Un autre mois pléthorique se termine sur le front du direct-to-Video. Pour compenser la baisse inexorable de leurs chiffres de vente, les éditeurs se reposent de plus en plus (même si le procédé n’est pas nouveau) sur des packagings luxueux : un film sacrifié comme Dredd 3D peut pleurer sur les écrans qu’il a perdus, mais Metropolitan propose pour se faire pardonner un combo particulièrement aguicheur, avec des morceaux de bd à l’intérieur… Moins mis en avant, le solide Motorway et le sympathique Iron Sky ont aussi marqué ce mois de février par ailleurs chiche en titres incontournables. Pas que la sélection ci-dessous soit à dénigrer d’un leste mouvement de bras. Plus internationale que jamais, elle navigue entre hommages aux films de Robert Rodriguez ou au giallo de la belle époque, et polars romantiques ou suspense en lieu clos. Autant de propositions qui peuvent susciter l’intérêt des plus cinévores, en attendant un retour sur un mois de mars carrément impressionnant. Allez, bonne lecture… et bonne chasse !

Pasvufevrier_1Exam

Un film de Stuart Hazeldine, avec Luke Mably, Colin Salmon, Nathalie Cox

Sorti le 11 février – Atypik Video

Genre : suspense

On triche un peu sur ce coup-là : Exam, bien que prototype même du DTV oublié des distributeurs (le film est sorti en Angleterre, son pays natal, en 2009 !), a bel bien bénéficié d’une sortie salles « technique » en 2012. Mais bon, une séance par jour pendant une semaine dans une salle, peut-on appeler ça un « passage éclair » plutôt qu’une sortie ? Merci. Dommage donc le film de Stuart Hazeldine, huis-clos à mi- chemin La méthode (film espagnol avec Eduardo Noriega) et l’inévitable Saw, qui enferme huit candidats à un poste convoité dans une salle d’examens, avec pour seul outils une page blanche et un crayon, et une consigne : « Il y a une question, et une réponse est requise ». Avec ce concept concis et ultra-minimaliste, Exam parvient à nous captiver pendant plus d’une heure, avant que l’ombre terrible du TWIST n’enraye la mécanique parfaitement huilée des relations entre ces candidats qui ont tous quelque chose à cacher et/ou à craindre. Le dénouement d’Exam fonctionne comme l’explication d’une énigme aussi bête que simple. Il s’accompagne d’une sous-intrigue sur fond de film catastrophe aussi inopinée qu’indigeste, ternissant le tableau d’un film par ailleurs bourré de saillies judicieuses sur les rapports qui peuvent s’instaurer entre chaque individu, dès lors qu’une plus haute position sociale est en jeu.

Pasvufevrier_2Masks

Un film d’Andreas Marschall, avec Michael Balaun, Lucyna Bialy

Sorti le 1er février – Filmedia

Genre : néo-giallo

Découvert en 2011 durant la première édition du PIFFF (Paris international fantastic film festival), Masks fait partie de cette récente et confidentielle vague de films faisant revivre le fantôme déjà bien décharné du giallo – l’ancêtre italien du slasher, pour faire très court. Imago Mortis, Amer, et plus récemment Tulpa et Berberian Sound Studio, soit autant de titres tour à tour nostalgiques et fétichistes, ayant digéré avec plus ou moins de bonheur l’héritage de ce genre phare des seventies. Masks, qui vient d’Allemagne, tente avec son petit budget et la passion de son débrouillard auteur Andreas Marschall d’apporter sa pierre à ce revival via une variation hallucinée autour du classique d’Argento, Suspiria. L’école de danse est remplacée par une école de théâtre, qui cache en son sein de bien sinistres cours que n’aurait sûrement pas approuvé Lee Strasberg… Une jeune innocente naïve, un tueur à l’arme blanche (ici une rapière pour le moins létale), des éclairages agressifs et une ambiance de cauchemar fiévreux et putride : bien que le manque de moyens et l’amateurisme de certains acteurs soit évident, Masks est une curiosité étonnante, sans doute pas aussi baroque et habitée que Marschall le souhaiterait, mais définitivement autre.

