Vous la pensiez abandonnée, mais non ! La sélection Pas vu au ciné est bien là, avec son lot de titres inédits en salles, et qui ont fait l’actualité durant le mois de février en Blu-ray, DVD, VOD, location, téléchargement local, sur le canal 113 du bouquet Orange + ou chez un pote à vous. Bref, là encore, des dizaines et des dizaines de films à découvrir, et seulement quelques-uns, le haut du panier si on peut dire, qui fait son chemin vers Born to Watch.

Ce mois-ci, l’heure est à la versatilité, avec des longs-métrages en tous genres et de tous horizons : comédie, action, biopic, arts martiaux, polar ou gros gore qui tache, il y en aura pour tous les goûts. Alors, sans plus tarder, bonne lecture… et bonne chasse !

A serbian film

Un film de Srdjan Spasojevic, avec Srdjan Todorovic, Sergej Trifunovic, Jelena Gavrilovic

Sorti le 2 février – Elephant Films

Genre : éprouvant

Il fallait des cojones pour distribuer en France le sulfureux Serbian Film, qui a bâti sa réputation dès ses premières présentations dans les festivals du monde entier, faisant notamment parler de lui après une projection houleuse au Marché du film de Cannes. Co-écrit et réalisé par Srdjan Spasojevic, c’est un concentré de rage, de sadisme et de violence laissant un goût de cendres persistant dans la bouche. Sous couvert de décrire la situation sociale de la Serbie actuelle, pays traumatisé par la guerre civile, rongé par le banditisme et la corruption (c’est en tout cas comme ça que le film la dépeint), le cinéaste offre une plongée sans retour dans l’univers sordide du porno snuff, un enfer pasolinien caché dans les zones industrielles et les villas cossues de Belgrade. Le héros est une porn-star sur le retour piégé par un producteur siphonné, qui va vivre un cauchemar éveillé, montré plein cadre par une équipe décidée à faire scandale. En bon film d’exploitation, A serbian film accumule les tabous à transgresser, jusqu’à en devenir parfois crétin. Plus étrange est l’extrême soin apporté au découpage, à la photographie et à la musique, en total contraste avec l’ambiance crapoteuse du film, définitivement interdit aux âmes sensibles. À signaler que la version uncut du film (16 minutes en plus, tout de même) est uniquement disponible sur le site de l’éditeur Elephant Films.

Troupes d’élite : l’ennemi intérieur

Un film de José Padilha, avec Wagner Moura, Irandhir Santos, André Ramiro

Sorti le 10 février – Metropolitan

Genre : thriller politique

Passé inaperçu lors de sa timide en salles, Troupes d’élite (ou Tropa de elite en portugais) est pourtant une sacrée réussite, récompensée par l’Ours d’Or au festival de Berlin et plus gros succès de tous les temps dans son pays natal, le Brésil. Fresque ambitieuse sur les gangs des favelas, les fameuses troupes d’élite du BOPE qui les traquent, et les policiers corrompus qui sapent leurs efforts, cet uppercut rageur, qui partage avec La cité de Dieu ce sentiment d’urgence et d’impuissance face au cycle infernal de violence qui ravage des quartiers entiers de Rio, a engendré une séquelle tout aussi impressionnante. On y retrouve le même personnage principal, Nascimento (le charismatique Wagner Moura) passé du rang de capitaine à lieutenant-colonel, qui est confronté cette fois à une menace plus insidieuse que les dealers : les politiciens, corrompus jusqu’au plus haut rang. Le film débute 13 ans après le premier, par une émeute spectaculaire en prison, et garde un rythme soutenu : derrière la caméra, José Padilha est de retour. Le réalisateur avait envie, à l’époque de la sortie du premier opus, de consacrer un film aux manipulations des gouverneurs locaux et au système très organisé de corruption des élites. Ces thèmes s’intègrent tout naturellement dans l’univers du BOPE, ce bataillon d’incorruptibles têtes brûlées auquel les Brésiliens peuvent s’identifier. Troupes d’élite : l’ennemi intérieur a d’ailleurs dépassé son prédécesseur au sommet du box-office lors de sa sortie.

