À 37 ans, Javier Ruiz Caldera débute sa carrière en tant que monteur, puis réalisateur de films courts. Originaire de Barcelone, il devient célèbre grâce à son premier long-métrage, Spanish Movie, une sorte de Scary Movie en mode hispanique. Dans ce film, il parodie joyeusement les grands succès espagnols et fantastiques de ces dernières années, des Autres à REC, en passant par l’Orphelinat ou encore Le Labyrinthe de Pan. Le film remporte un beau succès commercial dans son pays (7 millions d’euros de recettes) mais également deux nominations aux Goya.

Les fantômes du lycée

Rencontre avec Javier Ruiz Caldera, réalisateur de Ghost Graduation (Bifff 2013)

En 2011, Javier Ruiz Caldera remet le couvert avec Promoción fantasma, alias Ghost Graduation (voir la critique) écrit par Cristóbal Garrido et d’Adolfo Valor. Cette comédie hilarante raconte le quotidien de jeunes fantômes coincés dans leur lycée après leur mort des suites d’un incendie. Un professeur, Modesto, capable de voir les morts et quelque peu asocial trouve une solution pour les aider à sortir enfin des bancs de l’école.

 

Porté par des comédiens talentueux comme Raúl Arévalo (Balada triste de trompeta) et Alexandra Jiménez (Spanish Movie) et des jeunes pousses surprenantes, comme Javier Bódalo, Ghost Graduation a soulevé une ovation lors de sa projection au Bifff 2013, tant et si bien qu’il reçoit les honneurs du public et du jury : le prix du public et le Corbeau d’Or, représentant le Grand Prix de la compétition belge.

 

Tout d’abord, bravo pour votre ovation au Bifff.

 

Merci, c’est la première fois que je viens alors je ne peux pas comparer.

 

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le scénario ?

 

Je cherchais un scénario pour un prochain film, je n’avais pas d’idée préconçue. Je suis tombé amoureux de l’histoire de Cristóbal Garrido et d’Adolfo Valor. Ghost Graduation s’est imposé comme une évidence. Il n’existe aucun film similaire en Espagne. Heureusement des producteurs un peu fous ont pris ce pari osé et tant mieux !

Auriez-vous préféré que le film sorte directement aux États-Unis plutôt qu’il fasse l’objet d’un remake ?

Will Smith a acheté les droits pour un remake américain. Je reste persuadé que la production américaine contiendra des effets spéciaux que nous n’avions pas les moyens de réaliser. En tout cas, le remake sera différent. J’espère qu’il marchera et que les gens auront la curiosité d’aller voir l’original. Le propre d’un réalisateur demeure qu’un maximum de personnes voit son film. Donc, si cela peut amener des spectateurs, j’en suis ravi.

 

Qui verriez-vous comme acteur américain dans ce remake ?

Rencontre avec Javier Ruiz Caldera, réalisateur de Ghost Graduation (Bifff 2013)

Je ne sais pas. J’adorais voir Ben Stiller, ça pourrait être sympa. Will Smith fera peut-être jouer son fils (Jaden Smith) dans le film. Je le vois bien dans le rôle de Pinfloy (le mort-vivant perpétuellement bourré, ndlr), car ils ont à peu près le même âge.

 

Carrie semble être votre film préféré. Vous confirmez ?

 

Oui, absolument. C’est la première fois que quelqu’un me le dit si clairement ! Carrie est l’un de mes cinq films de référence. J’en apprécie le récit, le gore, la terreur, les choix d’angle caméra, la musique. Il se déroule également dans un collège… Bref, c’est un film complet que j’affectionne particulièrement.

 

Quel accueil Ghost Graduation a-t-il reçu en Espagne ?

 

Comme vous le savez, la situation économique en Espagne est difficile et les gens ne vont pas au cinéma autant qu’ils le souhaiteraient. Mais je ne me plains pas, parce que Ghost Graduation est l’un des films hispaniques qui a rencontré le plus de succès l’année dernière. Grâce à ce succès, j’ai pu enchaîner rapidement avec un autre film.

 

Où avez-vous tourné ?

 

Afin de correspondre au scénario, nous cherchions un collège doté d’équipements spécifiques d’une piscine, de couloirs, d’une salle de gym, etc. Nous cherchions à Madrid et à Barcelone, personnellement j’habite à Barcelone. Nous avons trouvé une école à Madrid où nous pouvions tourner l’intégralité du film. Le tournage s’est déroulé l’été, pendant que les élèves étaient en vacances.

 

Raúl Arévalo incarne le héro, Modesto. Pour quelle raison l’avez-vous choisi ?

Rencontre avec Javier Ruiz Caldera, réalisateur de Ghost Graduation (Bifff 2013)

Dans mon pays, Raúl Arévalo est l’un des meilleurs acteurs espagnols de sa génération. Tu veux faire un film ? Tu l’appelles évidemment et s’il te dit oui, c’est un grand jour ! Comme il voulait tourner dans une comédie, il a lu le scénario. Raúl Arévalo dégage beaucoup d’énergie et de nervosité dans ses rôles habituellement. Mais pour Ghost Graduation, il devait canaliser cette énergie, surtout au début. Modesto, constamment sous antidépresseurs, représentait un challenge pour l’acteur. Il réalise un exercice incroyable de retenue et il est devenu le meilleur Modesto possible.

