Le faux départ de la production de science-fiction Robocalypse, un temps annoncé comme le nouveau film réalisé par Steven Spielberg (après qu’il se soit entre autres retiré du projet American Sniper), nous a momentanément privé de la joie de découvrir le successeur de l’imposant Lincoln, dernier opus en date d’une période d’activité intense pour le wonderboy en chef de Hollywood. Plutôt que d’entamer un nouveau chapitre de sa carrière côté SF, le réalisateur a donc jeté son dévolu sur une histoire vraie, un événement éminemment représentatif de la Guerre Froide, pour en faire un film d’espionnage, genre décidément très couru cette année (Spy, Des agents très spéciaux, Spectre, et bien d’autres…)

Dans Bridge of Spies (qui sera logiquement retitré Le pont des espions lors de sa sortie), l’avocat James Donovan (Tom Hanks) se voit chargé d’une mission par les services secrets américains eux-mêmes. Nous sommes en 1962, et Donovan doit négocier la libération de l’espion et pilote Gary Powers, abattu au-dessus de la Russie deux ans plus tôt. L’Amérique a une monnaie d’échange : l’espion du KGB Rudolf Abel (la star du théâtre britannique Mark Rylance), que Donovan avait lui défendu cinq ans plus tôt. L’échange doit se passer à Berlin-Est, alors même que le mur qui sépare la ville est en train d’être érigé…

Retrouvailles et collaborations prestigieuses

Bridge of Spies : Spielberg explore la Guerre Froide

Pour un fondu d’Histoire comme Spielberg, plus spécifiquement un fond de l’histoire des USA au cours du XXe siècle, Bridge of Spies a tout du pain béni. Le cinéaste avait déjà à de nombreuses reprises abordées l’époque de la Seconde Guerre mondiale, avec Il faut sauver le Soldat Ryan, La liste de Schindler et Empire du soleil, mais il n’avait jamais abordé encore la période Kennedy, ce début des sixties où l’animosité entre deux grandes puissances atteint son pic, politiquement et militairement. Spielberg a vécu cette période paranoïaque et tendue, tout comme son grand ami Tom Hanks, qu’il retrouve pour la première fois depuis Le Terminal (même si les deux hommes ont produit ensemble Band of Brothers et The Pacific).

[quote_center] »Spielberg n’a pas perdu la main pour peindre de manière évocative des tableaux historiques saisissants. »[/quote_center]

Pour célébrer ces retrouvailles, Spielberg a pu s’appuyer sur deux autres collaborateurs plus inattendus, mais pas moins prestigieux : les frères Joel et Ethan Coen sont en effet crédités comme coscénaristes du film (aux côtés de l’Anglais Matt Charman), après avoir notamment signé l’an passé celui d’Invincible. L’association entre les récents présidents du jury du Festival de Cannes et le maître de l’entertainment fait rêver sur papier, et le projet lui-même semble être à la hauteur de l’événement, si l’on en juge par la bande-annonce récemment révélée.

Maître de son art

Bridge of Spies : Spielberg explore la Guerre Froide

Bien qu’elle décrive un peu trop par le menu le scénario (comprendre : en donnant un aperçu chronologique des rebondissements sans trop d’imagination), cette bande-annonce de Bridge of Spies démontre toutefois que depuis le sombre Lincoln, Spielberg n’a pas perdu la main pour peindre de manière évocative des tableaux historiques saisissants. Ce travelling aérien autour du mur de Berlin en construction (reconstitué pour l’occasion en Pologne), ces colonnes d’un tribunal américain encadrant de manière spartiate un Donovan discourant sur les dérives de nos démocraties occidentales (un écho manifeste aux nombreuses scènes déclamatoires de Lincoln ?) : autant de plans-signatures, signes que le réalisateur septuagénaire est toujours aussi inspiré, maître de son art et de ses effets, et qu’il n’en a pas fini avec l’exploration des périodes sombres de l’Histoire américaine.

Il est encore une fois entouré de ses fidèles collaborateurs, du monteur Michael Kahn au chef opérateur Janusz Kaminski, mais, pour la première fois depuis La couleur pourpre, il a du se résoudre à se passer de John Williams (parti travailler sur l’Épisode VII) et faire appel à Thomas Newman (Skyfall) pour composer la bande-originale. Le Pont des Espions devrait sortir chez nous le 28 octobre, et au même moment outre-Atlantique, à point nommé donc pour se retrouver bien placé dans la prochaine course aux Oscars.

Ndlr : Finalement, le film est repoussé d’une semaine, et sortira finalement le 2 décembre en France.

Bande-annonce