Pasvufevrier_3Lost Destination (Verbo)

Un film de Eduardo Chapero-Jackson, avec Alba Garçia, Michelle Asante

Sorti le 11 février – Seven Sept

Genre : leçon de morale

Bien que figure à son générique la crème des producteurs ibériques, Lost Destination (Verbo en VO) n’est en rien digne des bijoux du cinéma espagnol qui font tant parler chez ces vieux jaloux de Français. L’histoire est d’une simplicité confondante : Sara, ado squelettique, complexée et solitaire (elle a pourtant une allure de top-model, mais passons), est au bord du suicide, recluse dans sa chambre au cœur d’une cité résidentielle de la banlieue barcelonaise. Sara tente de percer le mystère derrière un artiste urbain à la Banksy, mais finit malgré tout par passer à l’acte. Fin ? Hé non, car dans son inconscient va se jouer une lutte souterraine, où entourée d’autres « victimes » se croyant dans Matrix, Sara va devoir surmonter plusieurs obstacles pour goûter de nouveau à la vie… Voilà, c’est à peu près tout ce que raconte Verbo : une leçon de morale atrocement naïve qui ressemble à ces plaquettes de collectivités publiques utilisant un langage « djeun » (ici des graffitis, du rap ou encore de l’animation) pour parler de choses sérieuses. En l’occurrence, le suicide chez les ados. Verbo nous dit en substance que se tuer, c’est pas bien, qu’avec un peu d’imagination, on peut tous réussir et qu’on peut repeindre tous les murs de sa cité pour exprimer son talent artistique ! T’entends, le jeune ? Vas-y, tague ! Chapero-Jackson a beau s’amuser avec ses décors éclairés au néon façon Brazil du pauvre ou des transitions animées pompées sur A scanner darkly, Verbo ne véhicule rien de plus qu’un prêchi-prêcha archaïque, dramatiquement inintéressant et désincarné. Le changement de titre paraît du coup presque ironique.

Pasvufevrier_4Bad Yankee (El Gringo)

Un film de Eduardo Rodriguez, avec Scott Adkins, Christian Slater

Sorti le 13 février – Pathe Video

Genre : mariachi indigeste

Il y a quelques mois débarquait en vidéo un polar carcéral plutôt bien troussé avec Mel Gibson, Kill the gringo, qui se déroulait comme son nom l’indique à la frontière mexicaine. Une bonne surprise, toute proportions gardées, ce qui n’est pas le cas d’El Gringo, au pitch similaire (un voleur fuit au Mexique avec son butin et se retrouve dans la mierda avec les autochtones), mais aux moyens visiblement moindres. Au lieu de Mad Mel, on retrouve Scott Adkins, toujours aussi doué pour le coup de pied retourné et aussi expressif qu’un pilier, ici pris au piège dans la cité-taudis d’El Fronteras, où, d’une part on refuse de lui servir de l’eau (c’est drôle deux secondes, le gag dure vingt minutes), et d’autre part, tout le monde veut lui piquer son fric. D’où fusillades en règle, dans le désert ou dans la ville, dialogues réduits à leur plus simple expression, et jolie fille en détresse, même si on a rarement envie qu’Adkins la sauve. Christian Slater, qui n’est pas à un DTV près, joue encore le second couteau de luxe qui vient pimenter ce bordélique petit polar torché par Eduardo Rodriguez. Il n’a rien en commun avec Robert, bien qu’il tente d’émuler son style et son humour décalé toutes les dix secondes. À la place d’un Desperado bien frais, on a affaire à un Gringo anarchique avec un montage complètement WTF, des crash zooms intempestifs et une photo monochromatique à vomir. Alors, certes, pour les assoiffés de bourre-pifs et de headshots, El Gringo rentabilise son maigre budget, mais cinématographiquement, il vaut mieux espérer qu’Adkins retourne bientôt devant la caméra de John Hyams.

Pasvufevrier_5Hindsight

Un film de Hyun-Seung Lee, avec Song Kang-Ho, Shin Se-Kyung

Sorti le 20 février – Elysée

Genre : thriller existentiel

Il ne suffit pas d’une star incontournable et d’un réalisateur dont le retour était attendu après dix ans de silence pour obtenir une réussite : quelques semaines à peine après le moyen Morsures, Song Kang-Ho et son regard de chien battu réapparait dans un autre inédit bien plus décevant, devant la caméra de l’auteur d’Il Mare, Hyun-Seung Lee. Mélange assez original de mélodrame culinaire et de film de gangs, Hindsight se révèle rapidement assez indigeste. Song Kang-Ho joue un ponte de la mafia en pré-retraite qui tombe amoureux de la jeune femme avec laquelle il prend des cours de cuisine, sans savoir qu’elle est en fait là pour le tuer. C’est une tueuse à gages certes, mais elle a aussi des sentiments. Pendant ces temps, les ennemis du patron s’impatientent… Si l’on apprécie les romances platoniques autour d’un découpage de poisson, ou les questionnements existentialistes sur fond de marais salants (tout le final s’y déroule), Hindsight peut plaire. L’action est rare, et brève, les atermoiements languissants d’une trop grande galerie de personnages secondaires fatigue, et Hindsight finit par nous perdre en route. Ce concept dilué dans un scénario déclinant tous les défauts du mélo à la coréenne, est en fait aussi passionnant qu’un best of de Top Chef.

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