 

Vous glissez de multiples références cinématographiques dans votre film sans perturber de rythme de l’histoire. Comment avez-vous trouvé l’équilibre ?

 

Tout l’enjeu de mon travail résidait dans l’introduction d’hommages, pas forcément évidents, qui ne devaient pas sortir le spectateur de l’histoire. En plus, je souhaitais que ce dernier comprenne les allusions, sans forcément avoir vu les films auxquels je faisais référence. Pour cela, je me suis notamment appuyé sur la musique. Non seulement il fallait trouver un bon équilibre entre l’histoire et les références, mais également entre l’émotion et la comédie, le réalisme et le genre fantastique.

 

Les Espagnols sont-ils toujours autant friands de cinéma fantastique ?

 

Oui. En Espagne, une « nouvelle vague » de réalisateurs réalise des films fantastiques qui s’exportent d’ailleurs très bien. Je compte bien réaliser un vrai film fantastique un jour parce qu’il s’agit d’un genre avec lequel j’ai grandi. Il permet de « s’amuser » avec la caméra. Le genre fantastique permet au cinéma de mon pays de survivre. Mais pour ma part, je me  considère comme un réalisateur de comédies.

 

Ghost Graduation n’est pas, à votre avis, un film fantastique ?

 

Pas complètement. Oui, effectivement, il y contient des fantômes. Mais il s’agit bien d’une comédie. Nous jouons avec le genre, sans vraiment créer une atmosphère de terreur.

 

Savez-vous si le film va sortir en Belgique et en France ?

 

Je ne sais pas, j’aimerai beaucoup bien entendu. Le film est sorti en Italie. Sortir des frontières hispaniques pour une comédie n’est pas facile. Mais, depuis que j’ai vu la réaction du public du Bifff, je constate que Ghost Graduation peut fonctionner à l’international.

 

Quels sont vous références en matière de comédie ?

 

La comédie reste mon genre de film de prédilection. Pour le film, nous nous sommes inspirés des longs-métrages des années 80, comme Breakfast Club, Seize bougies pour Sam ou Weird Science (Une créature de rêve), ainsi que La folle journée de Ferris Bueller. Nous avons également revu des comédies avec des fantômes, de SOS Fantômes à Ghost. Tout un tas de références que j’ai gardé en tête pendant le tournage. Personnellement, j’aime beaucoup actuellement les productions de Judd Appatow. La semaine dernière, j’ai d’ailleurs vu Quarante ans mode d’emploi.

 

Comment avez-vous fait pour vous mettre dans la tête d’un adolescent ?

 

Tourner pendant deux mois dans une école, c’est comme retourner à l’école et redevenir adolescent à nouveau ! Nous venions sur place tous les jours dès 6 h du matin. Le tournage a fait resurgir en moi des souvenirs plus ou moins agréables. Les fantômes dans le film doivent rester pendant l’éternité dans le collège. Je ne peux pas imaginer quelque chose de pire ! En tournant dans des décors réels, plutôt qu’un studio, cette ambiance de tournage transparaît dans le film.

 

Des fantômes que vous avez filmé, lequel vous ressemble le plus ?

 

Il paraît que le réalisateur se retrouve un petit peu dans tous ses personnages. Même si cela n’est pas à moi de le dire, je dois reconnaître que je me retrouve un peu dans tous, mais surtout dans celui du fantôme bourré. (rires)

 

D’ailleurs, le rôle de Pinfloy semble rôle compliqué à jouer. Vous avez eu des difficultés à trouver l’acteur pour l’interpréter ?

Rencontre avec Javier Ruiz Caldera, réalisateur de Ghost Graduation (Bifff 2013)

Oui. Il n’est vraiment pas évident d’interpréter un homme soûl en permanence, qui plus est un ado. Lors du casting, de nombreux acteurs jouaient sur la parodie, l’exagération qui ne correspondait pas au personnage. Javier Bódalo a réussi à traduire l’ivresse en une seconde. Il suffit de regarder son visage et son regard. Nous tenions enfin notre Pinfloy. Cet acteur se montre incroyable dans ce rôle très difficile.

 

Sur quel projet travaillez-vous ?

 

Je viens de tourner mon troisième film à Barcelone.  Il s’appelle Tres bodas de más. Il s’agit d’une comédie romantique qui raconte plusieurs petites histoires d’amour. Le personnage principal est une fille, chose rare dans les productions hispaniques. Je viens de finir le tournage. En rentrant de Bruxelles, je passe directement au montage et à la post-production. La première aura lieu le 5 décembre prochain en Espagne. J’espère qu’un jour vous aurez l’occasion de le voir, parce que ça va être vraiment drôle.