Cette fois, c’est dit, les études des experts le prouvent : le marché de la vidéo physique est exsangue (et le premier qui dit que ça n’a rien à voir avec le piratage se met un grand et long doigt dans l’œil), surtout en haute définition, et les experts attendent avec un œil fébrile que la transition vers la location dématérialisée se fasse pour de bon en 2016. La profusion des portails (et donc l’éparpillement des droits de distribution, certains faisant logiquement jouer leur droit d’exclusivité sur les titres qu’ils ont achetés, voire produit), le flou artistique entourant les tarifs de location – de 1 à 8 €, voire 15 € quand le film n’est proposé qu’en achat définitif -, les interfaces parfois pénibles… et plus généralement, le manque de promotion autour de ces services pas aussi faciles à dompter que cela pour le spectateur lambda, sont pour l’heure des obstacles non franchis par les services VOD – et la SVOD par extension.

Cela complique forcément notre tâche, qui est de rendre visible des titres qui pour certains passent atterrissent dans votre box sans bruit, et y restent là dans l’anonymat, jusqu’à ce que des bonnes volontés décident de faire le boulot des studios pour propager la bonne parole. Le saviez-vous ? Big Game, actioner nostalgique avec Samuel L. Jackson que l’on doit au réalisateur de Rare Exports, est disponible à l’achat en VOD depuis décembre ! Et Jamie Marks is dead, sélectionné à Gérardmer, et nouveau film du cinéaste des Ruines, sorti en catimini il y a quelques mois, sous notre nez ?

Des oublis, des ratés, il y en a dans notre sélection mensuelle, qui n’a pas vocation, ce mois-ci comme les précédents, à être exhaustive, mais représentative. N’hésitez pas à réagir dans les commentaires ou sur notre page FB, pour nous faire part de vos découvertes, ou nous signaler des actus vidéo pas assez mises en avant ! Après tout, Internet et la télévision sont devenus un grand vidéo-club global, alors chacun est plus ou moins devenu notre vendeur préféré… !


Last Knights

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Un film de Kazuaki Kiriya avec Clive Owen, Morgan Freeman, Cliff Martinez

Sortie le 26 janvier en DVD et Blu-Ray (Metropolitan)

Rien ne peut laisser penser, lorsque vous regardez l’affiche ou même le film, que Last Knights est le troisième long-métrage du japonais Kazuaki Kiriya. Son nom n’est peut-être pas immédiatement familier, mais le gaillard a pourtant étonné son monde en signant dans les années 2000 les bourrins et esthétisants Casshern et Goemon. Deux espèces d’anime live, parfois étourdissants, parfois écoeurants par leur overdose de CGI. Kiriya a cette fois calmé le jeu en livrant un film d’aventures plus fantaisiste que médiéval, co-production anglo-coréenne où Morgan Freeman et surtout Clive Owen rejouent basiquement l’histoire des 47 Ronin, mais avec des chevaliers à la place des samouraïs. Trop long et exagérément sérieux, vu le manque d’originalité du script, Last Knights prend son temps (comprendre : il y a beaucoup de ralentis) pour mettre en place ses enjeux, puis la descente aux enfers de son héros (Owen est logiquement patibulaire et sans émotion). Le film répond enfin à nos attentes dans un dernier acte bien emballé, à base de forteresse surprotégée et de missions suicides. Mais rien qui puisse expliquer la pertinence d’un tel projet apatride, où le seul qui semble vraiment s’amuser est l’acteur norvégien Askel Hennie (Headhunters, Seul sur Mars), à qui il est demandé d’incarner le plus détestable des simili-Iznogoud possibles. Ce qu’il fait avec entrain !

À voir… si vous aimez la Fantasy plus que l’Histoire, si les attaques de châteaux forts et les chevaliers déchus sont votre dada.


