Sélectionné entre autres au dernier Étrange Festival, The Visit, une rencontre extraterrestre n’est donc pas à confondre avec le récent film à suspense de M. Night Shyamalan. Son réalisateur, le Danois Michael Madsen, n’a rien à voir non plus avec l’acteur culte de Reservoir Dogs. Derrière ces homonymies malencontreuses, se cache le nouvel opus d’un artiste habitué à traiter des sujets foisonnants et surprenants, comme le traitement des déchets nucléaires dans Into Eternity. Son nouvel opus intrigue tout autant, mais il titille aussi notre capacité à l’imagination. Tout comme Steven Spielberg, Madsen s’est posé la question de la représentation d’une rencontre du troisième type. « Et si », demande-t-il le plus sérieusement du monde. Et si un jour, comme dans le classique de 1977, ou même dans Mars Attacks !, des extraterrestres débarquaient sur Terre, au lieu de survoler bêtement les campagnes reculées du Midwest ? Qui les accueillerait ? Quel protocole serait déclenché par les nations du monde entier ? Comment tenterions-nous de communiquer avec eux, une fois passé le choc d’apprendre que nous ne sommes pas seuls dans l’espace ?

Alien y es-tu ?

The Visit, une rencontre extraterrestre : les pieds sur Terre

La force de The Visit, qui se présente à la fois comme un documentaire parfaitement sérieux et une tentative très arty de représenter le théorique sous une forme hypnotique, est de triturer ces questions on ne peut plus terre-à-terre avec la patience d’un moine, sans jamais dévier d’un ton mi-alarmiste, mi-scientifique. L’entame du film s’avère à la hauteur du potentiel tout de même assez ludique du projet : Madsen se rend ainsi au Bureau des affaires spatiales de l’ONU, pour découvrir les différents scénarii existants en cas de premier contact. Et oui, il existe bien un plan, très théorique, relatif à ce genre de situations !

[quote_left] »Michael Madsen emballe sa réflexion dans une esthétique de SF minimaliste peu convaincante. »[/quote_left] La suite est tout aussi pertinente, la parole étant successivement donnée à la Nasa, l’armée US, ou des professionnels de la communication de crise à Londres, qui tentent d’imaginer la façon dont les autorités devraient communiquer avec le public – comment éviter les mouvements de panique ? -, ou de se figurer le déroulement d’une visite… d’un vaisseau extraterrestre. La vérité, au bout du compte, réside dans le fait qu’il est impossible de donner forme et contenance à l’inconnu. La vie extraterrestre est une théorie pure qui ne peut être illustrée que par la fiction, qui a eu maintes fois l’occasion de dérouler son propre scénario (souvent apocalyptique) d’un choc des civilisations à l’échelle sidérale.

Vers l’ennui et au-delà

The Visit, une rencontre extraterrestre : les pieds sur Terre

La puissance du propos n’empêche pourtant pas The Visit de s’avérer frustrant. Se faisant documentariste autant que plasticien, Michael Madsen emballe sa réflexion dans une esthétique de science-fiction minimaliste pas très convaincante, usant et abusant de ralentis existentiels sur notre monde contemporain pour relier entre elles ses interviews, qui finissent inévitablement par tirer en longueur. L’écriture d’un hypothétique communiqué de presse et la visite « mentale » faite par un astronaute dans un décor d’installation contemporaine à la Kubrick, en particulier, font partie de ces séquences qui s’étirent au-delà du raisonnable. Des moments qui font regretter que le réalisateur n’ait pas adopté un ton plus distancié, voire, pourquoi pas, ironique, au lieu de rallonger artificiellement la durée d’un documentaire qui se retrouve trop rapidement à court de révélations pertinentes. Car après tout, The Visit ne nous apprend pas grand-chose sur les explorations actuelles du cosmos, ou sur les découvertes d’exoplanètes susceptibles d’abriter des espèces vivantes, à l’autre bout de la galaxie.

Surtout, le film demeure en dehors de ses innombrables plans de coupe une expérience en vase clos, qui laisse penser que le plus grand événement que puisse connaître l’humanité serait dans les faits l’affaire de quelques ronds de cuir penchés sur leurs protocoles de sécurité et leurs éléments de langage. Tout juste entend-t-on le classique Space Oddity pour apporter un peu d’apesanteur à l’atmosphère confinée de The Visit. Une perspective guère excitante pour ceux qui passent leur temps la tête dans les étoiles, et qui auraient une vision un peu plus poétique de l’arrivée de petits hommes verts sur Terre.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Deux sur cinq

The Visit : une rencontre extraterrestre
De Michael Madsen
2015 / Danemark – Norvège / 83 minutes
Sortie le 4 novembre 2015
[/styled_box]