Serions-nous à court d’idées ? Vous aurez noté que la sélection Qualité France (ou QF, on est entre nous) se fait rare ces derniers mois. Moins de temps, moins d’envies ? Un peu ça, peut-être, mais rassurez-vous : quelques passages récents dans les salles obscures nous ont convaincu de repartir de plus belle à l’attaque, parce que s’il y a bien une chose qui continue de nous faire frémir dans le cinéma français, c’est sa capacité à imaginer et tourner des comédies qui, au vu de leurs bandes-annonces, échouent autant à nous dérider ne serait-ce qu’une seconde.

L’actualité nous a par exemple dépassé ces dernières semaines avec les sorties de l’affreux Valentin, Valentin de Pascal « j’habite à Paris au cas où vous l’auriez pas remarqué » Thomas, le crispant et tout aussi rageusement parisianiste L’art de la fugue (qui devrait être enseigné à tous les malheureux spectateurs prisonniers de ce genre de séances) ou encore À trois on y va, qui mérite au moins une mention spéciale sur la foi de cette immortelle réplique : « J’ai aucune honte à dire que quand j’aime, j’peux faire l’amour tous les jours, sans même penser que j’le fais tous les jours, tellement j’aime ». Va te coucher papy Audiard ! Le voilà le vrai langage des jeunes d’aujourd’hui !

Qui sera le prochain élu ?

Qualité France : et ça vous fait rire ?

Ces rattrapages salutaires étant faits, attardons-nous sur cette présente livraison spéciale « comédies ». Entre Papa ou Maman et La famille Bélier, le cinéma français n’a pas été avare ces derniers temps en cartons co(s)miques, plutôt honorables d’après de multiples échos (il paraîtrait même que l’ex-chanteuse de télé-crochet devenue actrice débutante est formidable dans La famille Bélier. Et qu’elle méritait bien un César pour la qualité de son organe). Seulement, chez nous c’est bien connu, un succès monstre cache souvent cinquante bides cinglants – et mérités. Un village presque parfait l’a illustré récemment, et les films ci-dessous pourraient eux aussi se ramasser avec fracas à ce petit jeu. Ou casser la baraque, pour des raisons qui, comme le succès de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? ou l’existence des Profs 2 (non, mais quelle affiche !) nous échappent sûrement. En ce qui nous concerne, l’affaire est entendue : ils sont dans QF, c’est donc sûrement la dernière fois qu’on en parlera !

Rappelons-le à toutes fins utiles : la sélection ci-dessous consiste en un choix tout à fait subjectif des pires films français à venir. Une parenthèse de mauvaise foi absolue donc. Nous ne les avons pas vus. Nous ne les verrons probablement jamais. Une bonne surprise se cache-t-elle derrière ces bandes-annonces ? À vous de réagir ! Vous pouvez même nous taper dessus virtuellement si vous voulez.


Animation préhistorique

Lors des derniers Showeb, Pathé n’a pas été avare en teasing pour la comédie « motioncapturée » Pourquoi j’ai pas mangé mon père, tirée de l’œuvre de Roy Lewis. Un film d’animation vendu comme la première réalisation de Jamel Debbouze, omniprésent dans la promotion du film. Vu la candeur béate avec laquelle il évoquait lors de sa venue au Showeb une technologie existante depuis 15 ans, il ne serait pas idiot de penser que c’est son compère Frédéric Fougea, réalisateur de Hanuman présent à peu près à tous les postes de la production, qui serait le « ghost director » du film. Ce dernier était relativement prometteur sur le papier, mais ça, c’était avant la découverte des bandes-annonces et, en ce qui nous concerne, des premières minutes du film. Passons outre la puante initiative de « faire revivre Louis de Funès » à l’aide d’un mime et d’un imitateur, et avec l’assentiment du fiston. Ça ne marche pas, pas une seconde, mais c’est un gimmick utile pour masquer la vacuité dans laquelle le projet parait s’être enfoncé. Comédie anachronique et simiesque où se mélangent Tarzan, Silex and the city et Shakespeare pour les nuls, Pourquoi j’ai pas mangé mon père, centré sur le cabotinage numérique du sympathique, mais fatiguant Debbouze (qui a co-casté sa propre épouse, journaliste on le rappelle, pour lui donner la réplique), semble en plus accuser dix années de retard dans la synchronisation labiale et les expressions faciales et gestuelles de ses personnages. À quoi bon se vanter d’être précurseurs lorsqu’on est déjà en queue de peloton ?

