Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans… Si vous aussi vous arpentiez les allées des vidéoclubs le samedi soir à la recherche de la perle rare, d’un film capable de plaire aussi bien aux parents qu’au petit frère et sans endormir le tonton de passage, Rewind This ne vous laissera pas indifférent. La fameuse VHS, enterrée depuis longtemps, bouge encore. La preuve avec cette grande story nostalgique signée Josh Johnson (à ne pas confondre avec le quaterback du même nom).

Une véritable révolution

Étrange Festival - Rewind this : analogique power

Rembobinons ensemble vers les années 70. Une bande magnétique divise deux entrepreneurs nippons. Le premier, Sony, lance le Betamax, un format de pellicule miniaturisé permettant d’enregistrer des programmes télévisés. Désormais, les rendez-vous quotidiens se commandent, plus besoin de respecter les horaires. Peu de temps après, JVC défie Sony avec la Vertical Helical Scan, autrement dit la VHS. De moins bonne qualité, mais dotée d’une capacité d’enregistrement plus longue, elle remporte la bataille de la vidéo domestique sur Sony. Une véritable révolution se met en marche. Un entrepreneur visionnaire vient frapper à la porte des studios pour leur proposer de copier sur VHS leurs films. D’abord réticents, ces derniers acceptent et la K7 devient une mine d’or. Une aubaine pour les boutiques, les diffuseurs et les studios qui voient partir les cassettes comme des petits pains.

Rewind this montre bien à quel point la VHS a permis de sortir n’importe quoi : du film de genre, ignoré des salles obscures et placé sous le radar de censure de la télévision, aux cours de gym en passant par le livret explicatif de Windows 95 présenté par Jennifer Aniston et Matthew Perry, période Friends. Le documentaire ne se prive pas de montrer ces jaquettes kitsch et cultes qui truffent, telles des pépites poussiéreuses, les étagères des collectionneurs. Bien avant les direct-to-dvd, un véritable cinéma alternatif se monte avec des studios, des acteurs et des équipes spécialement dédiées aux vidéos-clubs. La productrice Cassandra Peterson, dont le personnage gothique Elvira a fait le bonheur des vidéos-clubs dans les années 80, le reconnaît : « Jamais je n’aurais pu faire carrière sans la vidéo. »

Lorsqu’il est alors question de louer les fameuses K7, cette fois-ci les producteurs toussent. Mais rien ne peut arrêter la machine analogique qui poursuit son chemin à une folle vitesse. Les premiers enregistrements se passent sous le manteau avec une pointe d’excitation. Martin Winckler, notre « Docteur séries » national raconte dans son excellent Petit éloge des séries TV comment une amie américaine lui envoyait religieusement, deux fois par an, un colis contenant des cassettes de séries diffusées sur les écrans américains pour qu’il puisse profiter lui, pauvre frenchy, de séries passionnantes. La VHS a rendu possible le partage du savoir, de la culture et de la connaissance, avant même que les ayant-droits ne le réalisent.

Grâce à la cassette, il devient également facile de produire ses propres films, sans posséder un matériel important. Des apprentis cinéastes se lancent des réalisations improbables à tout âge. Films de vacances, jeux d’enfants ou d’adolescents ou encore passion d’une vie, la caméra analogique fait fureur. La VHS est également le théâtre de tous les excès. Directement responsable du boom du cinéma porno, elle tire son épingle du jeu en proposant des films de charme à regarder directement chez soi, sans passer par des salles X, qui logiquement disparaissent les unes après les autres.

La fin d’une époque

Étrange Festival - Rewind this : analogique power

[quote_right] »La VHS a rendu possible le partage du savoir, de la culture et de la connaissance, avant même que les ayant-droits ne le réalisent. »[/quote_right]Une révolution chassant l’autre, le DVD conservera sa supériorité bien moins longtemps. Ce format unique au monde reste immortel aux yeux des nombreux fansboys pour avoir enfanté des objets de désir aux jaquettes improbables et souvent irregardables, si tant est que nous ayons même conservé un magnétoscope. Des perles rares disparaissent chaque jour faute de réédition numérique. Le fameux rembobinage (recommandé sur chaque K7 de location et immortalisé via Michel Gondry : « soyez sympas, rembobinez ») ne sera jamais aussi précis sur un disque numérique que sur une VHS. Il suffit de tenter l’expérience avec un DVD pour regretter instantanément ce système bien plus simple et efficace. Un rembobinage qui marque l’histoire de chaque cassette et témoigne de ses précédents visionnages. Il rend chaque exemplaire unique jusqu’à rendre certaines scènes (en particulier, hum, les scènes dénudées) indéchiffrables.

Aujourd’hui ? La VOD coûte bien trop cher, la dématérialisation rend impossible toute tentative de collection, votre vidéoclub a fermé ses portes depuis bien des années, le premier péquin venu filme sa vie avec son téléphone portable pour la mettre sur YouTube, mais qu’importe ! Offrez-vous, le temps de ce documentaire drôle et instructif, un petit retour en arrière. Arpentez les vides-greniers en compagnie de ce collectionneur émérite en espérant comme lui ne pas tomber sur énième édition de Titanic. Décorez votre intérieur avec cette jeune femme qui classe sa collection par couleurs, histoire de retrouver ses titres plus facilement ou ce jeune accro de la vidéocassette qui préfère le classement alphabétique. Montez également dans le « grenier de l’horreur » où sont recensés des centaines de catégories de films de genre en VHS. Cinéastes cultes, gentils barjots ou simples quidams, toujours attachants, ils nous rappellent notre histoire commune et soulignent avec justesse ce que le progrès nous a fait également perdre.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]

Rewind this, de Josh Johnson
USA / 2013 / 90 minutes
Avec Atom Egoyan, Mamoru Oshii, Frank Henenlotter
Sortie prochainement

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