Les studios ne s’en cachent pas : une bonne partie de la campagne marketing préparant la sortie d’un film repose sur la préparation et la diffusion des spots, teasers et bandes-annonces de diverses durées. Ce sont ces éléments qui sont les plus longuement disséqués. Moins commentés, les posters sont pourtant tout aussi révélateurs des objectifs et de l’atmosphère d’un long-métrage, et agissent de manière presque inconsciente sur notre désir de découvrir ou non ce qui se cache derrière leurs promesses.
Être original, ça peut être utile
Comme de nombreux tumlbr et classements s’échinent à le démontrer, l’imagination n’est malheureusement le trait commun de toutes les affiches de films, qui se reposent sur des recettes poussiéreuses et des photoshoppages parfois hasardeux pour vendre leur « produit ». Un illustrateur inspiré peut pourtant frapper l’esprit bien plus sûrement qu’un montage rapide de silhouettes d’acteurs connus sur fond blanc. Certains studios et producteurs l’ont bien compris, et l’année 2014 a comme les précédentes montré par l’exemple que les posters de films pouvaient, et se devaient, de continuer à être audacieux, espiègles, ambitieux… bref, artistiques avant tout.
À la manière de ce que nous avions déjà fait en 2013, ce top compile donc les affiches, officielles et alternatives, les plus marquantes de l’année écoulée, quel que soit le genre ou les pays. Votre préférée manque-t-elle à l’appel ? N’hésitez pas à nous le dire dans la rubrique commentaires. En attendant que le festin visuel commence… Enjoy !
Godzilla (affiche alternative)
Tout comme Pacific Rim l’an dernier, le film de monstres de Gareth Edwards s’est révélé être une puissante source d’inspiration pour l’équipe marketing de Warner Bros. C’est bien simple, tous les visuels associés à Godzilla ont été, en amont et au moment de la sortie, à la hauteur du mythe convoqué, avec des jeux sur les échelles, les couleurs et les symboles renversants. Ce poster alternatif, qui sublime les origines nippones du monstre atomique n’est qu’un exemple brillant parmi d’autres.
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Night Call
Son retitrage abusif, conçu pour bien faire comprendre au public que le film fait penser à Drive (quitte à en reparler directement sur l’affiche), n’a visiblement pas nui à Night Call (aka Nightcrawler), joli succès en salles. Le poster, lui, reste l’un des plus marquants de l’année, avec cet extrême gros plan de Jake Gyllenhaal particulièrement trompeur et son grain artificiellement grossi qui lui donne ce ton délicieusement rétro.
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Blue Ruin
Surprise indé de l’année, Blue Ruin, polar terminal évoquant autant le cinéma sudiste d’un Jeff Nichols que celui des frères Coen, a bénéficié d’une superbe campagne d’affichage au fil de sa carrière. Nous avons choisi ce poster à la Hitcher pour sa composition, parfaite et imposante, mais les autres affiches du film sont tout aussi frappantes.
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Enemy
Autre exemple idéal de film aux thématiques visuelles assez fortes pour générer de superbes « concept sheets », Enemy n’a pas été gâté par les distributeurs français, qui auraient mieux fait de reprendre ce design pour le moins étrange, mais ô combien représentatif de l’atmosphère suffocante mise en place par Denis Villeneuve. L’expression « avoir une araignée au plafond » n’a jamais été aussi savamment illustrée.
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Under the skin
S’il fallait une preuve que Scarlet Johansson était devenue une tête d’affiche bankable, les posters de Lucy et Under the skin auront servi de double démonstration : le visage de l’actrice, regard caméra, remplit tout le cadre et sert dans chaque cas de principal argument commercial. Notre préférence va en tout cas au film de Jonathan Glazer, hallucination étoilée et éthérée qui parvient à saisir l’étrange fascination qui émerge du regard de la star à la voix rauque.
