Pieta, Far Away, The Housemaid, Mother, Poetry… Entre sorties cinéma limitées aux circuits arts et essai, et relégations sommaires dans les bacs vidéo, le cinéma sud-coréen se fraie depuis des années un chemin vers les écrans français, tant bien que mal. Malgré le buzz critique dont les grands auteurs locaux peuvent faire l’objet (du Grand prix cannois d’Old Boy au Lion d’Or du dernier Kim Ki-Duk, Pieta, la liste est longue), la facture technique toujours irréprochable de ses projets plus commerciaux, le paysage cinématographique sud-coréen reste, vu de chez nous, parcellaire. Certes, c’est un cinéma qui s’exporte mieux et demeure plus visible que la production indienne ou thaïlandaise. Mais tout de même, un festival entièrement consacré de genre n’est pas de trop chez nous.

Ocean’s Ten, pardon, The Thieves, c’est le plus gros carton de tous les temps en Corée du Sud et c’est le film de clôture du FFCP.

Et depuis 2006, c’est l’association 1886, composée de passionnés et de fins connaisseurs du pays du matin frais (et non pas calme, comme on le traduit généralement), qui se charge de cette mission. D’abord appelée Festival franco-coréen du film, la manifestation est devenue cette année le Festival du film coréen à Paris (FFCP). L’événement se déroule toujours au cinéma Saint-André-des-Arts, dans le quartier latin, du 30 octobre au 6 novembre. Et si, en apparence, cette 7e édition reste fidèle au credo des organisateurs (rendre compte de l’actualité cinématographique coréenne, faciliter les rencontres avec des auteurs, diffuser des films de patrimoine inédits chez nous), un léger changement de perspective semble se faire jour une fois qu’on se plonge dans cette programmation, comportant 25 films et presque autant de courts-métrages.

En effet, même s’il est organisé en partenariat avec le ministère de la Culture local et le Korean film Council (ou Kofic, qui joue un peu le même rôle dans la production du pays que le BFI en Angleterre), le FFCP a décidé de jouer à la fois sur le terrain du cinéma d’auteur indépendant et du film commercial. On est bien sûr pas prêts de voir un Sector 7, dont on parlera bientôt sur le site, débouler dans la « section paysage », pas plus qu’un Horror Stories. Mais qu’on se le dise, quelques petits passages près du métro Saint-Michel vous permettront d’être complètement à la page en ce qui concernent les ténors du box-office à Séoul, qui continuent de faire la nique à leurs homologues américains.

Masquerade, roi actuel du box-office coréen, fera l’ouverture.

Le film de clôture du FFCP sera ainsi The Thieves, l’auto désigné rip-off d’Ocean’s Eleven avec son parterre de stars et son braquage de haute voltige pensé avant tout pour être cool. Incidemment, c’est aussi le plus gros succès de l’histoire de la Corée du Sud, avec plus de 13 millions de tickets vendus. Soit le jackpot du siècle pour Choi Dong-Hoon, auparavant réalisateur du Taoist Wizard. Pas loin derrière sur le podium, on retrouve le drame en costumes Masquerade, qui malgré son air de déjà-vu (c’est une histoire shakespearienne de sosie prenant la place d’un roi mystérieusement décédé) a réussi à faire aussi bien que d’autres prestigieux représentants du genre, comme Le roi et le clown ou le récent remake des Liaisons dangereuses. Le film, qui met en vedette l’imberbe et magnétique Lee Byeong-Heon (I saw the devil), sera lui projeté en ouverture le 30 novembre.

Toujours du côté moyenâgeux, l’épique War of the Arrows a été un succès surprise dans son pays, décrochant la timbale en 2011. Déjà présenté à Deauville en mars dernier, ce film d’aventure faisant la part belle aux archers sortira chez nous juste après sa présentation au FFCP, mais directement en Blu-ray et DVD. Et ce n’est pas fini ! Caracolant en tête du hit-parade avant de se faire voler la vedette par le gang de voleurs susnommé, la saga criminelle Nameless Gangster réjouira ceux pour qui cinéma sud-coréen rime avec gangsters stylés, verres fumés et bonnes grosses tapes derrière la nuque. Cette version toute personnelle des Affranchis a en plus le bon goût de donner à nouveau le beau rôle au rare et intense Choi Min-Sik, l’Old Boy lui-même.

