On ne le dira jamais assez : il est primordial que le cinéma de genre ait une place à part entière dans le paysage festivalier français. Alors que l’uniformisation menace dans les multiplexes, que le blockbuster (français ou américain, peu importe), le dessin animé et le drame pour girouettes de la critique trustent toutes les salles – il n’y a qu’à voir le sort réservé aux propositions un tant soit peu excitantes cet été, de Troll Hunter à Hanna en passant par I saw the devil – des manifestations de passionnés mettant en avant du genre mal-aimé, de l’extrême mal embouché et de l’expérimental exotique, sont in-dis-pen-sables. Ne serait-ce que pour profiter dans de bonnes conditions de productions vouées à être regardées sur un petit écran. Aussi plat et beau soit-il, c’est pas pareil quand il s’agit d’un potentiel film culte.

The Divide de Xavier Gens

Certes, l’Etrange Festival ne rechigne pas ces dernières années à projeter de l’avant-première luxueuse, de la pelloche léchée et au casting scintillant. Mais même dans ces cas-là, le choix est toujours juste et jamais abêtissant : à l’heure actuelle, l’équipe réunie autour de Frédéric Temps propose sans doute ce qui se fait de plus cohérent et fédérateur dans le domaine du festival spécialisé. Pan, Gérardmer !

Tout y est ! 

La petite pique anti-Vosges n’est pas innocente : en matière de fantastique, d’horreur et de science-fiction, l’édition 2011 de l’Etrange (du 2 au 11 septembre, à vos calendriers) écrase nettement la vénérable manifestation Fantastic’Arts. On y verra tout ce qui fait le buzz de ces derniers mois sur la Toile : le nouveau Lucky McKee, The Woman, qui se traîne une réputation de nouveau Serbian Film (même si a priori, le thème de la violence envers les femmes les rapproche, je ne vois pas trop le rapport). The Divide, qui devrait nous donner, enfin, un aperçu des talents de Xavier Gens. La nouvelle production de Guillermo del Toro, Don’t be afraid of the dark, peut-être un vrai concurrent d’Insidious pour le concours de pétoche de l’année. Ou encore la superproduction indienne Endhiran : the robot, qui affole Youtube depuis sa sortie avec la vidéo de son climax sur-spectaculaire. Évitez donc les spoilers : regardez-le sur grand écran !

Super de James Gunn

On pourrait finalement citer tous les titres qui s’affichent dans les quatre salles du Forum des Images : entre ses avant-premières, ses pépites (dont le très intriguant Thief, pur film noir entièrement muet), ses multiples cartes blanches et ses hommages bien vus (Rutger Hauer est de la partie pour présenter deux de ses films les plus cultes, La chair et le sang et Hitcher), le programme est d’une richesse presque épuisante. Conséquence : même si vous campez toute la semaine à Châtelet – ça serait une très mauvaise idée -, il sera impossible de tout voir !

Conseils avant le festin

À titre indicatif, plusieurs conseils quand même : ne ratez pas Super et Stake Land. La variation cradingue de Kick-Ass signée James Gunn et le vampire flick post-apocalyptique de Jim Mickle sont deux beaux représentants d’un cinéma indépendant américain vraiment malin, dont la rage de filmer et la générosité (en gros, il n’y a pas qu’un bon pitch dans le film, mais beaucoup, beaucoup de très bonnes idées) font rudement plaisir à voir.

Par ailleurs, et pour finir sur une petite note un peu négative, parce qu’il en faut bien une, fallait-il vraiment mettre à ce point en avant le studio Sushi Typhoon ? La bande de dingos menée par Yoshihiro Nishimura force certes la sympathie par son côté moqueur et gore-it-yourself, qui rappelle volontiers l’énergie punk de Troma, mais leurs productions rivalisent surtout d’ennui et d’opportunisme paresseux. Pour un Tokyo Gore Police réussi, combien de Helldriver, d’Alien vs Ninja ou de Yakuza Weapon ? Concepts vendeurs avant d’être de véritables longs métrages, torchés en vidéo par des équipes interchangeables avec des prosthétiques sanglantes cache-misère, les films du sushi volant s’enchaînent frénétiquement, et ne provoquent au final qu’une sacrée migraine, en lieu et place du délire attendu.

Mais trêve de mauvais esprit : quel que soit vos affinités avec le cinéma avant-gardiste, poétique ou déviant, vous trouverez sûrement votre bonheur dans ce qui s’annonce comme l’événement incontournable de la rentrée, tout du moins à Paris (oui parce que sinon, au même moment, il y a aussi une Mostra d’anthologie qui s’annonce à Venise…) ! Pour tout noter sur son calepin, ou son beau iPhone, forcément, une seule adresse : www.etrangefestival.com