Alors que 2014 ne fait que commencer, le petit monde du cinéma français semble faire front pour soutenir sa production et la rendre plus visible, plus « successful », malgré les quolibets qui fusent sur Internet à chaque nouveau nanar, et surtout après la publication fin décembre de l’enquête de BFMTV qui épinglait les retours sur recettes plutôt, hem, décourageants, d’une bonne partie des 170 films lâchés sur nos écrans en 2013, au premier rang desquels Des gens qui s’embrassent et Les Invincibles, que nous avions épinglé dans cette rubrique. Comme quoi, il y a une justice, hein ?

[quote_left]« J’ai vu des choses horribles », comme disait Marlon Brando.[/quote_left]Bon malgré tout, le chemin du succès est comme on le sait pavé d’embûches, et nous ne risquons pas d’échapper, cette année encore, à la litanie de comédie beaufisantes et de drames onanistes qui font les beaux jours de Qualité France. Pour tout vous dire, le premier menu de cette cuvée 2014 comporte déjà pour nous son lot de winners, prêts à remplacer Turf ou Doutes au hit-parade des films-qui-ne-devraient-pas-exister, mais que nous regardons quand même les yeux en sang et la mâchoire béante. « J’ai vu des choses horribles », comme disait le gros chauve Marlon Brando voilà 35 ans. Hé bien, pour les besoins de cette rubrique, nous aussi.

Du rêve, partout sur les affiches

Qualité France : nanar es-tu là ?

Et à vrai dire, il n’y a même pas besoin maintenant d’en passer par la case trailer. L’horreur est déjà dans le métro, sur les bus et dans vos journaux gratuits, bref, sur les affiches de films. Tiens, regardez l’affiche de Week-ends, là. Voilà, vous avez pas déjà envie de vous évader avec eux, de crier au génie ou de sauter sur votre smartphone pour réserver la première projection ? C’est quand même plus prometteur que si le film s’appelait Samedi, non ?

Rappelons-le encore une fois, la sélection de bandes-annonces ci-dessous, se base sur un choix tout à fait subjectif des pires films français à venir. Certaines d’entre elles cachent peut-être un chef d’œuvre insoupçonné. D’autres un grand film malade. Une chose est sûre : à nos yeux, elles constituent un sketch en soi, le plus souvent drôle malgré lui, le reste du temps tragique parce que pas drôle. Quoiqu’il arrive, nous aurons déjà fait notre devoir de critique, en les descendant avant même qu’ils soient projetés. C’est pas du temps de gagné, ça ?


Dany Boon, supersalarié sous-performant

S’il y en a un qui a senti à plein nez le vent de la polémique médiatique sur le salaire des acteurs français bankable le frapper, c’est bien Dany Boon. Mis sur orbite par le triomphe des Ch’tis, le comique troupier a logiquement revu ses cachets à la hausse, grâce notamment à ses multiples casquettes (producteur, réalisateur, scénariste), sur Un plan parfait et Le Volcan (alias le film au nom par ailleurs incompréhensible). Deux bons gros bides, au budget total affreusement surgonflé, qui auraient dû faire retomber, côté tiroir-caisse en tout cas, la côte du gars du Nord. Ça ne sera pas encore pour Supercondriaque, dans lequel Boon retrouve son biloute Kad « j’en peux plus de voir ta tronche » Mérad, et pour lequel il aurait palpé quelques 3 millions d’euros plus intéressements. De quoi expliquer les 30 millions dépensés pour un résultat encore moins spectaculaire que ses précédentes comédies, peut-être ? Nous voulons bien passer outre les grimaces usées du comique et les gags tellement surlignés au marqueur qu’on imagine bien un chauffeur de salle nous obliger à rire dans les multiplexes. Nous voulons bien donner aussi à Boon le bénéfice du doute, cette histoire d’hypocondriaque relou partant apparemment dans des directions « sociales » surprenantes (bon, vu qu’il y a même une chanson avec le nom du film en guise de BO, ça semble difficile). Mais vraiment, mec, 30 000 patates pour une comédie qui se déroule dans des apparts et des bars PMU parisiens ? Vous avez fait un tournage à la Loup de Wall Street ou quoi ?

La punchline qui vend du rêve :  « Dimitri, ta sœur, c’est la femme de ma vie. »


Plusieurs variations, une seule question : pourquoi ?

Préparez vos calepins : on reparlera sûrement des Variations en fin d’année, ne serait-ce que pour couronner les bande-annonces les plus WTF de 2014. Regarder le trailer des Variations, c’est un peu comme pénétrer dans une dimension parallèle où les sketches des Inconnus, des Nuls et le court-métrage nonsensique de GTA V seraient pris au premier degré, comme des œuvres d’art. En 90 secondes de dépression pelliculée surexposée, de piano lancinant, de chambres de grand-mère, de gros plans d’acteurs saisis en plein vide neuronal et d’auto-congratulation hallucinante (le « mathématicien, auteur et cinéaste » complètement inconnu Edward Frenkel nous annonce une « histoire jamais racontée » ! Diantre !), Macha Ovtchinnikova, qui réussit même à avoir un nom de famille pompeux, réalise un film qui est sa propre parodie, un « objet » ripoliné à l’allure cadavérique qu’on ne peut s’empêcher, dans un élan de masochisme incontrôlé, de regarder plusieurs fois, pour être sûr de ne pas avoir halluciné ce qu’on vient de voir. Les Variations (produit par Ciné-cessaire Films, admirez l’audace, la finesse du jeu de mots !) est de cette trempe-là. Pour couronner le tout, le film sortira le 5 février… au Saint-André-des-Arts. Franchement, il vous en faut plus ?

