Plus encore que le voyage dans le temps, l’immortalité fait partie de ces thèmes qui passionnent depuis des siècles les artistes, qu’ils soient écrivains ou cinéastes. Le besoin angoissant de l’être humain d’accéder à une forme inaccessible d’éternelle jeunesse a servi de carburant narratif à bon nombre de fictions (et des centaines d’autres si l’on prend le compte le thème spécifique du vampirisme). Renaissances n’a donc pas pour lui l’atout de paraître inédit, même s’il adjoint à son sujet premier une autre dimension tout aussi familière, avec son héros en quête d’une identité perdue.

Magnat de l’immobilier riche à millions, l’octogénaire Damian Hale est parvenu, littéralement, au sommet du monde. Du haut de son duplex surplombant Central Park, Hale est toutefois mourant, victime d’un cancer en phase terminale. Le vieux sage n’est toutefois pas du genre à perdre un combat, fut-il perdu d’avance. Il entre en contact avec un laboratoire secret, Phenix, qui lui propose grâce une technologie avancée (et moyennant 250 millions de dollars de cachet, ce qui ne les empêche pas de cagouler leurs patients avec un filet de pêche) de transférer son esprit dans le corps plein de vigueur d’un jeune trentenaire. Contre toute attente, l’opération est un succès, et Hale goûte bientôt pleinement à sa « renaissance » du côté de La Nouvelle-Orléans. Seulement, des flashs mémoriels douloureux assaillent bientôt son esprit. Lui aurait-on caché quelque chose ?

En quête d’identité

Renaissances : immortelle routine

L’affiche a beau évoquer des classiques récents de la science-fiction comme Source Code et Looper (avec lesquels le film ne partage strictement aucun point commun à part peut-être la dominante bleutée… de son affiche !), Renaissances, avec son traitement très conventionnel d’une histoire aux potentiels multiples, fait surtout penser aux séries B conceptuelles des années 90, à ces films d’action qui misaient tout sur les promesses de leur argument de départ et le charisme de leurs stars pour garantir un bon samedi soir. Les films de ce genre auront été nombreux à jouer la carte du changement d’identité, de la mémoire défaillante et du héros en perdition, systématiquement poursuivi par des hommes de pouvoir qui ne font qu’exciter sa paranoïa galopante.

[quote_left] »Tarsem est venu se racheter une conduite avec ce Renaissances qui ne lui ressemble pour ainsi dire en rien. »[/quote_left] C’est ce qui rend pour certains un film comme Renaissances frustrant : la première demi-heure est excellente, attentive aux détails, garnie de montages musicaux racés, de dialogues pertinents, car disséminant quantité d’informations en peu de répliques, et fonctionne sur le passage de témoin entre un vieillard pas forcément sympathique (Ben Kingsley, qui se refuse à trop cabotiner pour une fois) et un trentenaire athlétique au regard perdu (Ryan Reynolds, sur une bonne lancée après ses rôles récents dans Captive et The Voices, et avant Deadpool). Même la ville de La Nouvelle-Orléans, explorée dans toute sa diversité, et d’une manière qui rappelle étrangement le Chasse à l’homme de John Woo, devient un personnage à part entière, tranchant avec la verticalité étouffante de New York. La renaissance littérale du héros, enfin libéré des contraintes d’un corps défaillant, ouvre un champ des possibles jouissif, que le script des frères Pastor (Infectés, Les derniers jours) choisit finalement de ne pas embrasser.

Plaisirs roboratifs

Renaissances : immortelle routine

De récit SF identitaire, Renaissances devient progressivement un film d’action aux mécanismes facilement reconnaissables. Dès l’instant où Damian commence à douter et mène sa propre enquête, il n’est pas compliqué de comprendre où l’intrigue va mener, surtout quand on voit avec quelle « légèreté » est introduit le personnage de laborantin incarné par Matthew Goode (The Good WifeWatchmen, Imitation Game). De manière tout aussi transparente, le script confie rapidement au personnage la responsabilité de protéger la veuve et l’orphelin, et des capacités athlétiques qui justifient la multiplication de scènes de combats et de poursuites, toutes lisibles, mais pas très originales. Le degré d’appréciation d’une histoire aussi roborative dépendra de l’humeur et des attentes du spectateur, selon qu’il soit venu chercher le nouveau Memento (pas de bol) ou un avatar hi-tech de Jason Bourne (bienvenue !).

Le plus étonnant dans cette entreprise, c’est finalement de retrouver aux commandes le clippeur Tarsem Singh (Tarsem pour les fans), bien loin des délires baroques qui ont fait sa – petite – réputation. Réalisateur rare, mais constamment intrigant, Tarsem avait marqué les esprits dès ses débuts avec l’hypnotique The Cell, puis décroché la mâchoire de ses rares spectateurs avec le magnifique (mais très creux) The Fall. Après le double bide de ses Immortels et du Blanche-Neige avec Julia Roberts, Tarsem est venu se racheter une conduite avec ce Renaissances qui ne lui ressemble pour ainsi dire en rien. Alors que le scénario nous invitait à rentrer pour de bon dans la tête de ce Damian Hale perdu entre deux corps, sujet aux hallucinations, il n’exploite pas ces idées pleinement, se reposant pour l’essentiel sur le savoir-faire de son – très bon – casting, et la partition mélancolique, très « hermannesque », d’Antonio Pinto. Triste qu’un esthète dans son genre se réfrène ainsi à l’écran, même si le film lui-même n’est pas si honteux que cela.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Trois sur cinq

Renaissances (Self/Less)
De Tarsem Singh
2015 / USA / 115 minutes
Avec Ryan Reynolds, Ben Kingsley, Matthew Goode
Sortie le 29 juillet 2015
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