Fury (affiche teaser)
Le film de guerre de David Ayer n’a pas fait d’énormes étincelles au box-office malgré la présence de Brad Pitt en tête d’affiche, mais la première et très sobre affiche du film n’est pas à blâmer. Une promesse (« Toutes les guerres finissent mal »), le visage défait d’une star reléguée en bas du cadre, l’amorce d’un tank sur lequel apparaît le titre… Le genre et le mood de Fury sont résumés avec une économie de moyens percutante.
Catacombes
L’un des rares found footage à avoir connu les honneurs d’une sortie en salles en 2014, Catacombes se distingue immédiatement de la masse par la qualité graphique de son poster, orgie de rouge sur fond de tour Eiffel qui en a fait s’arrêter plus d’un dans le métro. « Mais il est ivre l’afficheur, elle est à l’envers l’affiche ! ». Le film est ce qu’il est, mais son poster, lui, est déjà passé à la postérité chez les cataphiles.
Whiplash (affiche alternative)
« L’autre » sensation du cinéma indépendant américain cette année, c’est le furieux film d’apprentissage musical Whiplash, dont une partie des posters vante désormais les cascades de louanges que le film a attiré sur lui. Nous préférons de loin la sobriété de cette affiche alternative, qui résume sans kit de batterie superflu les enjeux et les dilemmes au cœur du scénario.
Nymphomaniac
Avant qu’il ne montre le bout de son nez sale, d’abord sous forme de dyptique, puis, en version intégrale, Nymphomaniac se rêvait déjà comme un film à scandale. Lars Von Trier est du genre à chérir la transgression, et la galerie de portraits réalisée avec le casting pour les besoins de la promotion a montré à quel point ces derniers lui avaient, hem, tout donné. Héroïne à son corps défendant d’une saga bien tordue, Charlotte Gainsbourg, en pleine « petite mort », illustre logiquement le poster final d’un film qui a réussi à choquer même, et surtout, ceux qui ne l’avaient pas vu.
Aux yeux des vivants (affiche teaser)
Quoi que l’on pense du duo Maury/Bustillo, ces gars-là assument avec une rare intégrité leur statut de cinéastes guérilleros, décidés à pondre du genre en France quoiqu’il en coûte (bon, leur prochain film sera Leatherface, donc il faut remettre ça en perspective). Élevé au bon grain de la série B qui tâche, le duo a rendu hommage de belle manière aux BD populaires de leur enfance à la EC Comics, avec cette affiche teaser d’Aux yeux des vivants, qui reproduit même le coin de page écorné de ces papelards bon marché d’autrefois.
Still the water
Instant poésie élégiaque avec cette affiche post-cannoise du dernier film en date de Naomi Kawase, Still the water, histoire d’amour insulaire et mystique qui nous donnerait presque envie de plonger tout nu dans l’eau d’un lagon. Bon, dans l’immédiat, le cours d’eau le plus proche c’est la Seine, donc sachons nous retenir et profitons de cette superbe composition visuelle…
Horns (affiche alternative)
La vision d’un Daniel Radcliffe affublé de cornes a manifestement beaucoup inspiré les graphistes, comme le prouve cette affiche alternative de Horns, qui met en valeur la silhouette démoniaque de notre héros. Détail essentiel, la forme ondulée des cornes fait ici écho à la typographie échevelée du titre lui-même. Toujours se méfier de la beauté du Diable…
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Piégé
Comme quoi, en France aussi, il est possible de vendre un film avec une affiche concept audacieuse ! Bon, malheureusement, il est clair que Piégé n’a pas trouvé son public, mais chapeau tout de même aux créateurs du poster, qui plante un décor, un acteur et un pitch (« S’il bouge, il meurt ») avec un minimum d’éléments et une efficacité maximum.