Shaolin

Un film de Benny Chan, avec Andy Lau, Jackie Chan, Nicholas Tse

Sorti le 10 février – Metropolitan

Genre : aventure

Il faut se réjouir de voir désormais les grosses productions asiatiques sortir systématiquement chez nous, et ce même si, dans 90 % des cas, elles passent directement par la case home cinéma. Un an et quelques après sa sortie chinoise, Shaolin se découvre à nous et son casting trois étoiles avec. Andy Lau est le héros « traditionnel » de cette épopée en costumes, un général sans foi ni loi qui va apprendre les vertus du bouddhisme en se réfugiant chez les moines shaolins. Comme Jet Li dans Le maître d’armes, Lau est un belliciste sûr de sa force, qui va prendre le chemin de la rédemption et défendre sa nouvelle communauté contre ses anciens frères d’armes, qui préparent une attaque contre le temple… Rien de bien original, donc, mais en bon artisan, Benny Chan utilise au mieux les (gros) moyens mis à sa disposition, dépeignant avec soin les us et coutumes de ces moines bien connus du 7e art. Personnage secondaire, Jackie Chan endosse la défroque du moine cuistot, contrepoint comique sur mesure ; Nicholas Tse et sa mèche fatale jouent le rôle du traitre auquel Lau va se confronter. Du bon spectacle en somme, comme on aurait aimé en voir sur grand écran…

Restrepo

Un film de Tim Hetherington et Sebastian Junger

Sorti le 15 février – Koba Films

Genre : guerre

Pffff, encore un film sur la guerre en Afghanistan ? Pas vraiment : Restrepo est un documentaire, fruit d’un an de tournage des cameramen Sebastian Junger et Tim Hetherington. Ces derniers ont suivi durant tout ce temps un bataillon des forces armées américaines, dans une des plus dangereuses vallées du secteur. À la manière d’Armadillo, cette vision de la réalité du combat et ce qu’il implique, à l’écran, sur la psyché de ceux qui le mènent, acquiert une dimension presque fantastique. Confrontés à un ennemi quasi invisible, une population méfiante et des moyens logistiques insuffisants (la dite vallée est un passage reculé et pourtant crucial stratégiquement), les soldats sont soumis à un stress nerveux insurmontable, que capte une caméra omniprésente, même au moment où les balles commencent à siffler. Le film tire son nom d’une victime du bataillon, « Doc » Restrepo, que ses frères d’armes ont immortalisé en donnant son nom à leur base. Le résultat est extraordinaire, et a suffi à faire passer ses deux auteurs à la postérité. L’un d’entre eux, Tim Hetherington, est décédé en avril 2011 en couvrant un autre conflit d’actualité, d’où l’on aimerait voir surgir un témoignage aussi fort : la Libye.

Boca

Un film de Flavio Frederico, avec Daniel de Oliveira, Hermila Guedes, Jefferson Brasil

Sorti le 21 février – Universal

Genre : polar

À première vue, avec sa reconstitution d’époque soignée, son scénario traversant plusieurs décennies d’histoire du gangstérisme brésilien et sa musique rétro, Boca pourrait passer pour le Mesrine de Sao Paulo. Toutefois, le « héros » Hiroito, surnommé le Roi de Boca do Lixo (l’équivalent de Harlem à Sao Paulo), n’a pas la gouaille attirante et le côté « anar sur le tard » qui peuvent rendre le moustachu de Clignancourt attachant. Parricide et tueur sans scrupules, Hiroito tient plus de Scarface, et son ascension dans le monde de la mafia, telle que racontée dans ce biopic quelque peu complaisant, se fait à coups de règlements de compte sans pitié. La BO locale judicieuse et l’exploration d’un pan d’histoire mal connu chez nous peuvent toutefois justifier de jeter un œil sur ce rutilant Boca, dont le scénario est tiré de l’autobiographie du gentleman.

