Terrified : terrifiés ? Pas tant que ça… (PIFFF 2018)

par | 7 décembre 2018

L’Argentine s’invite à son tour dans le genre du film d’angoisse qui tâche, avec ce Terrified pas subtil pour un sou, obsédé par l’idée de vous effrayer

Il est toujours excitant de voir émerger de nouvelles « vagues » de films de genre venant de pays peu habitués à s’aventurer sur ce terrain commercial. L’Amérique du Sud, dans toute sa diversité, figure notamment parmi ces parties du monde d’où émergent, de festival en festival, de plus en plus de productions fantastiques, SF et horrifiques. L’Argentine en particulier, malgré une économie en crise, est devenue un pourvoyeur notable de films de genre, plus ou moins réussis, plus ou moins « riches » aussi. Aterrados, ou Terrified en VO, fait partie de longs-métrages signés par un réalisateur, Demián Rugna, qui semble avoir consciencieusement révisé ses classiques. Spectres à la J-Horror, fantastique à l’espagnole, shock horror à l’américaine : Terrified est un pot-pourri de ce qui marche le mieux depuis vingt ans, et rien que pour la générosité du résultat, on peut être tenté de saluer l’effort du cinéaste.

Le film ne perd pas de temps pour instaurer à tout prix une ambiance faisant honneur à son titre : dans la maison de banlieue d’un jeune couple, madame entend de drôles de voix au fond de l’évier. Le mari, compréhensif, mais impuissant, se relève ensuite au milieu de la nuit en entendant des bruits sourds. Ce n’est pas le voisin qui monte un meuble, mais sa chère et tendre, manipulée dans la salle de bain par une force invisible. Merci Wes Craven, et bienvenue dans Terrified ! Histoire de justifier cette entame brutale et sanglante, qui signale déjà le niveau technique très correct (effets spéciaux, sound design et maquillages) de cette petite production, Rugna déploie son récit sur plusieurs temporalités et maisons du même quartier. L’endroit semble être la proie de forces surnaturelles qui, spoiler alert, ne nous veulent que du mal. La mort brusque d’un enfant, et un clin d’œil furtif à Halloweense chargera de nous rappeler, musique angoissante poussée à 11 en sus, qu’on est pas pour rigoler.

Flippe à tout prix

À partir du moment où Terrified fait entrer en scène un trio d’enquêteurs du paranormal détenteurs de la carte Vermeil, le film s’installe sur des rails encore plus évidents pour le connaisseur. En même temps que les effluves de Poltergeist et Insidious (LA référence majeure de Rugna, à n’en pas douter, même si ses « créatures » lorgnent esthétiquement plus sur Brian Yuzna et Rob Zombie) nous parviennent, de plus en plus fortes, le scénario commence à montrer lui ses limites. L’évidence est là : en confectionnant son tour de montagnes russes, Rugna a tout sacrifié aux jump scares et à son show prosthético-numérique. Les personnages sont à peine esquissés et multiplient les décisions incompréhensibles, le script abandonne certains d’entre eux en cours de route sans explication (on pense au pauvre Walter), et le film justifie à peine l’existence de ce déferlement d’angoisse, via de fumeuses théories sur les réalités alternatives. De manière générale, le troisième acte est largement plus faible que tout ce qui précède.

Le film recèle malgré tout de bonnes idées mal exploitées, comme ce personnage de flic à moitié sourd et paralysé physiquement par la peur, ou ce jeu sur la perception visuelle et auditive de l’environnement. Des idées qui ont sûrement tapé dans l’œil de Guillermo del Toro, lequel s’est chargé d’annoncer récemment la production un remake anglo-saxon. Pour une fois, on est très curieux de savoir si Hollywood pourra améliorer cette série B à la fois rentre-dans-le-lard et frustrante, qui rachète en partie ses errances et son manque d’originalité par sa nervosité et une méchanceté rare dans le genre.