Pendant que tout le monde s’extasie sur l’ampleur du succès actuel de Deadpool, qui prouve que sous n’importe quelle forme, le film de super-héros demeure une valeur sûre du cinéma américain, un autre film affole les compteurs de l’autre côté du globe. En Chine, plus précisément : The Mermaid, fable éco-romantique et fantastique sur une sirène ayant pour mission de contrer les plans d’un magnat du tourisme, est devenu depuis sa sortie le plus gros succès local de l’histoire, avec déjà plus de 450 millions de dollars de recettes. Le film marque le retour au premier plan de Stephen Chow, roi de la comédie non-sensique venu de Hong-Kong, que les spectateurs français connaissent bien pour son doublé Shaolin Soccer / Crazy Kung-Fu, sortis avec succès à grande échelle, pendant les années 2000. The Mermaid, visiblement toujours aussi barré, et peut-être plus bon enfant (dans la lignée de son CJ7, donc, sorti lui directement en vidéo), a créé l’événement durant le traditionnel nouvel An chinois, période propice aux productions à gros budget. Au box-office, il est venu succéder à un autre représentant du cinéma asiatique, Monster Hunt (2015).
Bien que ces deux longs-métrages, familiaux et spectaculaires, ne représentent que la face émergée d’une cinématographie en pleine ébullition (le nombre d’écrans, comme de spectateurs, est en croissance exponentielle en Chine), ils ont tout aussi peu de chance de trouver un jour le chemin de nos écrans, petits ou grands, que le reste de la production. L’Asie, après avoir bénéficié d’un large gain d’attention dans les années 90 et 2000, grâce à l’arrivée d’éditeurs vidéo passionnés et le suivi de certains auteurs-clés par des distributeurs avisés, est en train, peu à peu, de disparaître purement et simplement du paysage culturel français. Je suis alarmiste ? Ok, certes, ce qu’on peut appeler la case du film d’auteur, dès lors que son réalisateur a été sélectionné à Cannes, par exemple, demeure encore inviolée. Voir en 2015 les derniers films en date des japonais Kore-Eda Hirokazu (Notre petite soeur) et Kiyoshi Kurosawa (Vers l’autre rive), du Coréen Hong Sang-Soo (Hill of Freedom), ou du Chinois Jia Zhang-Ke (Au-delà des montagnes), n’était pas si compliqué. Le film d’animation nippon, lui aussi, bénéficie parfois de traitements de faveur, comme avec Le garçon et la bête, co-produit par Gaumont, et distribué sur une combinaison importante de salles.
Mais même ces sorties, sorte de passages obligés pour des noms prestigieux et « acceptés », se font rares sous nos latitudes. Le Grand Prix récolté à Gérardmer par Miss Zombie (en 2014 !), du japonais Sabu, n’a provoqué l’envie chez aucun acheteur francophone. Les bides salles de The Raid ou de La Bataille de la montagne du tigre de Tsui Hark, lancés à grand renfort de promotion à l’approche de l’été, ou dans une moindre mesure de Hard Day et Sea Fog, ont calmé les ardeurs de ceux qui voulaient promouvoir autre chose que des films à palme. L’Asie, sur grand écran, ne fait tout simplement pas assez recette, parce que le public a peur de ne pas comprendre ses codes, son rythme, même l’histoire. Ou juste de ne pas aimer un film entièrement peuplé d’asiatiques – car, oui, le Français moyen est un tout petit peu raciste à l’intérieur lorsqu’il s’agit d’Orient.
Qu’importe ! Jusqu’à présent, ce manque était comblé par le marché de la vidéo, qui permettait de suivre pas à pas la carrière de petits génies comme Ryoo Seung-Wan (Crying Fist, The Agent) ou Hitoshi Matsumoto (Symbol, Saya Samurai), et de rattraper l’essentiel de la filmo de Johnnie To, Sono Sion, Takeshi Kitano ou Takashi Miike. Mais, car il y a un mais beaucoup plus préoccupant, là aussi, le calendrier des sorties, dématérialisées ou physiques, laisse apparaître une même tendance : l’effacement progressif des films asiatiques de la carte de la VOD et du DVD. Si vous voulez voir, dans de bonnes conditions et légalement, Veteran, R100, Office, TAG, Ryuzo & the seven henchmen ou encore Lesson of Evil, pour reprendre les derniers titres des auteurs ci-dessus, il faudra vous armer de patience. « Bah oui, mais c’est normal, ça intéresse pas grand-monde ces films-là », lancera à la volée l’observateur non informé (avec une pointe de condescendance dans le « là »). Là-dessus, n’importe quel organisateur de festival spécialisé vous le dira, c’est faux : le grand public n’est certes pas la cible privilégiée pour les projections de films venus du Japon, de Thaïlande ou de Corée du Sud. Mais la niche cinéphile qui elle ne comprend pas le terme « frontières » les attend souvent de pied ferme, ces « films-là ». Et pas seulement en festival ! Lorsqu’on voit que pour 2016, les sorties asiatiques en DTV se limitent pour l’instant à un Chen Kaige raté (Sacrifice), au dernier Jackie Chan (avec des stars américaines comme John Cusack, ce qui explique peut-être qu’il ne soit pas resté inédit comme le précédent) et au troisième Ip Man, il y a de quoi être inquiet. Va-t-on devoir se tourner à nouveau et pour de bon vers le marché vidéo de l’import pour prendre des nouvelles d’un continent pourtant si passionnant ?
