Le film noir connaît actuellement un beau regain de forme dans le cinéma espagnol, et il le doit en partie à un réalisateur nommé Alberto Rodriguez. Couvert de prix une première fois avec l’efficace Groupe d’élite, qui contait sans détour la dérive violente d’une escouade de flics anti-stup dans les années 80 à Séville, Rodriguez a ensuite connu un succès international avec le magnétique et magnifique La Isla Minima, cousin spirituel de la saison 1 de True Detective et grand polar sur les cicatrices du franquisme.

Deux hommes dans la ville

colere_1En attendant que sorte, en avril 2017, le nouveau long-métrage du cinéaste, L’homme aux mille visages, consacré au tristement célèbre agent secret corrompu Francisco Paesa Sanchez, le casting de La Isla Minima, lui, n’a pas chômé. Le vétéran Javier Guttierez était cette année à l’affiche de Truman, Appel inconnu et bientôt Assassin’s Creed. Le jovial Raul Arevalo, que l’on avait croisé dans Les Amants passagers d’Almodovar ou Ghost Graduation, et qui avait montré un autre visage de comédien en embarquant dans le polar rétro de Rodriguez, a dû choper le même virus du film noir carabiné. Passant à la réalisation et au scénario pour la première fois, l’acteur a livré en 2016 Tarde para la ira, ou La colère d’un homme patient en version française. Un néo-noir tourné dans sa ville natale de Madrid, et au générique duquel on retrouve, en tête d’affiche… un autre camarade de jeu de La Isla Minima, l’excellent Antonio de la Torre, vu aussi chez Almodovar et Alex de la Iglesia.

Présenté au festival de Venise en septembre, et bénéficiant déjà de flatteuses critiques, La colère d’un homme patient s’intéresse à la relation trouble qui se forme entre un homme mystérieux, José (De la Torre), et Ana (Ruth Diaz, À louer) qui tient un bar avec son frère. Après plusieurs années derrière les barreaux pour un braquage raté, l’ancien petit ami d’Ana, Curro (Luis Callejo, vu dans Mi gran noche et prochainement dans L’homme aux mille visages), qui est aussi le père de sa fille, sort de prison. Personnage violent et imposant, Curro n’est toutefois pas l’homme patient en titre : José est celui qui contient depuis toutes ces années sa rage, et se prépare à mettre un plan savamment préparé à exécution…

Une confrontation sans retour

Malgré un cadre narratif qui peut évoquer le scénario de Drive, La colère d’un homme patient ressemble plus à un film à suspense et réaliste, si l’on en croit la bande-annonce réalisée à l’occasion de la sélection du film au TIFF de Toronto. Ayant investi les barrios de son enfance pour y poser ses caméras, Arevalo semble avoir emballé un thriller rugueux et ambigu, où l’anti-héros qu’est José n’est pas tant un personnage machiavélique qu’un homme dépassé par ses sentiments. La confrontation avec le bloc de rage instinctive qu’est Curro, lui aussi rendu irascible par son séjour en taule, débouchera forcément sur une tragédie, présage renforcé par les images montrant José, fusil de chasse à la Dustin Hoffman en main, prêt à rendre enfin sa justice. Un film à surveiller de très près, donc, d’autant plus que le distributeur français ARP a annoncé une date de sortie française fixée au 5 juillet. Une bonne nouvelle pour les amateurs de cinéma ibérique ; une de plus puisque d’autres titres récents du genre comme Intruders, vu à Beaune, ou Toro, avec Luis Tosar, vont être eux distribués en vidéo en 2017.

Bande-annonce