Hold-ups

Un film de Rob Minkoff, avec Patrick Dempsey, Ashley Judd, Tim Blake Nelson

Sorti le 1er février – BAC Films

Genre : comédie policière

Au départ, c’est une idée originale : dans Hold-up$ (oui c’est moins classe en miniscule, le $), deux bandes de bras cassés décident de dévaliser le même jour la même banque. C’est une bonne manière de relancer le principe du film de braquage, sur le mode comique cela va sans dire. On apprécie alors d’autant moins que le résultat soit également une pure comédie romantique, où un otage charmeur et pas clair (Patrick Dempsey en mode Clooney) s’amourache d’une caissière (Ashley Judd) pendant la prise d’otages qui s’ensuit. Évidemment, les quiproquos, rebondissements et gags échevelés sont nombreux, et sous la direction impersonnelle mais solide de Rob Minkoff (Le royaume interdit, mais aussi… Le Roi lion !), le tout se suit sans efforts particuliers, mais ce pitch de départ aurait pu donner un bien plus anthologique résultat.

Robogeisha

Un film de Noboru Igushi, avec Yoshihiro Nishimura, Asami, Naoto Takenaka

Sorti le 16 février – Elevation Productions

Genre : nawak

S’il n’est pas directement relié aux productions du studio Sushi Typhoon, le très timbré Robogeisha en a pourtant tous les ingrédients : tournage en digital (pour un résultat aussi laid et plat que la vidéo Youtube de votre dernier anniversaire), geyser de sang à profusion (en CGI), mutilations imaginatives, humour débile et jolies pépées en profusion. Eh oui, Robogeisha, c’est exactement ce que son titre promet : un film de robots en robe complètement barge, où les fameuses servantes sont des assassins au corps rempli d’armes toutes aussi WTF les unes que les autres, mais qui savent aussi se servir avec efficacité de crevettes frites. On y croise aussi des figurants en costume de pagode (sic) qui piétinent des décors en carton, un sabre anal et des handicapés utilisés comme projectiles. Bienvenue au paradis de la série Z nipponne.

Beyond the sea

Un film de Kevin Spacey, avec Kevin Spacey, Kate Bosworth, John Goodman

Sorti le 1er février – Emylia

Genre : biopic musical

Huit ans ! C’est le nombre d’années qu’il aura fallu à ce Beyond the sea pour, ô ironie, traverser l’Atlantique. Bien sûr, c’est avant tout à cause de son échec au box-office que le film est resté dans l’anonymat, mais qu’avait-il de si affreux pour rester au placard ? On est pourtant dans la tradition confortable et pépère du biopic musical ici, avec ce film en forme d’hommage au crooner Bobby Darin, immortel chanteur de « Mack the knife » et « Beyond the sea » (la reprise de « La mer »), mort à 37 ans de complications cardiaques alors qu’il trustait encore les scènes de Las Vegas. Peu connu chez nous, cette star du music-hall a eu une envie tout juste assez mélodramatique pour qu’Hollywood en fasse un successeur de Ray et Walk the line. Kevin Spacey, qui produit, réalise et interprète le rôle-titre, en plus de chanter lui-même chaque titre, s’est chargé de l’exercice, après quinze ans de development hell. Faux nez bien voyant et abattage des grands jours, notre cher Keyser Soze se jette à corps perdu dans l’histoire du parcours fulgurant de Darin, self-made man venu du Bronx qui voulait devenir une légende avant que sa faible condition physique ne le rattrape. Le film prend ses libertés avec la réalité, mais le parterre de stars, la BO forcément coolissime et le soin apporté à la reconstitution des sixties en font un inédit qui se doit d’être découvert.

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