Amen to that. À tout. Dddhouse (qui n’a pas changé d’un pouce depuis le temps. Pas la moindre évolution graphique), nous revoilà !
DDDHouse et Hivizone…. Chers lecteurs, si vous voulez vous procurer des films asiatiques (sous-titrés anglais, attention) avant tout le monde, légalement et pour peu d’euros – ça dépend du taux de change – ces sites feront votre bonheur !
Plusieurs petits points à nuancer:
il est vrai, que le cinéma asiatique n’a plus le vent en poupe comme au début / milieu des années 2000, la faute notamment à un bon gros succès asiatique par chez nous, là où 15 ans en arrière on a enchaîné des succès comme IN THE MOOD FOR LOVE, TIGRES ET DRAGONS et ONG BAK.
THE RAID a été un succès relatif en salles, sachant qu’il a écopé d’une interdiction aux moins de 16 ans – les chiffres de vente DVD du 1 (et du 2, d’ailleurs) ont été très positifs.
Il y a toujours une 50aine de sorties de films asiatiques au cinéma, malheureusement souvent dans une ou deux salles seulement à la capitale et pas toujours suivi d’une sortie DVD; m’enfin ça reste 50 x plus important qu’en UK ou Allemagne tout de même. Le dernier Jia Zhang-ke, Kore-eda Hirokazu et Naomi Kawase sont des vrais succès – même si l’on est loin des chiffres des PROFS 2 et des TUCHE, ils ont largement dépassé les 100.000 spectateurs, très bons pour du ciné indé hors Europe et USA.
Côté DVD on en est encore largement au-délà des 100 films – et il y a bien plus de DVDs de films asiatiques que les seuls cités.
Enfin, le Festival International des Cinémas d’Asie de VESOUL n’aura jamais autant attiré les foules avec plus de 30.000 spectateurs dans une ville de 15.000 habitants – donc l’intérêt est toujours bien réel.
Donc OUI, perso, je galère bcp plus qu’il y a 15 ans à écrire dans la presse, sortir des bouquins et prêcher la bonne parole sur des sites Internet, autant je n’ai jamais fait autant d’interventions en salles / festivals et suis très optimiste sur la progression constante du Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul.
Après, ces sorties constituent une goutte d’eau face au 1.200 films indiens, 1000 +++ films chinois, 400 films japonais, 120 films coréens, 110 films indonésiens etc etc etc à sortir chaque année.
Comme je l’indique dans l’article, il est clair que l’intérêt des spectateurs pour le cinéma asiatique n’a pas faibli, les festivals, les cycles et séances spéciales le prouvent. Ce qui a changé, c’est l’intérêt des distributeurs pour ces cinématographies, qui sont jugées selon eux peu rentables. Lorsque je parle de sorties en DVD de films asiatiques en 2016, je ne parle que des purs inédits : les films sortis en salles, comme le dernier Kawase, qui arrivent ensuite en vidéo, ou les rééditions HD de Kurosawa ne rentrent pas en compte. Depuis que j’ai fait le compte, un seul autre film inédit, chinois, a fait son apparition sur les plannings : Ocean Heaven, avec Jet Li. Le paradoxe, c’est qu’aujourd’hui, même si l’on parle bien d’un circuit réduit de salles, il y a plus de films indiens qui sortent chaque mois que pour le reste du continent asiatique. Ça n’est pas une impression, c’est un fait – et je crois qu’à ce niveau, nous sommes pas mal battus par le marché anglais, qui se charge lui d’éditer un bon paquet de films, notamment chinois et japonais, que l’on ne peut se procurer ailleurs en Z2.
Superbe article dont je plussoie chaque titre. Tu peux rajouter le fabuleux The Tiger sorti en 2015 face à Star Wars 7 et qui a tenu le choc au vu de ses qualités. Et il a fait une très grosse impression en France lors du festival Coréen a paris en Octobre dernier, lui et The Tunnel et c’est le second qui seras distribué. Et parlons-en des sorties DTV/DVD, avec la version au rabais de the Admiral.
Niveau timing, on va dire que le bilan 2016 des sorties asiatiques est en demi-teinte. J’ai rarement vu perso autant de films sud-coréens sur grand écran à la suite. Et effectivement, on sait déjà qu’on en verra un autre en 2017 – Tunnel.
Mais le constat demeure tout de même : il faut s’armer d’une sacrée patience si l’on veut voir dans de bonnes conditions les films asiatiques récents en France. Coréens, mais aussi Chinois, Japonais, et encore plus Thaïlandais et Indonésiens.