Autant évacuer le problème tout de suite : avec son titre induisant de douloureuses pratiques pas trop tolérées dans les pays occidentaux, Excision fait tout dès le départ pour sentir le souffre. Et pourtant, c’est plus d’incisions que l’on parlera dans le premier film de Richard Bates Jr., notre héroïne étant une adolescente obsédée par le fait de devenir chirurgienne. S’il se veut trash, Excision joue déjà, malhonnêtement, avec les a priori de son audience pour mieux déclencher des réactions et mettre mal à l’aise. C’est assez infantile, et ça n’est pas la dernière des conneries – pour être clair – qui peuplent ce premier essai totalement consternant.

758e fiction à aborder sous l’angle satirique la vie dépressive et conservatrice des banlieues américaines vue par la lorgnette d’une famille dysfonctionnelle, Excision (raaaah, ce titre… et si on l’appelait plutôt Chaton, hein ? Chaton, c’est doux, c’est mignon. Va pour Chaton) suit donc le parcours fabuleusement ennuyeux de Pauline. Pauline est une ado proverbialement mal dans sa peau : elle a le cheveu et la peau grasse, un goût douteux en matière de fringues et une tendance prononcée à l’anorexie. Tout cela ne pourrait constituer qu’un portrait-robot de n’importe quel collégien si cet état de fait ne s’accompagnait pas de rêveries nécrophiles et gorissimes, assorties d’une obsession pathologique assez dangereuse, on l’a dit, pour les instruments chirurgicaux. Pauline est donc en bute contre ses parents, une maman hyper (f)rigide et bigote, un papa castré et effacé, mais aime quand même sa sœur, un petit ange atteinte de mucoviscidose. Elle est tout aussi impopulaire à l’école, où les pom-pom girls la traitent de freak, ce qui ne l’empêche pas de vouloir perdre sa virginité avec le quaterback local. Si possible pendant ses règles. Comme tout cela est fin. Et subtil. On se croirait dans American Beauty.

N’est pas John Waters qui veut

Pauline (McCord) une ado qui révulse autant ses camarades que sa famille…

En fait, la vie de Pauline, ses piques lors des dîners familiaux, ses confessions cyniques à Dieu, ses rêves érotico-clinico-Jean-Paul-Gaultier-es-tu-là, son calvaire de lycéenne et son basculement brutal dans la folie auraient pu faire l’objet d’un court-métrage réussi et remuant. Inoffensif mais remuant, car Bates Jr. ne manque pas d’imagination et d’arguments quand il s’agit de provoquer la répulsion, en mixant menstruations, vomis, dissections d’animaux et autres joyeusetés qui vous feront plisser les yeux sans même avoir besoin d’illustration. Clairement, on est ici dans la cour, voire le royaume de John Waters, pape du mauvais goût, ici pas casté pour rien dans le rôle d’un curé outragé (sic). La différence est que dans Serial Mother, Cry Baby ou Pink Flamingos, l’attachement du réalisateur pour ses personnages était réel. Dans Chaton, ceux-là ne sont que des marionnettes servant de défouloir à un cinéaste convaincu de son génie satirique. Son idée de court (qu’il avait en fait déjà réalisé), il l’a étendue sur à peine une heure et demie, en dupliquant à l’infini des artifices visuels qui tiennent lieu de style. Autant dire qu’au septième rêve constellé de sang ou au quatrième repas sous tension, on en a ras la casquette de Pauline et son destin de serial-killer. Son « épiphanie » finale n’est surprenante que pour sa mère, le spectateur un tant soit peu malin ayant deviné depuis déjà une bonne heure où toute cette provoc’ facile allait mener.

[quote_center] »Comme tout cela est fin. Et subtil. On se croirait dans American Beauty.« [/quote_center]

On voudrait se rattacher, durant cet avatar qui s’ignore de May et Carrie, au casting attirant aligné par Bates Jr. devant la caméra. Ray Wise, Malcolm McDowell et bien d’autres passent faire coucou le temps de quelques secondes, histoire de donner un semblant de parrainage à un réalisateur qui a oublié de raconter son histoire. Plus qu’un cache-misère, la présence de Traci Lords est par contre la seule bonne raison de ne pas mettre un zéro pointé à Chaton. Caster l’ex-hardeuse dans un tel contre-emploi de mère castratrice et pourtant aimante tient de l’illumination, tant elle semble exceller dans le registre de la desperate housewive toujours à deux doigts de péter un fusible. Elle impressionne beaucoup plus qu’AnnaLynn McCord, qui elle semble chercher une performance marquante de « faux laideron » à la Charlize Theron en laissant tomber son look de blondasse qui a fait sa réputation à la télévision, où elle est toujours cantonnée (dans Nip/Tuck et Beverly Hills nouvelle génération, quand même). On peut saluer la « prise de risque », tout en lui rappelant qu’elle ne sera sûrement pas la nouvelle Angela Bettis.


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Unsurcinq
Excision
De Richard Bates Jr.
2011 / USA / 81 minutes
Avec AnnaLynne McCord, Traci Lords, John Waters
Sortie prochainement
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