La punchline qui vend du rêve : « Hé j’ai capturé le feu, c’est devenu mon copain même ! »

La bande-annonce 


« Buddy-movie à la française », le retour

Ah, JoeyStarr. L’ancien frontman de NTM a opéré le changement de carrière le plus spectaculaire imaginable, en passant en 20 ans de star du rap sulfureuse à tête d’affiche bankable que l’on s’arrache quelle que soit la branche concernée, populaire ou auteuriste. Il a beau être difficilement capable de jouer autre chose qu’une version caricaturale ou « à contre-emploi » de lui-même, l’ami Joey intéresse tout le monde, et Luc Besson aussi. Sans doute nostalgique du règne éphémère du turbulent Samy Nacéri (qui LUI, a bien « NTMisé » tout le monde), le boss d’EuropaCorp a donc enrôlé le rappeur et le Chris Tucker blanc, Manu Payet, pour animer Les Gorilles, un nouveau « buddy movie à la française », expression généralement synonyme de gros cacas honteux que le marketing s’escrime à vendre comme étant « dans la veine de L’arme fatale ». Sachant que la dernière réussite dans le genre s’appelait Les Spécialistes, on voudrait espérer que Les Gorilles s’élève à ce niveau, mais la bande-annonce bannit tout espoir. Il y a de l’abattage, certes, mais pour soutenir des blagues usées, le pitch est improbable, l’action se déroule (encore) sur la Côte d’Azur – mais à Cannes plutôt qu’à Marseille, notez l’évolution – et toutes les séquences rappellent des bons films ricains en moins bien – au hasard, La manière forte avec Michael J. Fox. Suivant !

La punchline qui vend du rêve : « C’est un putain d’comique, lui  !»

La bande-annonce 


Grosse déconne à babord

Le suspense est terrible : entre Nos femmes et Entre amis, quelle sera la meilleure prochaine comédie avec Daniel Auteuil ? Celle où il s’amuse dans un appartement avec ses deux meilleurs amis Thierry Lhermitte et Richard Berry, ou celle où il s’amuse sur un bateau avec ses deux meilleurs amis François Berléand et Gérard Jugnot ? Blague à part, la sortie à quelques semaines près de deux comédies aussi semblables donne involontairement du grain à moudre à ceux qui pensent que l’industrie française tourne légèrement en rond et fait toujours tourner les mêmes têtes dans nos multiplexes. Surtout que dans le cas d’Entre amis, l’argument de départ (trois potes et leurs compagnes partent faire du bateau et règlent gentiment leurs comptes à bord) est tellement léger que tout le projet sent un peu le caprice de stars voulant se payer quelques bons mois de farniente en mer à peu de frais. C’est pas Calme blanc ici, mais plutôt Calme-toi et prends un p’tit jaune, avec option misogynie (toutes les femmes sont hystériques) et gags de haut vol (Jugnot a le mal de mer, pfiou qu’est-ce qu’on se marre). Le plus triste dans tout ça, c’est que c’est encore Olivier Baroux, qui est en train de se bâtir une filmo en béton amianté (L’Italien, Les Tuche, On a marche sur Bangkok, que du rêve), qui est à la barre.

La punchline qui vend du rêve : « Vous me faites tous chier !!! »

La bande-annonce


 Arnaud nous emmerde

Il y a des parcours comme ça, parfois… Regardez Arnaud Viard. Rien à voir avec Karin, mais ce Dijonnais de naissance est aussi acteur à la base. Élevé au cours Florent (cette école de comédiens que tant de pays ne nous envient pas), Arnaud est devenu ensuite prof de réalisation sur la foi de deux courts-métrages (faut bien vivre), avant de mériter son statut avec la comédie romantique Clara et moi. Aujourd’hui, après quelques piges dans des pubs pour la Neuf Box (faux bien vivre bis), Arnaud réalise son deuxième film, gros élan méta intitulé Arnaud fait son 2e film. Ambition à la Truffaut direct – mais pas le magasin, ah ah – pour le Viard, qui se met en scène en train d’écrire, de vendre et « d’expérimenter » son nouveau sujet de film, qui se trouve être celui qu’on regarde pendant une pataude bande-annonce : blindé de clichés made in France (l’impuissance de l’artiste est forcément AUSSI sexuelle, il y a des filles à poil, la musique est atroce, c’est moche et ça possède autant de rythme qu’un spot pour le dépistage du cancer colorectal), égocentré jusqu’à l’écœurement, dénué de la moindre envie de faire justement du cinéma et pas « une réflexion sur le cinéma et la fiction ». Bon, avouons-le, ce qui est drôle c’est quand même de voir Arnaud-pas-Karin Viard galérer pour faire produire son film : quelque part, allez savoir pourquoi, ça a l’air de sentir le vécu.

La punchline qui vend du rêve : « C’est l’histoire d’un mec qui bande plus. »

La bande-annonce