Kill your friends est l’adaptation du best-seller éponyme de l’écossais John Niven, publié en 2008. Aux côtés du romancier, le réalisateur Owen Harris qui a notamment officié sur les étonnantes séries britanniques Misfits et Black Mirror, a coécrit le scénario du film. Ensemble, ils se sont mis en tête de faire émerger un véritable anti-héros, 100 % pur produit du pays de Sa Majesté, évoluant dans le monde impitoyable de la musique dans les années 90. Kill your friends nous plonge ainsi dans la tête du trop bavard Steven Stelfox (Nicholas Hoult, qui a marqué les esprits dans Mad Max: Fury Road), un jeune dénicheur de talents prêt à tout pour dégoter le prochain groupe à succès. C’est-à-dire, vraiment à tout !

Dans l’enfer de la musique

Kill your friends : un son mortel

Alors que Blur et Oasis règnent en maître sur les charts, Steven Stelfox n’a que faire de la qualité musicale de ses choix, préférant voler les idées des autres majors et écraser machiavéliquement ses collègues, le tout en absorbant une quantité astronomique de drogues. Malgré le fait qu’il évolue dans ce milieu musical, il ressemble à s’y méprendre à ces « requins de la finance » que sont Patrick Bateman (American Psycho) et Jordan Belfort (Le loup de Wall Street). La seule différence avec le personnage incarné par Leonardo Di Caprio reste que Steven tue au sens propre du terme, tel un Christian Bale mélomane. Plus qu’une ascension professionnelle amorale, ce personnage évoque étrangement le Norman Bates de Psychose, à travers le visage cruel et parfois désespéré de Steven.

Lorsque Steven invite le spectateur dans son esprit, c’est pour mieux montrer le processus psychédélique, parfois complètement délirant qui le pousse à agir. Ainsi, nous comprenons davantage pourquoi la capitale londonienne est capable d’engendrer de grands groupes comme Radiohead et de construire de toutes pièces les Spice Girls. Et la sauce prend à l’étonnement général ! Ainsi, pour transformer une bande de filles vulgaires et chantant faux en icônes de la pop fortement lucrative, il suffit… de mélanger une dose d’ecstasy avec quelques grammes de cocaïne et de laisser macérer. Vous obtiendrez une vache à lait suffisamment prolifique pour vous payer votre prochaine Rolex. Si cet ambitieux personnage applique avec succès cette recette au cynisme redoutable, elle tourne un jour au vinaigre avec l’arrivée de son nouveau patron, son rival de toujours. Au comble du désespoir, il augmente les doses de la seule solution qu’il connaisse, jusqu’à l’inévitable saturation.

Pas d’overdose

Kill your friends : un son mortel

Malgré toute l’implication que semble porter Nicholas Hoult au projet, il ne tutoie jamais les performances monstrueuses et hypnotiques d’un Jake Gyllenhaal dans Night Call, par exemple, et son charisme est en dessous des attentes. Ce long-métrage so british s’essouffle aussi parfois et souffre de répétitions, malgré l’aigreur de ses propos. Il aurait pu aller encore plus loin dans cet enfer personnel, plutôt que de donner l’illusion de gratter uniquement la surface. L’aspect thriller du film aurait pu se montrer plus efficient encore. Les personnages secondaires, qui possèdent tous un aspect abject, comme Walter (James Corden, Into the woods), le collègue répugnant de Steven, Darren (Craig Roberts, le jeunot de Submarine), le stagiaire naïf mais cupide, ou encore Rebecca (Georgia King, Cockneys vs Zombies), la secrétaire qui cache bien son jeu, parviennent à créer un malaise et à sortir de la bulle autiste dans laquelle s’enferme le récit.

Kill your friends reste pourtant, indiscutablement, délectable. D’une part, sa bande-son, signée Junkie XL (oui, oui, celui de Fury Road), s’associe joliment à la crème de la musique anglaise de Prodigy à Blur pour nous faire oublier les ersatz de boys bands et de girls bands, qui définissent tout autant les années 90. D’autre part, parce que ce long-métrage, qui emprunte certes des chemins maintes fois balisés, bénéficie d’une conception soignée, avec une mise en scène élégante et subtile. En faisant fi de légères déceptions, Owen Harris, qui signe son premier film de cinéma, livre une œuvre acerbe dans son propos, mais visuellement très agréable.

[toggle_content title= »Bonus » class= »toggle box box_#ff8a00″]Lire l’enquête du Guardian consacrée à l’auteur John Niven et à son travail d’adaptation du roman au film.[/toggle_content]

 

Crédits photos : © Chrysalis Films


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Trois sur cinq
Kill your friends
De Owen Harris
2015 / France / 125 minutes
Avec Nicholas Hoult, Craig Roberts, James Corden
Sortie 2 décembre 2015
[/styled_box]