Sion fait vivre ce petit monde déglingué avec une verve incroyable et un débit sans limites : le film est presque intégralement chanté par un casting en mode over the top continuel. C’est gore, c’est bête, c’est fou, et ça peut paraître épuisant, mais il y a une sorte d’énergie du désespoir dans ce sublime fatras qui rend l’exercice irrésistible.
À voir… si vous voulez découvrir le hip hop façon nippon, si vous aimez le mauvais goût, les univers fous, décalés et pourtant cohérents.
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400 Days
Un film de Matt Osterman avec Brandon Routh, Dane Cook, Caity Lotz
Sortie le 16 décembre en DVD et Blu-Ray (Marco Polo)
Vous connaissez leurs séries (principalement Battlestar Galactica, la meilleure du lot), vous connaissez leurs téléfilms de SF à deux dollars que leurs livrent par paquets les opportunistes de The Asylum. Maintenant, la chaîne SyFy se met officiellement au vrai cinéma, mais par la petite porte. 400 Days est en effet une petite production qui a eu droit à une sortie limitée en salles outre-Atlantique. Un semblant de prestige pour un film qui n’en possède aucun, malgré l’apparat d’un casting emmené par l’ex-Superman Brandon Routh, Caity Lotz (la petite blonde de The Pact) et le rigolo Dane Cook (Detention) qui a l’air d’avoir pris 20 kilos façon Vincent d’Onofrio. À eux de tenir pendant les fameux 400 jours d’une simulation de vol spatial, enfermés dans un bunker au budget déco sans doute oublié au stade de la compta. Puisqu’il n’y a rien à filmer à part les personnages, tous incompétents et dénués de motivation, ce qui est plutôt absurde vu le concept de départ, le réalisateur Matt Osterman nous ennuie vite, avant de tenter une sortie, littérale, à mi-parcours. 400 Days bifurque alors vers une ambiance louchant ouvertement sur La Quatrième dimension. Et multiplie les fausses pistes… sans en choisir une seule ! Le « twist » final figurera ainsi doute parmi les moments les plus stupides et paresseux de l’année, haut la main. Vous êtes prévenus.
À voir… si vous aimez les mystères qui ne se résolvent jamais, et la bouille à la fois sympathique et transparente de Brandon Routh.
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