S’il y a bien une chose dont on se souviendra dans Piégée, c’est bien Gina Carano. Ce n’est désormais plus un secret pour personne : Steven Soderbergh a eu un coup de cœur pour la top model et championne de Mixed Martial Arts texane en regardant la télé, et a bâti tout le projet Haywire (Piégée, donc) autour d’elle. A l’instar de nombreuses stars du film de frappe, Van Damme en premier lieu, c’est le style, l’allure et le côté cinégénique de Carano qui ont motivé la mise en route du projet, d’où l’aspect série B très prononcé de ce Piégée très éloigné de la complexité thématique des Jason Bourne dont il s’inspire ouvertement. Le bon côté des choses, c’est que Soderbergh n’est pas Albert Pyun, et Piégée est moins un film d’action au rabais qu’une excuse en or pour rameuter devant la caméra du réalisateur d’Ocean’s 11 une pelletée de stars hollywoodiennes en service commandé. De la jeune pousse (Channing Tatum, déjà casté dans le prochain film du réalisateur, Magic Mike ; Michael Fassbender) et du lourd (Banderas, Douglas, Bill Paxton, Kassovitz et McGregor en mode petit salopiot).

Actrice de rêve pour montage vaporeux

Mauvaise idée de rendez-vous numéro 1 : demander à Gina à monter avec vous dans sa chambre.

À eux de composer la meute masculine dont va se défaire, un par un, l’athlétique et intimidante Mallory Kane (soit un nom de catcheuse pour le personnage de Carano). Le côté ultra féministe de Piégée est presque comique, puisqu’en dehors de son héroïne, il n’y a aucune femme dans le paysage. À croire que le monde de l’espionnage n’est constitué que de mâles motivés par l’argent et le mensonge, et de femmes ultra-pros qui n’obéissent à personne sinon à leur papa.

L’intrigue, mise en pièces par les bidouillages spatio-temporels de Soderbergh, est en fait d’une simplicité proverbiale lorsqu’on la remet, comme le montage alternatif de Memento, dans le bon ordre : Kane est utilisée comme un bouc émissaire par de méchants agents troubles, et vu qu’elle est imbattable au corps à corps et plus maligne que la moyenne, elle remonte la piste du complot en laissant moult cadavres derrière elle. Le cinéaste, comme il l’avait fait avec Contagion, tente d’apposer sa patte sur un genre codé en se mettant à nouveau à distance de ses personnages (ce n’est pas parce qu’on les filme en gros plans qu’ils deviennent proches de nous), contrits par des micro-séquences de dialogues, un montage évasif et un jazz anesthésiant, qui rendent toute identification impossible. Même Carano, un rêve de cinéaste devenu réalité, puisque combinant, comme Angelina Jolie, un indéniable charme et des courbes féminines à une détermination dans le regard et une carrure intimidante, ne parvient pas à s’imposer autrement que dans les combats, comme mise en sommeil par la réalisation pataude et m’as-tu-vu du volatile metteur en scène.

Filmer l’action autrement

Mauvaise idée de rendez-vous numéro 2 : proposer une balade romantique sur la plage.

On ne crachera pas dans la soupe malgré tout : la froideur du long-métrage donne un impact étrange à ces fameuses scènes de castagne et de fusillade, filmées avec un détachement inhabituel dans le genre, particulièrement lors du passage à Dublin, vrai morceau de bravoure tourné en décors réels. Mais le scénario (bateau, on le répète), le crescendo robotique de l’histoire d’un sous-fifre à un autre, l’absence véritable de surprises et de « vie » empêchent Piégée d’être autre chose qu’une amusante expérimentation, un film d’action trop conscient d’être différent pour justement se singulariser véritablement.

Gina, elle, a une sacrée présence martiale et un minois parfait pour s’imposer dans le genre (on la verra d’ailleurs dans le prochain Fast & Furious). Aussi photogénique en treillis de camouflage qu’en hauts talons et robe de soirée, on a pas fini d’entendre parler d’elle, contrairement à ce Haywire qui ne lui rend pas entièrement justice.


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Deuxsurcinq
Piégée (Haywire)
De Steven Soderbergh
2011 / USA / 100 minutes
Avec Gina Carano, Ewan McGregor, Channing Tatum
Sorti le 11 juillet 2011
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