Le retour en tête d’affiche de Salma Hayek pour un film d’action comme Everly a pour principal effet de ramener une bonne partie des cinéphiles en arrière, en 1995 plus précisément, date à laquelle le monde avait découvert la Mexicaine incendiaire dans le Desperado de Robert Rodriguez. Sexy en diable et très crédible en femme d’action, Salma Hayek a ensuite eu de nombreuses occasions de parfaire sa réputation d’amoureuse du film de genre, avec Une nuit en enfer, The Faculty ou, hem, Bandidas. Même si elle n’était pas la première actrice pressentie pour le rôle-titre d’Everly (Kate Hudson avait d’abord été approchée, ce qui aurait donné un tout autre résultat), l’actrice s’est emparée du rôle avec une énergie contagieuse, transformant un pur film d’exploitation pas haut de plafond en one-woman show parfois irrésistible.

[quote_center] »Elle sort donc son calibre des toilettes et décide de tirer dans le tas. »[/quote_center]

Aux commandes d’Everly, on retrouve Joe Lynch, modeste artisan et fan d’horreur proclamé, qui s’était déjà fait remarquer avec Détour Mortel 2 et le « problématique » (au sens où il a été dépossédé de son film) Knights of Badassdom, tentative pas vraiment convaincante d’aborder l’univers des jeux de rôle grandeur nature sous l’angle de la comédie horrifique. Inspiré sans aucun doute par le cinéma « extrême » asiatique et japonais en particulier, par l’école tarantinienne (violence décomplexée et cartoonesque, décalages musicaux constants, dialogues cyniques…), les productions de Luc Besson (eh oui…) et le carnage en huis-clos de The Raid, le réalisateur propose de nous enfermer pendant 90 minutes en quasi-temps réel dans un appartement avec Salma Hayek et une horde de figurants prêts à tout pour lui faire la peau. L’idée tient la route à l’écran, mais tout juste.

Délire régressif pour public averti

Everly : nuit d’enfer avec Salma (BIFFF 2015)

Le prologue sur fond noir, qui n’est que cris de douleur, nous renseigne en quelques secondes sur le calvaire vécu par Everly, qui nous apparaît la seconde d’après nue (plein cadre, mais en contre-plongée totale, ce qui est à la fois discret et voyeuriste) dans sa salle de bain, au bout du rouleau. C’est Noël, et Everly en a assez d’être une esclave sexuelle emprisonnée par un clan de yakuzas. La police lui a promis une protection si elle témoigne. Elle sort donc son calibre des toilettes et décide de tirer dans le tas, dans l’espoir sans doute fou de revoir sa fille, qu’elle n’a pas pu voir depuis quatre ans. Seulement, son boss et ex Taiko ne l’entend pas de cette oreille : il lui promet qu’elle ne sortira pas d’ici vivante…

Les 10 premières minutes d’Everly, qui plongent directement le spectateur dans l’action en lui laissant tout juste assez d’espaces de respirations pour assembler les morceaux de l’intrigue (qui n’a rien de complexe, ni de vraisemblable soit dit en passant), ont le mérite de servir d’efficace note d’intention. Les cadavres tombent, les poches de sang explosent, la bande-son agresse… Il s’avère, contre toute attente, qu’Everly manie très bien les armes, quelle que soit leur taille, et que contrairement à la majorité des méchants qui l’assaillent, ne manque jamais sa cible. Pourquoi, comment : le voile ne sera jamais totalement levé sur ce personnage principal pour lequel le spectateur ne peut que prendre fait et cause (c’est une femme, c’est une femme abusée, c’est une mère éloignée de sa fille, c’est Salma Hayek, cabron !). Qu’elle alterne entre moments de fragilité et badassitude totale ne fait aucun sens, mais personne n’est là pour gagner un Oscar de la subtilité. Everly est un huis-clos faisant peu de cas de la crédibilité ou même de la logique. Les « collègues » prostituées, les forces de police, les hommes de main peu finauds, un type avec un chien d’attaque nommé Banzaï, et même un sadiste surnommé « Le Sadiste » accompagné de quatre olibrius déguisés en costumes traditionnels japonais débarquent successivement dans l’appartement pour se faire plomber de différentes et imaginatives manières, sans que jamais cette absurde accumulation ne ressemble à quelque chose de logique. C’est du délire, régressif, référencé et pensé exclusivement pour le plaisir d’un public averti.

L’action au féminin

Everly : nuit d’enfer avec Salma (BIFFF 2015)

Dans ce festival de clichés exacerbés, de violence gratuite et d’effusions goresques (car oui, l’approche de la violence penche ici plutôt vers l’univers du torture porn et des bisseries de Takashi Miike), Salma Hayek occupe donc la place centrale. A 48 ans, elle donne comme rarement de sa personne pour marquer les esprits, et si cela signifie qu’elle doive changer régulièrement de tenues (moulantes ou échancrées au choix) ou participer à un concours impromptu de t-shirt mouillé, tant pis. Lynch élève sa star, à chaque plan, au rang de fantasme geek érotisé par l’action, ce qui n’est jamais aussi évident que lorsqu’elle manie un fusil à pompe pour décimer un ascenseur de vilains ou qu’elle s’excite avec une mitrailleuse automatique sur une façade d’immeuble.

Parce qu’il est foncièrement idiot et complètement dérivatif, le film trébuche souvent lorsqu’il tente d’être plus sérieux, de forcer l’émotion ou de nous faire croire à la relation SM entre Everly et Taiko. De manière étonnante, cette série B devient de moins en moins jouissive au fur et à mesure, butant contre un problème narratif de taille (pourquoi Everly ne tente-t-elle pas coûte que coûte de s’échapper de son appartement ?) et cédant pour le résoudre à la répétition. Au cinquantième assaillant abattu, la fête prend des allures de blague à rallonge, et l’enthousiasme retombe comme un soufflé. Cependant, l’abattage de mama Hayek et l’incongruité générale de l’entreprise, qui semble calibrée pour une niche de spectateurs plutôt réduite, en font une petite curiosité, digérable avec le second degré qui s’impose.


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Troissurcinq
Everly
De Joe Lynch
2015 / USA / 92 minutes
Avec Salma Hayek, Hiroyuki Watanabe, Laura Cepeda
Sortie le 17 juillet 2015 en eCinema
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