  La punchline qui vend du rêve : « Je savais presque tout de lui. Mais j’ai jamais su s’il m’aimait »


Un homme, une femme, nanananananaaar

Ah, alors Claude Lelouch… Lelouch, nous ne pouvons pas le cartonner comme les autres, même si ses films se sont faits de plus en plus gnangnan, et n’intéressent finalement plus que ses potes et les critiques soixante-huitards, toujours ravis de voir qu’un bout de la Nouvelle Vague bouge encore. Excepté le plutôt bien troussé Roman de Gare, Lelouch a moins séduit que consterné ces vingt dernière années, et le premier extrait de son dernier-né, Salaud on t’aime (quel joliii titre… presque autant que Ces amours-là ou Le courage d’aimer, tiens) laisse craindre un vrais gros nanar sentimental comme nous aimerions que Cloclo n’en fasse plus, vraiment. Jugez plutôt : la tronche scalpelisée de Johnny, que même Johnnie To n’osait pas trop cadrer en gros plan dans Vengeance, s’étale graisseusement dans le cadre, pendant qu’il compte (mal) fleurette avec des mots très cons à Sandrine « il fait beau en Savoie, non ? » Bonnaire. Comme souvent chez l’auteur d’Édith et Marcel, ça cause amour – sans déconner -, mort et tourments familiaux, mais sans se presser, ça nooon. Même qu’il y aura Eddy Mitchell pour bien souligner que c’est un film de potes, t’as vu. Bon, c’est pas tout ça, mais on la fête quand, ta retraite, Claude ?

La punchline qui vend du rêve : « Et… on peut pas être excessif dans la recherche du juste milieu ? »

Un éléphant, ça s’emmerde énormément

Ça faisait longtemps qu’on avait pas eu droit à une chronique chorale d’une poignée de couples de « quadra-trentenaires » (attention le choc générationnel) minées par les affres de la vie quotidienne, non ? Clair, c’est ce qu’a pensé aussi Emmanuel Saada, qui se décrit comme un « artiste autodidacte et indépendant », un mec avec qui personne veut être ami, quoi. Sur la page de la plate-forme de financement participatif Kisskissbankbank.com, Saada, qui a écrit, produit et réalisé Les Éléphants, raconte comment il a réuni ses comédiens dans un repas « extraordinaire » de trois heures où personne ne devait parler (super ambiance), et s’est inspiré de leurs silences (gênés, on l’imagine, même si on ferait parfois n’importe quoi pour décrocher un rôle) afin d’écrire le scénario de ce film « poétique et authentique » très proche de la vraie vie des vrais gens. Avec des envies de cinéma pareilles dans la tête – en gros, le gars nous dit cash qu’il n’avait rien à raconter et s’est basé sur du vide pour écrire -, pas étonnant que la bande-annonce des Éléphants soit aussi, hem, poétique. « Vous verrez dans ce film original des instants trop rarement racontés au cinéma », qu’il rajoute, le Manu. Enlève le « trop », hein. Et arrête d’embêter les gens !

La punchline qui vend du rêve : « Le malheur, ça m’occupe, le malheur des autres, là, pfiou… ça me donne de l’air »


Le film qui ferait même pas rêver Lorie

Vous ne connaissez sans doute pas la filmographie d’Anne Villacèque. Et quelque part, ça n’est pas grave, mais tout de même, un peu de culture : venue de la Fémis, la réalisatrice en est maintenant à son quatrième film, et question casting, elle a touché le jackpot. Karin Viard, qui parle à des bols, Jacques Gamblin, juste là, Noémie Llovsky, qui annone comme personne, et même Ulrich Tukur, qui a l’air de s’emmerder grave : de quoi toiser avec un sourire ses anciens camarades de promo, qui seront sûrement nombreux à se presser à la projection de… Week-ends ? C’est le titre ? Ah. Un hommage à Godard, peut-être. Et donc, c’est l’histoire de deux couples qui partent en Normandie pendant… ah bah oui, les week-ends. Et ils ont des enfants. Ah bah oui. Et ils font du pot-au-feu. Ils marchent près de la mer. Ah, oui, oui oui. Et un jour, l’un des deux maris claque la porte. Ouh là là. Du coup Karin est triste. Dommage, elle est moche quand elle pleure, Karin. Bon, mais au moins, c’est filmé comme le Woody Allen d’Intérieurs, peut-être, ou du Terrence Malick. Ah non ? C’est tourné avec une image vidéo tellement dégueulasse que même l’affiche est plus belle ? Sérieusement ? Et on compte déjà trois victimes dans les cinémas qui se sont suicidées avant la fin de la bande-annonce ? Ah merde. Anne, sois courageuse. Et prends tes responsabilités. Ne nous fais plus jamais ça.

La punchline qui vend du rêve : « Je sais pas comment j’vais arriver à dormir, moi » (nous si)