Made in France

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Un film de Nicolas Boukhrief, avec Malik Zidi, François Civil, Ahmed Dramé
Sortie le 29 janvier en e-Cinema (Pretty Pictures)

Nous pourrions ausculter à l’infini les déboires de Made in France, qui, victime à plusieurs reprises d’une tragique actualité , n’a finalement pas réussi à sortir en salles. Derrière les polémiques, les titres de Unes, il reste de l’oeuvre de Nicolas Boukrief une volonté consciencieuse et nécessaire de décrire le mécanisme de radicalisation. Utilisant comme toujours le genre du thriller, méthodique et haletant, le cinéaste met en scène un jeune journaliste infiltré dans une cellule djihadiste. De découverte en découverte, le reporter réalise avec effroi, et le spectateur avec lui, la faculté de « gens ordinaires » à devenir des monstres. Cette plongée brutale au cœur de l’intime de ces personnages attachants, le conduira à comprendre certains choix, mais ne l’empêchera pas de tenter de se soustraire à l’innommable et à prendre de plus en plus de risques, jusqu’au point de non-retour. Porté par une bande de comédiens impliqués (Malik Zidi, Dimitri Storoge, François Civil), par une musique signée ROB particulièrement prenante, et une approche directe et néanmoins complexe, Made in France est un film instructif, captivant, mais aussi exigeant, et dont l’intérêt pédagogique résonne plus que jamais aujourd’hui vu son destin médiatique.

À voir… si vous voulez réfléchir et prendre du recul sur une actualité difficile à comprendre, si vous aimez les thrillers politiquement et socialement engagés

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L’Oracle

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Un film de Philipp Stölzl, avec Tom Payne, Ben Kingsley, Stellan Skarsgard

Sortie le 4 janvier en DVD et Blu-Ray (Condor)

Même si elle donne un aperçu bien réel du dépaysement qui attend le spectateur, l’affiche de L’Oracle nous induit un poil en erreur. Cette production germanique au générique de laquelle on retrouve entre autres Ben Kingsley n’a rien à voir avec une aventure arabisante façon Prince of Persia (où il joue également). L’Oracle est en fait l’adaptation d’un best-seller signé par l’Américain Noah Gordon, Le médecin d’Ispahan : une fresque dans l’Europe du Xe siècle, qui se penche sur l’histoire d’un jeune « barbier » anglais, doté du pouvoir de prédire la mort de ceux qu’il touche, et qui traverse le continent pour apprendre la médecine au contact d’un grand savant nommé Avicenne. Le voyage de notre jeune héros (incarné par le peu connu Tom Payne), et les péripéties qui adviendront dans le royaume oriental où il étudiera fournissent un sacré matériau pour un grand film d’aventures, certes conventionnel dans sa mise en scène, mais passionnant dans ses thèmes. Pour ne rien gâcher, L’Oracle est furieusement beau par endroits, avec des décors saisissants de réalisme et une photo qui tire le meilleur de ses couleurs terreuses. À découvrir !

À voir… si vous aimez les films d’aventures qui vous apprennent des choses, si l’histoire de la médecine contée par Ben Kingsley vous fascine.

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Bus 657

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Un film de Scott Mann, avec Robert de Niro, Jeffrey Dean Morgan, Morris Chestnutt

Sortie le 6 janvier en DVD et Blu-Ray (Marco Polo)

Nous commençons à les connaître, ces DTV qui alignent sur leur affiche les têtes photoshoppées d’acteurs prestigieux, curieusement associés à des pitchs qui sentent bon le Hollywood night du samedi soir. Avec Bruce Willis, Robert de Niro est devenu l’autre visage familier de ce genre de productions bâtardes, plus riches qu’un épisode de NCIS mais pas beaucoup plus évoluées question scénario. Le bon vieux Bob, qui incarne ici un patron de casino flottant aux chemises criardes, sert de caution luxueuse à un ersatz tranquille de Speed, sans les limitations de vitesse et avec le cou de Dave Bautista pour remplacer Dennis Hopper. Dans le rôle principal, Jeffrey Dean Morgan tente encore de prouver que Watchmen n’était pas un accident, en jouant les papas repentis braquant son patron et prenant en otage un bus pour s’échapper. La violence sèche du film, réalisé par Scott Mann (The Tournament, autre DTV à l’affiche rutilante), assez gratuite, ne parvient pas à nous enlever de la tête que tout cela est bien bête et pantouflard, jusqu’au retournement final, qui ne tient pas la route une seconde – c’est le cas de le dire. À sauver, une scène d’assaut motorisé suicidaire, qui nous donnerait presque envie de comparer la chose à un actioner  hong-kongais. Presque.

