Indubitablement, le succès des films d’Apatow a ouvert la porte ces dernières années à nombre d’enfants illégitimes, surfant sur le succès de 40 ans, toujours puceau, En cloque mode d’emploi ou Supergrave pour imposer un ton (potache, cru et mélancolique à la fois), des thèmes (l’amitié indéfectible qui unit les hommes-enfants) et des motifs essentiels (la beuh, les filles à poil, les jeux vidéo). Alors qu’une partie de l’école du rire US pourrait se résumer à la « mafia Ben Stiller », la « mafia Apatow » a elle aussi la main mise sur le genre comique à Hollywood. Parmi ses têtes de liste, on retrouve bien entendu Seth Rogen, qui a joué dans tous les succès ci-dessous, ainsi que son pote d’écriture Evan Goldberg. Les deux acolytes ont décidé, après leur triste mésaventure au pays des super-héros (Green Hornet, remember ?), ont décidé de mettre eux-mêmes la main à la pâte en signant leur première réalisation. Et quoi de mieux pour débuter cette partie de la carrière qu’une comédie s’intitulant C’est la fin.

[quote_left] »Un concours de b**es entre adeptes de l’improvisation outrancière, des séquences entières de gags pas drôles s’enchaînant dans une atmosphère un poil trop visible d’autosatisfaction. »[/quote_left]Le principe du film, s’il rappelle en surface le très récent Dernier pub avant la fin du monde d’Edgar Wright, a toutefois des ambitions beaucoup plus modestes : Rogen et Goldberg, qui adaptent là en format long l’histoire de leur court Jay & Seth versus the Apocalypse, mettent bel et bien une scène une fin du monde dans les règles (la Bible est largement citée, comme une sorte de mode d’emploi), mais réduite à sa plus simple expression : la maison « désignée par ses propres soins » de James Franco, qui a choisi le mauvais jour pour inaugurer avec le tout-Hollywood sa nouvelle demeure. Dans C’est la fin, les membres de la « mafia Apatow » choisissent tout simplement de mettre en scène une version dégénérée de leur propre personnalité, confrontée à la fin des temps en pleine beuverie. Un peu comme si The Player se voyait remixé à la sauce Projet X avec des démons cornus et des tremblements de terre en bonus. Forcément, le début du film accumule les caméos, de Rihanna à un Michael Cera presque gênant de veulerie, mais tout ce petit monde périt bien vite pour laisser la place aux six fêtards rescapés retranchés dans la maison. Rogen (qui joue très bien Seth Rogen), son « nouvel ami » James Franco (qui s’auto-parodie en amateur d’art pédant), Jay Baruchel (qui prend intelligemment le rôle de l’homme de raison propulsé dans un beau bordel), Jonah Hill (assez incroyable en monstre d’égocentrisme fielleux et hypocrite), Craig Robinson et Danny McBride (fidèle à sa routine de « gros connard » qui se retrouve du coup isolé) sont au bout de vingt minutes livrés à eux-mêmes. C’est la fin prend alors la forme d’un huis-clos comique se transformant vite en cadavre exquis, au fur et à mesure que l’on comprend où tout cela nous mène : nulle part.

Blagues de stars

C’est la fin : apocalypse à Hollywood

Le tandem aux manettes de cette pochade sait malgré tout conserver un certain sens de l’atmosphère propre à son sujet fantastique (les rares séquences en dehors de la maison se révèlent raisonnablement spectaculaires, bâtissant un monde post-apocalyptique crédible mis en valeur par les jeux de lumières tamisées de Brandon Trost – chef op’ fétiche de Rob Zombie). Le scénario se permet aussi de relancer efficacement la machine, avec l’apparition savoureuse d’Emma Watson ou « L’exorcisme de Jonah Hill » (!). Mais souvent, trop souvent, C’est la fin se résume à un concours de b**es entre adeptes de l’improvisation outrancière, des séquences entières de gags pas drôles s’enchaînant dans une atmosphère un poil trop visible d’autosatisfaction. Chacun pourra apprécier les piques que les acteurs envoient à leur propre filmographie (Votre Majesté, où jouait une bonne partie de la bande, en prend notamment plein la tronche, et on ne compte plus les références lancées au détour d’une réplique à Spider-Man 3, Délire Express, Freaks & Geeks ou même Le Stratège) ou les références culturelles assumées par Baruchel et Rogen (les Backstreet Boys ??). Et de manière générale, le côté stoner movie, donc décousu, ultra vulgos et inconséquent, ne surprendra pas les connaisseurs.

C’est la fin n’a rien d’une comédie sophistiquée à la Tropic Thunder : il s’agit d’une grosse blague étirée sur 90 minutes, qui a pour armes principales un name-dropping incessant et un camion de répliques crasses en stock, assénées par une bande de copains qui a décidé de se foutre d’elle-même en toute connaissance de cause. Les qualités de la chose dépendront de votre envie de rire avec eux… ou non.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]

Deuxsurcinq
C’est la fin (This is the end) de Seth Rogen et Evan Goldberg
USA / 2013 / 93 minutes
Avec Seth Rogen, Jay Baruchel, James Franco
Sortie le 9 octobre
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