Sur le papier, la production canadienne The Colony est une affaire entendue : un décor enneigé qui évoque immédiatement Le Transperceneige, un solide duo de têtes d’affiche ayant fait ses preuves dans le domaine de la science-fiction (Laurence « Matrix » Fishburne et Bill « Aliens » Paxton), un parfum entêtant de film d’action post-apocalyptique… Tout pour passer un bon moment a priori, d’autant plus que Jeff Renfroe (réalisateur du polar Civic Duty et monteur de l’excellent Anvil : the story of Anvil) a eu la rafraîchissante idée d’emballer son aventure en un peu plus de 95 minutes, dégraissant au maximum son histoire pour garantir un maximum d’adrénaline.

La production a également basé une bonne partie de sa promotion sur le fait que le film avait été tourné dans une base souterraine « Norad » de l’Ontario, hors service depuis la fin de la Guerre froide. Officiellement, il s’agit du décor réel le plus profond – soixante étages sous terre au bas mot – de l’histoire du 7e art. Oui, quand même.

Les colonies de l’extrême

The Colony : gelés du cerveau

Seul souci, au final, il n’y a pas grand-chose à dire sur The Colony. Linéaire jusqu’à l’effarement, le film demeure plus intéressant dans la façon dont il met en place son univers, évocateur à plus d’un titre, que dans la manière dont il l’utilise. Pour résumer les choses, The Colony débute alors que la Terre a été plongée dans une nouvelle ère glaciaire, et est exposée jour et nuit à des chutes de neige interminables. « Tout ce que l’on sait, c’est qu’un jour il s’est mis à neiger… et ça ne s’est jamais arrêté », résume Sam (Kevin Zegers, The mortal instruments) en voix off – l’artifice narratif préféré des scénaristes pressés. Les survivants se terrent dans des bases souterraines, à l’abri du froid, en tentant de poser les bases d’une nouvelle micro-société. Manque de chance, les maladies les plus communes se sont transformées, faute de médicaments, en véritable fléau, et déciment les plus faibles. Ce tableau bien noir n’empêche pas le leader de la « Colonie 7 », Briggs (Fishburne, dans son élément) de répondre à l’appel à l’aide d’une colonie voisine, au grand dam de son ex-frère d’armes, Mason (Bill Paxton, en pilote automatique). N’importe quel humain ayant vu Alien sait pourtant que dans certaines situations, mieux vaut ne pas réagir à ce genre d’appels de détresse…

[quote_center] »Le budget permet quelques moments spectaculaires comme l’explosion d’un pont envahi par la glace. »[/quote_center]

Qui sait ce qu’aurait pu donner The Colony s’il s’en était tenu à la description de cette vie précaire en autarcie. La Colonie 7 ne tient debout que grâce à des règles fluctuantes et l’ingéniosité de certains membres faisant pousser des aliments rares, mais indispensables. Un microcosme intrigant et constamment au bord de l’anéantissement, où les petits chefs comme Mason peuvent faire leur loi arme à la main. Cet aspect, brossé de manière rudimentaire dans le premier quart d’heure, est au centre des meilleurs moments du film, qui abandonne bien vite ces scènes d’exposition pour s’engluer dans une décevante routine de série B rimant avec petits bras : en gros, l’essentiel de The Colony consiste à suivre Sam et Briggs dans leur odyssée vers la fameuse colonie 5, où les attendent bien évidemment un paquet d’ennuis, avant de les voir revenir en catastrophe dans leur propre base, poursuivis par des méchants bien décidés à envahir les lieux. Comme The Hobbit, le film aurait très bien pu pour résumer son intrigue s’appeler Histoire d’un aller et retour.

Un peu de spectacle, très peu d’enjeux

The Colony : gelés du cerveau

The Colony ne se montre pourtant pas trop manchot dans la gestion de ses personnages, sommairement dépeints, mais pas transparents pour autant, et n’a pas à avoir honte de ses nombreux plans numériques, qui donnent vie avec une certaine inspiration à un monde futuriste où il est curieusement possible de s’aventurer dehors sans geler sur place, malgré la chute drastique et définitive des températures. Le budget de 16 millions de dollars a visiblement été dépensé à bon escient, et permet quelques moments spectaculaires comme l’explosion d’un pont envahi par la glace.

Le souci du film sur lequel ne se sont visiblement pas penchés longtemps ses quatre (!) scénaristes, c’est qu’il se trompe d’enjeux. Il aurait été plus intéressant d’observer la façon dont se dérègle un groupe en vase clos et au pied du mur, que de s’adonner à une chasse aux monstres, dont les moindres étapes sont prévisibles, personnifiées par un grand gaillard mono-expressif qui n’aurait pas eu droit à plus d’une minute de présence à l’écran dans le plus mauvais Blade. Que le scénario s’amuse à faire un mini-remake, avec Bill Paxton, de la scène de la cuisine d’Aliens (« Ils sont dans les conduits ! »), ou que le réalisateur en rajoute dans le gore pour dynamiser ses affrontements, rien n’y fait : The Colony s’évapore de notre esprit dès son générique de fin, comme la neige au petit matin. N’est pas Bong Joon-Ho qui veut…


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Deuxurcinq
The Colony
De Jeff Renfroe
2013 / Canada / 95 minutes
Avec Kevin Zegers, Laurence Fishburne, Bill Paxton
Sortie le 6 août 2014 en DVD et Blu-ray chez Wild Side
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