The Double (affiche alternative)
Film de double, comme Enemy, The Double est aussi intéressé par les tourments psychologiques de son héros Jesse Eisenberg que par la peinture d’un univers kafkaïen fortement influencé par les films de Terry Gilliam et par Metropolis. Des références parfaitement synthétisées dans cette affiche alternative aux tons charbonneux, qu’on jurerait échappée d’une édition illustrée du Procès. Well done.
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Inherent Vice
Il ne sortira qu’en 2015, mais le nouveau film de Paul Thomas Anderson nous fait déjà rêver, grâce d’une part à son trailer, dont les effluves évoquent un The big Lebowski croisé avec Las Vegas Parano, et à ses affiches, réminiscences du Coup de cœur de Coppola dans leur ambiance outrageusement pop et colorée. La dernière bannière en date rejoue la Cène en mode hippie et c’est tout aussi formidable !
The Guest (affiche teaser)
Oui, il fait peur, hein ? Et pourtant, Dan Stevens, révélé par la série Downton Abbey et à l’affiche en 2014 de Balade entre les tombes, a le genre de visage qui pourrait en faire le nouveau Ryan Gosling s’il ne faisait pas gaffe. Grâce soit rendue à Adam Wingard (You’re Next) d’en avoir fait l’anti-héros maléfique de The Guest, thriller toujours honteusement inédit en France, dont les posters jouent avec entrain sur le physique angélique de sa vedette. Brrr…
Wolfcop
« Comme l’inspecteur Harry. En plus poilu ». À chaque sélection de posters sur BTW, son poster vintage. En 2014, rien n’arrivait à la cheville du délicieux Wolfcop, dont le pitch raconte exactement que le titre promet, et qui s’est fendu pour son exploitation d’une affiche over the top, qui vend avec une absence de subtilité salutaire son concept complètement bis. Avouez-le : là, tout de suite, vous avez envie de voir Wolfcop !
The Hateful Eight (affiche teaser)
Il ne sortira qu’à la fin de l’année 2015, mais The Hateful eight, le prochain film de Quentin Tarantino, qui comme Django unchained sera un western, a d’ores et déjà enflammé la toile avec un poster teaser digne de Saul Bass. Il y aura du sang, il y aura une diligence, et il y aura surtout des projections en Cinémascope 70 mm dans les salles équipées : QT nous vend une fois de plus du rêve, en même temps qu’il offre une excuse toute trouvée pour retapisser sa chambre.
Man on high heels (affiche teaser)
Inédit en France, Man on high heels est présent dans cette liste à titre de prétexte, pour rappeler à quel point, dans le domaine des affiches de films, les Sud-Coréens sont un pays à part. En jouant sur le graphisme de leurs idéogrammes et des compositions visuelles « en suspens », les Coréens ne réalisent pratiquement que des posters mémorables, et dans le genre, cette explosion façon Jackson Pollock de violence et de grâce combinée est véritablement impressionnante.
Oculus
En attendant de voir (peut-être) le film sélectionné à Gérardmer, attardons-nous pour finir sur le poster d’Oculus. Ici, c’est moins le concept du visage déformé qui marque les esprits (d’autres, comme La mort en ligne, ont tenté le coup avant), que l’exécution, peaufinée jusqu’à la moindre veine, et en accord total avec le sujet du film – une histoire de miroir maudit. Dérangeant, et bien flippant !
Mention déshoronable : Expendables 3
On ne va pas faire un classement interminable des affiches les plus pathétiques de cette année passée, mais une mention s’impose pour l’ensemble de la campagne d’Expendables 3, qui prouve, dans ses erreurs de jugement (de l’ensemble poster montrant tout le monde hilare comme au Bébête Show, à la collection spéciale « Andy Warhol » en passant par les character posters façon studio photo, tout est raté) que personne ne s’est vraiment intéressé au produit qu’il fallait vendre. Patrick Hugues méritait mieux.
Attends, le poster d’Expendables, là, c’est vraiment un truc officiel ?
Oui. C’était à l’occasion du Comic Con.