Le succès des adaptations modernes de contes de fée de se dément pas. La série Once upon a time, qui peine pourtant à trouver un second souffle, le prouve. Après Chicago et Nine, Rob Marshall s’empare maintenant d’un autre succès de Broadway, Into the woods. Cette comédie musicale, signée James Lapine et Stephen Sondheim (Sweeney Todd), remplit les salles de théâtre new-yorkais depuis 1986. L’intrigue réunit de multiples héros de notre enfance dans une quête contemporaine aux multiples niveaux de lecture. Ainsi, Cendrillon (Ana Kendrick) côtoie le petit chaperon rouge (Lila Crawford), Jack et son haricot magique et même Raiponce. Les personnages principaux de cette histoire n’ont toutefois aucun pouvoir particulier : un boulanger et de sa femme (James Corden et Emily Blunt) ne parviennent pas à avoir d’enfant depuis qu’une méchante sorcière (Meryl Streep) leur a jeté un sort. Tout ce beau monde se retrouve dans la forêt pour poursuivre une aventure prédéfinie. Mais leurs destins personnels s’uniront pour combattre le mal.

De bonnes bases

Into the wood : promenons-nous sur Broadway

La force de ce récit repose sur sa structure complexe et cohérente. La première partie s’attache à décrire des personnages centrés sur eux-mêmes, dans un univers naïf qui n’est pas sans rappeler les films de Disney. Les princesses cherchent leur prince, les princes leur princesse et le Petit Chaperon rouge sa Mère-Grand. La seconde partie, en revanche, qui semble la plus pertinente, présente un univers plus sombre et plus glauque, et casse les codes établis. Chaque personnage s’implique dans l’aventure collective et s’émancipe de ses origines. Les princes se révèlent d’affreux goujats, les princesses ne veulent plus l’être et le Chaperon perd son aînée. En ce sens, Into the woods fait figure de récit d’apprentissage, se permettant de tuer ses personnages principaux tout en laissant la perversité prendre parfois le dessus.

[quote_center] »Les chansons n’apportent satisfaction que lorsqu’elles s’achèvent enfin. »[/quote_center]

Pour illustrer cet univers féerique, Into the woods se dote d’une photographie éblouissante avec un sens du détail néo-réaliste poussé à l’extrême. En fonction de l’avancée de l’histoire, les variations de lumière donnent à voir de manière très habile les intentions de chaque scène. Le bois, personnage à part entière dans cette fiction, s’anime avec un sens artistique très fin. L’humour décalé ajoute une touche de charme aux différentes intrigues, comme la volonté affichée du petit Chaperon rouge de profiter au maximum de la générosité du couple de boulangers. L’affrontement entre les deux princes pour savoir, entre ces deux êtres d’une grande préciosité, qui la plus forte dose de charme prête aussi à sourire, malgré l’aspect dramatique de cette scène.

Un musical qui sent le sapin

Into the wood : promenons-nous sur Broadway

La qualité de l’interprétation de ce casting trois étoiles s’avère discutable. James Corden et, surtout, Emily Blunt forment un couple harmonieux et impliqué. Au contraire de Johnny Depp, qui apparaît peu dans le film, sous la fourrure du Grand méchant loup. Son interprétation ambiguë laisse une désagréable sensation malsaine, que renforce un accoutrement foncièrement ridicule. À trop en faire, le jeu hystérique de Meryl Streep, inexplicablement nommée aux Oscars pour ce rôle, finit par lasser. Les chansons, qui se veulent le cœur du film auraient grandement mérité un grand coup de ciseaux au montage, malgré qu’elles soient directement tirées du livret de Sondheim. Dépourvues totalement de voix charismatiques (seule une partie du casting s’en tire plutôt bien), de refrains entraînants ou de mélodies mémorables, construites sur les mêmes crescendos répétitifs et interminables, elles n’apportent satisfaction que lorsqu’elles s’achèvent enfin.

Si la première partie d’Into the woods bénéficie d’un rythme impeccable et égal, le deuxième acte semble artificiellement allongé, comme si un deuxième film commençait. Rob Marshall place des scènes inutiles et laisse des questions sans réponse. La fin de la Méchante Sorcière illustre parfaitement le problème d’incohérences scénaristiques du film. Cette deuxième partie souffre d’un manque de maîtrise général, laissant les acteurs cabotiner en roue libre, se dépatouiller avec un montage lourd et atone, des blagues parfois de mauvais goût et quelques effets spéciaux assez hideux. Finalement, après l’affront commis à Victor Hugo avec Les Misérables, la démarche d’Into the woods laisse à penser que ce gigantesque pot-pourri, composé pêle-mêle, d’univers merveilleux figé et aseptisé, de stars qui cachetonnent et de télé-crochet fade, n’est qu’une énième tentative de recyclage commercial de la part de Disney.


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Into the woods, promenons-nous dans les bois
De Rob Marshall
2015 / États-Unis / 124 minutes
Avec Meryl Streep, James Corden, Emily Blunt
Sortie le 28 janvier 2015
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Crédits photos : © Walt Disney Pictures