La force des classiques du cinéma réside souvent dans le constat implacable de leur supériorité sur les films qui s’en inspirent. Prenez La Tour infernale : certes, ce mètre étalon du film catastrophe des années 70 peut paraître par certains aspects datés, et il ne serait pas surprenant que dans les années à venir, un exécutif californien perché dans son bureau vitré ait la brillante idée de commander un remake en bonne et due forme du film de John Guillermin. Mais lorsqu’il s’agit de mettre le feu à un énorme building et d’y piéger une poignée de survivants luttant pour atteindre le lobby en vie, impossible d’échapper au souvenir du film (sauf si l’on s’appelle John McTiernan). Le Coréen The Tower a récemment tenté d’apporter sa pierre à l’édifice (sic), et s’en tirait surtout par l’impressionnante qualité de ses effets spéciaux et un ton pour le moins pessimiste. Place aujourd’hui aux jumeaux Oxide et Danny Pang, artisans très actifs du cinéma asiatique et en particulier hongkongais, dont la filmographie, en solo et en duo, alterne entre le plutôt honorable (le Bangkok Dangerous original, The Eye, Re-Cycle et surtout The Detective) et le terriblement mauvais (à peu près tout le reste).

Budget copieux (18 millions de dollars locaux) à l’appui, les frérots ont donc entrepris d’offrir à la péninsule son premier gros film catastrophe, qui plus est tourné en 3D stéréoscopique. Le résultat, c’est Inferno 3D (ou Out of Inferno 3D), qui a notamment comme attrait de rassembler en tête d’affiche le toujours charismatique Louis Koo (Drug War), le revenant Lau Ching-Wan, acteur fétiche de Johnnie To qui se fait depuis son retour appeler Sean Lau, et la mimi Angelica Lee (The Eye), miss Oxide Pang à la ville. Inferno va se charger d’enfermer tout ce petit monde dans les quarante otages d’un gratte-ciel de Hong-Kong en proie à un incendie incontrôlable. Heureusement, nos deux héros ont l’avantage d’être pompiers, et d’avoir sans doute visionné plusieurs fois le Backdraft de Ron Howard.

Les frères pompiers

Inferno : le retour de la tour infernale

Car, et c’est peu de le dire, Inferno 3D ne se gêne pas pour copier dans son déroulement une partie des passages obligés de ses modèles. Tai Kwan (Ching-Wan, qui endossait déjà un rôle similaire il y a vingt ans dans le méconnu et impressionnant Lifeline), chef des pompiers consumé par son boulot, est donc un peu l’équivalent de Steve McQueen et Kurt Russell, mais il est loin d’être irréprochable. Délaissant sa femme enceinte, Kwan pense avant tout aux victimes qu’il doit sauver, même lorsqu’elle se retrouve, par une heureuse coïncidence, coincée dans le fameux immeuble de bureaux en flammes avec son beau-frère, Keung (Koo). Ex-pompier, Keung s’est reconverti dans le privé, et gère la sécurité incendie de cet immeuble depuis un beau bureau avec tout plein d’écrans translucides. Manque de pot, une étincelle vraiment vicieuse vient mettre le feu à un petit entrepôt (ça vous rappelle quelque chose ?), et déclenche une réaction en chaine qui met la tour sens dessus dessous. Keung et Kwan vont devoir mettre leurs différents de côté pour sortir leur petit groupe de ce brûlant guêpier…

[quote_center] »À plat, la qualité très moyenne des effets spéciaux saute aux yeux. »[/quote_center]

Si les bonus du disque d’Inferno mettent bien une chose en valeur, c’est la volonté des frères Pang, qui tournaient pour la première fois ensemble depuis The Child’s Eye en 2010, d’en donner pour son argent au spectateur, en multipliant les situations explosives, les projections de flammes (mélange de véritables brasiers artificiels et d’effets numériques) en trois dimensions et les péripéties, aussi invraisemblables et arbitraires soient-elles. Le côté mélodramatique surprend peu dans ce type de productions commerciales, même si Inferno appuie à plusieurs reprises très fort sur la pédale du tire-larmes pour nous impliquer dans le destin de personnages peu développés : il y a la petite famille obsédée par la disparition de leur fille, les deux ouvriers clandestins qui endossent le rôle navrant des faux jetons de service, prêts à balancer tout le monde dans le vide pour survivre (alors que, bien entendu, cela sert à justifier leur mort rapide et violente), l’épouse qui fait la gueule à son mari alors même qu’elle est enceinte et coincée dans un immeuble en feu (ça ne pouvait pas attendre plus tard, vos disputes ?), le médecin charmant qui se révèle être un égoïste dans les pires situations… Un vrai échantillon de clichés sur pattes, tout juste assez varié pour nous occuper l’esprit entre deux explosions.

Entretenir la flamme !

Inferno : le retour de la tour infernale

Et celles-ci, aussi fréquentes que destructrices, ne manquent pas dans Inferno. Du toit à l’ascenseur en passant par la moitié des étages intermédiaires, le scénario s’applique à mettre nos héros en difficulté dès qu’ils semblent avoir atteint un refuge temporaire. Produits toxiques, plancher friable, grue branlante, tous les moyens sont bons pour justifier un nouveau rebondissement : difficile de taxer les Pang de paresseux sur ce coup, mais l’enchaînement de ces scènes, s’il permet de ne pas s’ennuyer, rend parfois le film assez ridicule. Des chutes miraculeuses, des résurrections inopinées, des rédemptions express, des poussées d’héroïsme un peu trop surhumaines, Inferno en accumule un peu trop pour ne pas énerver.

Et cela, c’est sans parler de la facture visuelle du long-métrage, qui une fois n’est pas coutume, perd beaucoup à être vu en deux dimensions. À plat, la qualité très moyenne – pour ne pas dire gênante, notamment sur les plans extérieurs guère mieux lotis qu’une production Asylum – des effets spéciaux saute aux yeux, et le travail esthétique effectué sur le comportement des flammes, qui fait tout le prix d’un tel projet, passe un peu aux oubliettes. Sans lunettes appropriées, le brasier d’Inferno paraît bien timide face aux feux dantesques de Backdraft ou même, justement, de Lifeline, qui malgré le poids des années, peuvent toujours compter sur leurs effets « pratiques », forcément plus réalistes, pour impressionner la rétine.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]

Troisurcinq
Inferno 3D (Out of inferno 3D)
De Danny et Oxide Pang
2013 / Chine / 103 minutes
Avec Louis Koo, Sean Lau (Lau Ching-Wan), Angelica Lee
Sortie le 10 mars 2015 en DVD et Blu-ray 3D (Condor)
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