Silenced, drame polémique sur une sombre histoire de viols d’enfants, a fait figure de secousse politique dans son pays.

Plus sérieux, voir même plus dépressif, le drame Silenced fait lui figure d’événement socio-politique. La sortie de ce film, adapté d’un fait divers encore récent, a entrainé un véritable scandale en Corée du Sud : il faut dire que le réalisateur Hwang Dong-Yuk s’attaque ici à l’histoire glauquissime d’une école pour sourds et malentendants dont les pensionnaires se révèlent être maltraités sexuellement par leurs profs. Glups. Au vu du trailer, Silenced s’annonce malheureusement assez sensationnaliste sur un sujet qui demande un certain recul, mais l’impact du film sur la société sud-coréenne (la véritable école a été fermée, de nouvelles lois durcissant ces crimes votées, et le procès rouvert) paraît indéniable.

D’autres réjouissances (hum) sont à guetter durant les huit jours de projection, comme le documentaire Two Doors, qui s’attaque à un fait divers tragique impliquant manifestants et forces anti-émeute, le thriller Helpless et sa mariée envolée ayant caché bien des secrets à son ex-futur époux, la comédie récessionniste Penny Pinchers ou encore le frappadingue Self referential traverse et son héros-playmobil qu’on aurait plus vu débarquer du Japon. Cerise sur le gâteau, le dernier Im Sang-Soo, L’ivresse de l’argent, sera présenté en avant-première avant sa sortie en salles le 23 janvier prochain. Le nouveau film du réalisateur de The Housemaid et The président’s last bang, formaliste accompli à ne pas confondre avec Hong Sang-Soo (le Éric Rohmer local), est reparti bredouille du dernier festival de Cannes. Il conviendra de vérifier si ce soap glacé sur la haute société coréenne est à la hauteur des attentes.

Finissons en rappelant qu’une courte rétrospective (cinq courts, un long) consacrée au jeune auteur Kim Kyung-Mook sera également au programme, ainsi qu’une pelletée de courts et cinq classiques « anciens » tournant autour de la représentation de la femme. De quoi contenter tous les amateurs, et les plus voraces des cinéphiles intéressés par le cinéma du pays de Song Kang-Ho.

L’ivresse de l’argent, d’Im Sang-Soo, l’une des avant-premières proposées par le festival.

Programme du FFCP 2012

OUVERTURE

  • Masquerade, de Choo Chang-Min

CLÔTURE

  • The Thieves de Choi Dong-Hoon

SECTION PAYSAGE

  • Ashamed de Kim Soo-Hyun
  • Doctor Jump de Yoon Sung-Ho
  • From Seoul to Varanasi de Jeon Kyu-Hwan
  • Helpless de Byung Yung-Joo
  • Love fiction de Jeon Kye-Soo
  • Nameless Gangster de Yoon Jong-Bin
  • Penny Pinchers de Kim Jung-Hwan
  • Romance Joe de Lee Kwang-Kuk
  • Self referential traverse de Kim Sun
  • Silenced de Hwang Dong-Hyuk
  • Talking architect de Jung Jae-Eun
  • Two Doors de Kim Ih-Ram et Hong Ji-Yoo
  • Two Lines de Ji Min
  • Yosemite & I de Kim Jee-Hyun

SECTION PORTRAIT : spécial Kim Kyung-Mook

  • Stateless Things
  • courts et moyen-métrages

AVANT-PREMIÈRES

  • L’ivresse de l’argent de Im Sang-Soo
  • War of the arrows de Kim Han-Min

CLASSIQUES DU CINÉMA CORÉEN

  • Madame Freedom de Han Hyung-Mo
  • The Ae-ma Woman de Jung In-Yeom
  • The Empty Dream de Yoo Hun-Mok
  • To you from me de Jang Sun-Woo
  • Yeong-Ja’s Heydays de Kim Ho-Sun

Infos et tarifs sur le site officiel.