À voir… si vous êtes un complétiste forcené de l’œuvre de Robert de Niro, si les poursuites en bus ont toujours excité l’ancien écolier qui sommeille en vous


Final Hours

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Un film de Zak Hilditch avec Nathan Phillips, Angourie Rice

Sortie le 20 janvier en DVD et Blu-Ray (France Télévisions)

Venant de l’Australie, on connaissait sans problème la vague des films post-apocalyptiques, de Mad Max au récent The Rover. Final Hours, sélectionné notamment à l’Étrange Festival, innove au moins sur un point : il s’agit en fait d’un récit pré-apocalyptique. Comme son nom l’indique, il ne reste aux héros du film de Zal Hilditch que quelques heures à vivre : le temps que l’onde de choc créée par une météorite atteigne l’Australie et envoie tout le monde ad patres. Un type paumé, James, va vivre ces derniers moments de manière tumultueuse, en sauvant sur un coup de tête une jeune fille recherchant ses parents, et en renonçant à son projet initial de « partir en beauté » dans une orgie apocalyptique. Un peu comme Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare, mais en plus noir. C’est dans son illustration du chaos ambiant, oscillant entre hédonisme désespéré et pillages en tous genres, que Final Hours marque les esprits, plus que dans le parcours finalement conventionnel de son duo de héros mal assorti. Bien shooté, bien mené jusqu’à un final à la hauteur de son pitch, c’est une belle tentative de renouveler un genre dont on croyait un peu avoir fait le tour.

À voir… si vous voulez avoir des idées pour la fin du monde, si pour vous Australie rime toujours avec apocalypse.

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The Wolfpack

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Un film de Crystal Moselle, avec Baghavan Angulo, Govinda Angulo

Sortie le 13 janvier en DVD (Luminor)

C’était le documentaire star de 2015 au Festival de Sundance, où il a remporté le prix du public : The Wolfpack est un film brillant en grande partie parce qu’il nous dévoile l’histoire incroyable et bien vraie d’une fratrie ayant vécu grâce et par le cinéma. Les six frères Angulo, qui habitaient New York avec leurs parents, ont en effet grandi à l’abri des regards, en restant pratiquement enfermés pendant quinze ans dans l’appartement familial, avec la télé et quelque 5 000 films pour seul échappatoire. Forcément, les frangins sont devenus des cinévores à la mémoire d’éléphant, recréant façon Soyez sympas, rembobinez des scènes de leurs films préférés, avec des accessoires faits maison et une vraie ingéniosité. Crystal Moselle, qui a réalisé le film un peu par accident en tombant sur le « gang » dans la rue, accuse le coup d’un certain manque d’expérience dans le montage, brouillon, du film. Mais les frères Angulo, eux, demeurent une fascinante découverte, que Hollywood commence d’ailleurs à s’arracher !

À voir… si vous pensez que la vie c’est quand mieux grâce au cinéma, si les histoires trop invraisemblables pour être vraies vous passionnent.

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Danny Collins

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Un film de Dan Fogelman, avec Al Pacino, Annette Benning, Jennifer Garner

Sortie le 11 janvier en VOD (TF1 Vidéo)

Contrairement à son ami (et concurrent) de longue date, Robert de Niro, qui semble accepter ses rôles sur la seule foi du montant de son cachet, Al Pacino continue d’enchaîner, en mode mineur mais avec application, les rôles de séniors en pleine crise de conscience, avec des réussites variables. Si The Humbling et Manglehorn avaient eu droit, eux, à une exploitation en salles, Danny Collins, petit bide aux USA, prend lui la voie du direct-to-VOD. Dommage pour ce drame simple mais touchant réalisé par Dan Fogelman (scénariste de Crazy Stupid Love), qui s’inspire d’une anecdote arrivée au chanteur folk britannique Steve Tilston pour imaginer la tardive épiphanie d’une gloire de la pop folk démodée, Danny Collins. Le jour où son manager lui offre une lettre de 1971 signée John Lennon, qui lui était destinée mais qui ne lui est jamais parvenue, le chanteur remet son mode de vie princier en perspective et part à la rencontre d’un fils qu’il n’a jamais connu. Danny Collins prend certes peu de risques en faisant de ce crooner un dandy égoïste et alcoolique mais sympathique avec tout le monde. Les bons sentiments sont aussi omniprésents que les chansons de Lennon dans la BO ! Si la sauce prend, c’est grâce à la performance millimétrée de Pacino, plus à son aise ici qu’en Phil Spector, et l’alchimie  intense qui se dégage de ses scènes avec l’excellent Bobby Canavale (bientôt en tête d’affiche de la série Vinyl de Martin Scorsese), cœur émotionnel de cette histoire de rédemption classique mais entraînante.

À voir… si vous aimez les histoires de rédemption et de vieux beaux magnifiques, si vous n’avez jamais entendu Pacino chanter du folk à paillettes


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